Citations sur Mécanismes de survie en milieu hostile (17)
Mais à l'horizontale
je ne sais pas pourquoi
sans doute une histoire de respiration
d'abandon
de fluide
je les laisse s'approcher
me tourmenter
creuser en moi
travailler ma peine
ils sont une partie de ma vie
qui s'en va.
Je l'ai abandonnée sur le bas-côté de la route, de toute façon je ne pouvais plus rester avec elle, ça devenait trop dangereux. Je l'ai laissée à l'abri du vent, dans une ornière, derrière une haie touffue, un enchevêtrement de racines et de plantes épineuses hostiles comme des barbelés. Je me suis dit qu'elle pourrait rester là sans être vue et que, si des alliés venaient à emprunter cette route, elle les entendrait et manifesterait sa présence. J'ai fourré quelques provisions dans un sac en toile, je l'ai passé sous son bras. Elle a gémi, elle a ouvert les yeux, je lui ai juste murmuré à l'oreille "Je m'en vais". Puis j'ai repris la route.
Alice P. est surprise de la faculté avec laquelle on s’éteint, de la simplicité de cet évènement, on en fait toute une histoire alors qu’en réalité, malgré la souffrance physique, c’est une aventure presque douce. En agonisant, on sécrète des endomorphines, on s’anesthésie soi-même, on accède à un état d’indifférence et presque d’ataraxie. Tout le monde devrait connaitre au moins une fois cette expérience provisoire qui réconforte, apaise et réconcilie avec sa propre mort et celle de ses proches.
L'un après l'autre et parfois en même temps ils sont entrés dans ma vie. Ils s'en sont allés. D'autres sont venus qui s'en iront aussi. Je les accueille tous. Avec le temps, je comprends que cet accueil est définitif. Plus jamais, même après les disputes les plus radicales, les fuites, les esquives, les absences momentanées et les disparitions définitives, ils ne quitteront mon existence.
Personne n'a pris la peine de réfléchir juridiquement aux contrats implicites par lesquels un humain s'engage à l'égard d'un autre humain, personne n'a rendu illégaux les ruptures, les relégations, les séparations, les départs.
(...) je manifeste ma colère qui est une colère de façade, les colères de ceux qui se sentent trahis, humiliés, abandonnés, qui ne veulent pas être seuls.
Les suicidés sont des terroristes. Ils nous prennent en otage, ils menacent sous nos yeux impuissants de se faire exploser la cervelle ou d'avaler un tube de somnifères. Nous leur pardonnons parce qu'ils ont mal, mais si nous nous mettions en colère nous pourrions peut-être nous libérer de leur emprise, de la terrible pression qu'ils exercent sur nous. Leur jouissance ultime consiste à mettre en scène leur fin, se pendre à une poutre de leur maison, flotter dans la piscine d'amis proches, s'ouvrir les veines dans la baignoire de leurs parents, se jeter sous une rame afin d'immobiliser le trafic des voyageurs pendant ^plusieurs heures. Obnubilés par leur souffrance ils ne pensent sans doute pas à ce qu'ils laissent. Peut-être essayent-ils seulement de revoir, par flashes, quelques épisodes heureux de leur vie passée, s'octroyant ainsi un ultime instant de bien-être avant le plongeon final.Ou peut-être préfèrent-ils que ces réminiscences de dernière minute ne soient toutes désespérées afin de ne pas regretter in extremis leur choix irréversible.
Un individu se déplaçant dans un lieu donné y laisse forcément des traces (...). Soit l'idée de ne jamais passer complètement inaperçu donne un sens à notre éphémère existence, soit au contraire l'impossibilité de disparaitre est source d'angoisse, angoisse d'autant plus vive qu'elle nait d'une volonté précise d'effacer certains de nos gestes.
Je ne sais pas combien de temps j'ai couru. Je me suis retrouvée sous les arbres. Je me suis arrêtée quand je ne pouvais presque plus respirer. J'ai regardé en arrière. Je devinais encore la longue haie broussailleuse où je l'avais laissée, la route en retrait. Quelque chose en moi refusait de partir. Longtemps, je me suis tenue là, à la lisière, comme si sa silhouette allait brusquement apparaître sur le plateau et me rejoindre. Rien de tel ne s'est produit.
Je hais la dépendance dans laquelle me mettent mes amis. J'ai tellement peur, c'est maladif. J'ai l'impression, chaque fois qu'ils tardent, se défilent, esquivent, s'absentent ou me négligent, qu'ils vont disparaître d'un coup.