"La fête, la mer, la nuit: ce sont les vrais plaisirs de Malte. Rites lents, lumières, guirlandes, bannières, pavoisement des terrasses et des mâts, constructions des infrastructures pyrotechniques, premières processions, un peu désordonnées, fanfares hagardes marchant dans les rues des villes, même les plus éloignées, jour et nuit. Travail de possession. La population sort ses prophètes sur la place. Les statues d'Ezéchiel, de Jérémie, de Daniel sont les témoins d'un prologue qui dure plusieurs jours."
Le destin m'a jeté dans une carrière qui n'était pas la mienne. Accroché au rocher maltais par mes lettres de créance, ouvrier de la diplomatie française sur une île perdue au milieu des eaux et du temps,j'ai vu tourner les saisons, et fleurir trois fois les orangers. Il y a longtemps que j'attendais d'avoir ma chaise au banquet méditerranéen. Jusqu'alors je n'étais qu'un oiseau de passage. Malte a tenu ses promesses. J'ai été accueilli, d'une certaine façon délivré, admis dans la confidence d'une vieille civilisation."
A propos de Milan Kundera :
"J'aime sa façon, de camper à l'écart de la comédie littéraire et de ses graphomanes qui nous sont moins utiles qu'un plombier moyen. Un livre de Kundera est une présence amicale et stimulante." (p. 62)
Il ne faut jamais sous-estimer la géographie. Elle assigne souvent notre rôle dans l'histoire.
"Le catholicisme fut ma seconde patrie. C'était la religion des miens, celle de mon enfance. La vie, qui travaille lentement sa tapisserie, corrige sans cesse les courbes de nos existences, le temps est son métier. Adolescent, je m'étais hâté de renier la foi silencieuse des gens de ma race." (p. 147 & 175)
L'Europe est aujourd'hui un colosse d'argile bureaucratique affecté par divers troubles du comportement : amnésie dissociative, perte d'identité, dépression persistante. L'aveuglement hystérique sur l'importance des valeurs judéo-chrétiennes dans la formation de notre communauté de destins en est le symptôme le plus manifeste. Tous ces maux paralysent la volonté, entravent la pensée et l'action. Le corps est solide mais la tête est malade. L'oubli n'a jamais guéri personne.
A trente ans, j'avais l'âme naufragée. Une église de campagne fut le berceau de ma consolation. C'était un dimanche, en hiver, j'étais assis au fond de la nef, sur le modeste banc qui avait été celui de mes grands-parents, et j'ai compris que ma place était là, que je devais à mon tour m'abandonner à cette sérénité qui me ramenait vers ma source. La lecture d'une lettre de James Joyce à l'un de ses amis m'aide alors à comprendre ce que je suis : un catholique errant.
Malte est l'île la plus cordiale, la plus accueillante de toutes les terres de Méditerranée. La Méditerranée lui appartient depuis toujours. Malte est un morceau d'Afrique et elle est en Europe. Elle est en Orient et elle est d'Occident.
« C’est cette petite république catholique dont je veux parler, raconter ce cœur précis des eaux, qui semble dériver sans mourir au fil du temps, et ne réclame à aucun Européen d’abdiquer ses souvenirs. » (p. 16)
« Le faucon maltais est celui que les chevaliers avaient pour obligation de donner, chaque année, pour la Toussaint, au vice-roi de Sicile en seule contrepartie du don que Charles Quint leur avait fait de l’archipel. Cette obligation a toujours été honorée. […] Le reste est littérature (Dashiell Hammet) ou cinéma (John Huston). » (p. 244 & 245)