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Citations sur Les Meslanges (8)

SONET

Celuy qui boit, comme a chanté Nicandre,
De l’Aconite, il a l’esprit troublé,
Tout ce qu’il voit luy semble estre doublé,
Et sur ses yeux la nuit se vient espandre.
Celuy qui boit de l’amour de Cassandre
Qui par ses yeux au cœur est écoulé,
Il perd raison, il devient afolé,
Cent fois le jour la Parque le vient prendre.
Mais la chaux vive, ou la rouille, ou le vin,
Ou l’or fondu, peuvent bien mettre fin
Au mal cruel que l’Aconite donne :
La mort sans plus a pouvoir de guarir
Le cœur de ceux que madame empoisonne,
Mais bien heureux qui peut ainsi mourir.
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En vous donnant ce pourtraict mien

Dame, je ne vous donne rien

Car tout le bien qui estoit nostre

Amour dès le jour le fit vostre

Que vous me fistes prisonnier,

Mais tout ainsi qu’un jardinier

Envoye des presens au maistre

De son jardin loüé, pour estre

Toujours la grace desservant

De l’héritier, qu’il va servant

Ainsi tous mes presens j’adresse

A vous Cassandre ma maistresse,

Corne à mon tout, et maintenant

Mon portrait je vous vois donnant :

Car la chose est bien raisonnable

Que la peinture ressemblable,

Au cors qui languist en souci

Pour vostre amour, soit vostre aussi.

Mais voyez come elle me semble

Pensive, triste et pasle ensemble,

Portraite de mesme couleur

Qu’amour a portrait son seigneur.

Que pleust à Dieu que la Nature

M’eust fait au cœur une ouverture,

Afin que vous eussiez pouvoir

De me cognoistre et de me voir !

Car ce n’est rien de voir, Maistresse,

La face qui est tromperesse,

Et le front bien souvent moqueur,

C’est le tout que de voir le cœur.

Vous voyriés du mien la constance,

La foi, l’amour, l’obéissance,

Et les voyant, peut estre aussi

Qu’auriés de lui quelque merci,

Et des angoisses qu’il endure :

Voire quand vous seriés plus dure

Que les rochers Caucaseans

Ou les cruels flos Aegeans

Qui sourds n’entendent les prières

Des pauvres barques marinières.
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Odelette à sa maistresse



Je veux aymer ardentement,

Aussi veus-je qu'egallement

On m'ayme d'une amour ardente :

Toute amitié froidement lente

Qui peut dissimuler son bien

Ou taire son mal, ne vaut rien,

Car faire en amours bonne mine

De n'aymer point c'est le vray sine[1].


Les amans si frois en esté

Admirateurs de chasteté,

Et qui morfondus petrarquisent,

Sont toujours sots, car ils meprisent

Amour, qui de sa nature est

Ardent et pront, et à qui plest

De faire qu'une amitié dure

Quand elle tient de sa nature.
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Ode à l’Aloüette


ODE XXX.
T’oseroit bien quelque Poëte
Nier des vers, douce Alouëte ?
Quant à moy, je ne l’oserois :
Je veux célébrer ton ramage
Sur tous oiseaux qui sont en cage.
Et sur tous ceux qui sont es bois.

Qu’il te fait bon ouyr ! à l’heure
Que le bouvier les champs labeure
Quand la terre le Printemps sent.
Oui plus de ta chanson est gaye.

Que courroucée de la playe.
Du soc, qui l’estomac luy fend.
Si tost que tu es arrosée

Au poinct du jour, de la rosée.
Tu fais en l’air mille discours :
En l’air des ailes tu frétilles,
Et pendue au ciel tu babilles,
Et contes aux vents tes amours.

Puis du ciel tu le laisses fondre
Sur un sillon verd, soit pour pondre,
Soit pour esclorre, ou pour couver.
Soit pour apporter la bêchée
A tes petits, ou d’une achée.
Ou d’une chenille, ou d’un ver.

Lors moy couché dessus l’herbette
D’une part j’oy ta chansonnette :
De l’autre, sus du poliot,
A l’abry de quelque fougère
J’escoute la jeune bergère
Qui desgoise son lerelot.

Lors je dy, tu es bien-heureuse
Gentille Alouette amoureuse,
Qui n’as peur ny soucy de riens.
Qui jamais au cœur n’as sentie
Les desdains d’une fîere amie,
Ny le soin d’amasser des biens :

Ou si quelque soucy te touche.
C’est, lors que le Soleil se couche,
De dormir, et de resveiller
De tes chansons avec l’Aurore
Et bergers et passans encore,
Pour les envoyer travailler.

Mais je vis tousjours en tristesse
Pour les fiertez d’une maistresse
Qui paye ma foy de travaux.
Et d’une plaisante mensonge.
Mensonge, qui tousjours allonge

La longue trame de mes maux.
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Ode en dialogue des yeux et de son cœur


ODE XXXI.
J’avoy les yeux et le cœur
Malade d’une langueur
L’une à l’autre différente :
Tousjours une fièvre ardente
T-e pauvre cœur me brusloit.
Et tousjours l’œil distilloit
Une pluye catarreuse.
Qui s’escoulant dangereuse
Tout le cerveau m’espuisoit.
Lors mon cœur aux yeux disoit :

Le cœur.

C’est bien raison que sans cesse
L’ne pluye vangeresse
Lave le mal qu’avez fait :
Par vous seule entra le trait
Qui m’a la fièvre causée.
Lors mes yeux pleins de rosée,
En distillant mon souci
Au cœur respondoient ainsi.

Les yeux.

Mais c’est vous qui fustes cause
Du premier mal, qui nous cause
A vous l’ardente chaleur,
Et à nous l’humide pleur.
Il est bien vray que nous iusmes
Autheurs du mal, qui receusmes
Le trait qui nous a blessé :
Mais il fut si tost passé.
Qu’à peine tiré le vismes
Que ja dans nous le sentismes.
Vous deviez comme plus fort.
Contre son premier effort
Faire un peu de résistance :
Mais vous prinstes accointance
Tout soudain avecques luy

Pour nous donner tout l’ennuy.

O la belle emprise vaine !
Puis que vous souffrez la peine
Aussi bien que nous, d’avoir
Voulu seuls nous décevoir.
» La chose est bien raisonnable,
» Que le trompeur misérable
» Reçoive le mal sur luy
» Qu’il machinoit contre autruy,
» Et que pour sa fraude il meure.

Ainsi mes yeux à toute heure.
Et mon cœur contre mes yeux
Querelloient séditieux :
Quand vous, ma douce Maistresse,
Ayant soin de ma destresse
Et de mon tourment nouveau.
Me fistes présent d’une eau
Qui la lumière perdue
A mes deux yeux a rendue.

Reste plus à secourir
Le cœur qui s’en-va mourir.
S’il ne vous plaist qu’on luy face
Ainsi qu’aux yeux quelque grâce.
Or pour esteindre le chaut
Qui le consomme, il ne faut
Sinon qu’une fois je touche
De la mienne vostre bouche,
A fin que le doux baiser
Aille du tout appaiser
Par le vent de son haleine
La flame trop inhumaine.
Que de ses ailes Amour
M’esvente tout à l’entour.
Depuis l’heure que la flèche
De voz yeux luy fist la brèche
Si avant, qu’il ne pourroit
En guarir s’il ne mouroit.
Ou si vostre douce haleine
Ne le tiroit hors de peine.
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Amour tu semble au phalange qui point,
Luy de sa queue, et toy de ta quadrelle,
De tous deux est la pointure mortelle,
Qui rempe au cœur, et si n’aparoist point.

Sans souffrir mal tu me conduis au point
De la mort dure, et si ne voy par quelle
Playe je meurs, ny comme ta cruelle
Poison autour de mon ame se joint.
Cex qui se font saigner le pié dans l’eau,
Meurent sans mal, pour un crime nouveau
Fait à leur Roy, par traitreuse cautelle.
Je meurs comme eux, voire et si je n’ay fait
Encontre amour, ny traïson ny forfait,
Si trop aimer un crime ne s’appelle.
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À sa lyre


ODE XXII.

N’aguere chanter je voulois
Comme Francus au bord Gaulois
Avec sa troupe vint descendre.
Mais son luth pincé de mon doy
Ne vouloit en despit de moy
Que chanter Amour, et Cassandre.

Je pensois, d’autant que tousjours
J’avois dit sur luy mes amours,
Que ses cordes par long usage
Chantoient d’Amour, et qu’il falloit
En mettre d’autres, s’on vouloit
Luy apprendre un autre langage.

Incontinent, il n’y eut fust,
Table ny corde, qui ne fust,
Ny chevilles, toutes nouvelles :
Mais après qu’il fut remonté.
Plus fort que devant a chanté
Les Amours et les Damoiselles.

Or adieu donq pauvre Francus,
Ta gloire sous tes murs veincus
Se cachera tousjours pressée,
Si à ton neveu nostre Roy
Tu ne dis, qu’en l’honneur de toy
Il face ma lyre crossée.
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HYMNE DE LA MORT,

a louis des masures

Masures, on ne peut desormais inventer
Un argument nouveau qui soit bon à chanter,
Ou haut sur la trompette, ou bas dessus la lyre :
Aux anciens la Muse a tout permis de dire,
Si bien que plus ne reste à nous autres derniers
Que le vain desespoir d’ensuivre les premiers,
Et sans plus de bien loin recognoistre leur trace
Faite au chemin frayé qui conduit sur Parnasse :
Lesquels jadis guidez de leur mere Vertu,
Ont tellement du pied ce grand chemin batu,
Qu’on ne voit aujourd’huy sur la docte poussiere
D’Helicon, que les pas d’Hesiode et d’Homere
Imprimez vivement, et de mille autres Grecs
Des vieux siecles passez qui beurent à longs traits
Toute l’eau jusqu’au fond des filles de Memoire,
N’en laissans une goute aux derniers pour en boire :
Qui maintenant confus à-foule à-foule vont
Chercher encor de l’eau dessus le double Mont :
Mais ils montent en vain : car plus ils y sejournent,
Et plus mourant de soif, au logis s’en retournent.
Moy donc qui de long temps par espreuve sçay bien
Qu’au sommet de Parnasse on ne trouve plus rien
Pour estancher la soif d’une gorge alterée,
Je veux aller chercher quelque source sacrée
D’un ruisseau non touché, qui murmurant s’enfuit
Dedans un beau vergier, loin de gens et de bruit :
Source, que le Soleil n’aura jamais cognue,
Que les oiseaux du ciel de leur bouche cornue
N’auront jamais souillée, et où les pastoureaux
N’auront jamais conduit les pieds de leurs taureaux.
Je boiray tout mon saoul de ceste onde pucelle,
Et puis je chanteray quelque chanson nouvelle,

Dont les accords seront, peut estre, si tresdous,
Que les siecles voudront les redire apres nous :
Et suivant ce conseil, à nul des vieux antiques
Larron, je ne dévray mes chansons poetiques :
Car il me plaist pour toy, de faire icy ramer
Mes propres avirons dessus ma propre mer,
Et de voler au ciel par une voye estrange,
Te chantant de la Mort la non-dite louange.
C’est une grand Déesse, et qui merite bien
Mes vers, puisqu’elle fait aux hommes tant de bien.
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