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EAN : 9782070785315
224 pages
Verticales (23/08/2007)
3.48/5   82 notes
Résumé :
On n'est pas là pour disparaître part du portrait d'un homme atteint de la maladie d'Alzheimer pour saisir sur le vif ce qu'est la perte de la mémoire, de la parole et de la raison. Avec ce septième livre optimiste et désespéré, Olivia Rosenthal confirme son talent et son inventivité langagière.
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Dans ce septième livre paru en 2007 aux éditions Verticales, Olivia Rosenthal réussit un tour de force, explorer avec son lecteur la maladie d'Alzheimer, un gouffre qui effraie et au-dessus duquel elle vient se pencher.

«Quelle date sommes-nous ?
Je ne sais pas.
Où êtes-vous ?
À vos côtés.
Dans quelle ville ?
Près du fleuve.
Connaissez-vous le nom de ce fleuve ?
Oui, il coule.»

Olivia Rosenthal entremêle de manière admirable, à la manière du flux de la pensée, l'histoire de Monsieur T. et de ses proches, un homme atteint de la maladie d'Alzheimer et frappé de folie, qui a poignardé sa femme de cinq coups de couteau en juillet 2004, avec le destin curieux du docteur Alzheimer, qui vît à son insu son nom accolé à cette maladie terrifiante, et enfin le questionnement lancinant de l'auteur sur la maladie et ce à quoi elle renvoie chacun de nous.

Pour accomplir cette exploration, elle doit se faire violence, s'accoutumer à regarder la maladie en face, et forcer son lecteur à la suivre dans cette voie difficile, car la maladie d'Alzheimer nous renvoie à nos peurs, à une déchéance possible de notre condition d'humain.

Le ton est objectif et clinique, lorsque l'écrivain raconte l'histoire du docteur Alzheimer ou énonce des exercices, reprenant ceux qui sont utilisés par les soignants pour évaluer les performances intellectuelles et de mémoire d'un malade – et pour faire toucher du doigt ce qu'est cette vie marquée par les blancs, les défaillances et les brisures.

«Faites un exercice.
Imaginez-vous dans la situation de celui dont l'histoire a été engloutie.
Imaginez-vous à table, dans l'ignorance de ce que vous mangez, de l'endroit où vous vous trouvez, des objets qui vous entourent, des gens qui vous parlent familièrement et qui vous paraissent des étrangers.»

Mais ce récit par fragments, revenant sans cesse sur les mêmes questions comme le malade sans mémoire condamné à un éternel recommencement, devient de plus en plus intime avec la convergence poignante - qui se dévoile progressivement - entre cette recherche sur la maladie et l'histoire familiale de l'auteur.

Sous des airs de pensée flottante et labyrinthique, un livre impressionnant de justesse et d'émotion.

«Toute la journée je suis enfermé avec des gens complètement idiots qui ne comprennent rien à ce que j'essaye de leur dire toute la journée à me démener pour sortir de là toute la journée entouré d'incultes qui me demandent de participer je suis plus à l'école dites le nom d'une fleur je suis plus un enfant et aussi le nom d'un fromage et aussi le nom d'un monument camembert c'est pas le nom d'un monument et d'une couleur camembert c'est pas le nom d'une couleur rouge c'est bien et le nom d'une pâtisserie train ce n'est pas le nom d'une pâtisserie train faites encore un effort vous allez trouver paris-brest oui c'est ça j'aime pas quand ils me félicitent et le nom d'un pays je me souviens pas travailleurs de tous les pays pas tous juste un citez-en un camembert non je les emmerde moi camembert j'ai pas envie de répondre à leurs questions j'ai pas envie d'être encouragé j'aime pas l'école je les emmerde camembert camembert camembert et j'encule la psychologue de service je l‘encule et je l'emmerde et quand je lui dis elle répond juste que je suis pas gentil et elle continue de sourire pauvre folle»
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Le roman s'ouvre par un meurtre suivi d'un interrogatoire. le 6 juillet 2004 Monsieur T. a poignardé sa femme de cinq coups de couteau. Ce roman débute comme un polar et s'achève sur un poème. Entre deux, le lecteur passera par tous les cycles d'une machine à laver et à essorer humaine.
Par un procédé littéraire classique, l'auteur nous plonge dans la tête de ses personnages, dans la sienne également, tout en nous livrant un certain nombre de données factuelles qu'elles soient historiques, scientifiques ou médicales. Aucun commentaire par contre. C'est au lecteur de faire sa petite cuisine et de décoder comme il peut. En traversant ce chaos littéraire doublé d'un maelström émotionnel, il se trouve alors jeté sans aucune précaution, ni avertissement, dans le bain de la maladie d'Alzheimer, celle qui fait basculer dans le néant, ravage la vie des proches et rend muettes les professions médicales. Pour nous la faire vivre, et non pas comprendre, Olivia Rosenthal saute du coq à l'âne, joue avec tous les genres littéraires, interpelle son lecteur, le prend à la gorge pour le maintenir dans un état de tension et de confusion la plus totale …. ainsi nous met-elle dans la condition d'une maladie que l'on redoute en secret. Diaboliquement efficace et saisissant.
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Monsieur T. a la maladie d'Alzheimer. Ce qui ne ressemblait au départ qu'à de simples pertes de mémoire dues à l'âge, s'est aggravé. le diagnostic s'est imposé : affection dégénérative du cerveau.Peu à peu, Mr T. se coupe du monde, il ne reconnaît plus les choses qui l'entourent, ses filles, sa femme, sa maison...Le 6 Juillet 2004, pris de démence sénile, il poignarde son épouse. Olivia Rosenthal a rencontré Mr T. avec la volonté d'écrire sur cette maladie de A. qui transforme les malades en êtres sans repères ni identité, sans autonomie ni mémoire.

Partant d'une histoire réelle, le drame de la famille T. touchée par la maladie d'Alzheimer, Olivia Rosenthal, réinvente et imagine ce qui reste d'une existence lorsque la mémoire s'efface et que la dégénérescence se mue en démence, en isolement, en dénuement complet du corps et de l'esprit. Construit en petits paragraphes où se mêlent en vrac pensées du malade, réflexions et anecdotes personnelles de l'auteur et éléments biographiques du docteur Alzheimer, le roman restitue, mais d'inégale façon, le désarroi causé par cette tragique maladie.
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J'aime lire de tout. La littérature "expérimentale" (pour ne pas dire verticale) en fait partie. Je garde de bons souvenirs des autres ouvrages de l'autrice. Celui-ci m'est un peu passé entre les mains. le sujet et la trame sont passionnants : meurtre, mémoire, la maladie de A... le principe de déconstruction de la narration est très présent, systématique pour ne pas dire répétitif et donc, il justifie un propos décousu à souhait. On comprend finalement que l'artiste est intervenue en résidence d'écriture dans un établissement spécialisé, qu'elle a observé, participé (parfois en s'énervant) et que cette expérience lui permet à la fois d'étudier la maladie et l'histoire de son "inventeur" et aussi de replonger dans ses traumas auto-fictionnels. le texte ne laisse pas indifférent, il est fort, mais la vraie fausse trame nous glisse entre les doigts. À froid, je me dis que cela aurait pu être bien avec une conception différente (mais forcément en dénaturant le propos initial), ou alors identique, mais en beaucoup plus court. J'y retorunerai chez Madame Rosenthal, mais un peu plus tard je pense.
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voilà un récit atypique dans son fond et sa forme. le livre débute avec l'assassinat par Monsieur T de sa femme. Puis, le fil se déroule autour de Ce personnage, de voyage dans la science, de l'intime, de l'incohérence, de la maladie. Ce qui est frappant c'est la structure du récit qui loin d'être formel, emporte le lecteur dans un va-et-vient des personnages. Au final, cette structure est étroitement liée à celle de la maladie d'alzheimer et c'est ce qui en fait la force. le lecteur est ainsi plongé dans l'univers des malades, de leurs entourages, de l'incohérence qu'elle apporte.
un récit très bien réalisé d'autant que le thème abordé est tellement difficile comme le souligne l'auteur. On peut voir à quel point cette maladie déroute ceux qui en sont atteints mais surtout ceux qui les accompagnent...
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
C’est trop compliqué
d’être un homme
de travailler de dialoguer de s’étonner de sourire
d’encaisser sans rien dire
de ne pas douter
de soi
des autres
c’est compliqué
d’être curieux d’être ouvert d’être attentif d’être prêt
au meilleur comme au pire
de supporter
la douleur l’abandon la déception la jalousie
c’est compliqué
d’aimer
d’être sûr de soi
d’être rassurant
d’être fort
c’est compliqué
de ne pas en vouloir aux femmes
à toutes les femmes
d’éduquer des enfants
de rester là
de regarder la télé
d’un air détaché
de réprimer ses désirs
de faire comme si c’était normal
comme si c’était normal de vivre
et de mourir
comme si ce n’était pas révoltant
humiliant
désespérant
comme si on n’avait rien de mieux à faire
qu’attendre
c’est compliqué
d’accepter la mort
de ses parents
de ses amis
et bientôt la sienne
de ne pas succomber à la panique
à la lâcheté
c’est compliqué
d’être propre bien habillé correct présentable
de se contrôler
de se maîtriser
de se contenir
de se respecter
de manger avec des couverts
de boire dans des récipients
de se lever
de se coucher
de chier aux bons endroits
et à heures fixes
de se raser
de bricoler
d’être tolérant d’être indulgent
d’être humain
c’est compliqué
de comprendre ou de cacher quand on ne comprend pas
d’être ingénieux ou de cacher quand on ne l’est pas
de s’habituer ou de cacher quand on ne s’habitue pas
d’être furieux sans le montrer
d’être triste sans le montrer
d’être seul sans le montrer
d’être là plutôt qu’ailleurs
d’être prisonnier
c’est si compliqué
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C'est bizarre d'éprouver le manque de quelque chose qu'on ne connait pas. D'habitude, quand quelque chose manque, on sait ce que c'est, c'est d'ailleurs pour ça qu'il ou elle manque. Le manque, c'est quand on me retire une chose dont je sais qu'elle m'est nécessaire et dont l'empreinte reste en moi vivace. Mais là, c'est autre chose, un manque flottant, un manque profond que je ne peux pas circonscrire. C'est pire, bien pire, parce que j'ai beau réfléchir, je ne sais pas ce qui me manque.
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Il y a trop de maladies, beaucoup trop. Et il y a aussi trop de médecins. S'il y avait moins de médecins, certaines maladies ne porteraient pas de nom. On ne les connaîtrait pas. Elles flotteraient dans l'univers vague des maladies non identifiées et on pourrait ainsi être sûr de ne pas en être atteint.
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il gratte contre le mur, c’est à cause de moi, je vais le laisser seul le moins longtemps possible, lui expliquer pourquoi je suis obligée de l’enfermer, le médecin m’a dit que je pouvais lui expliquer, il paraît qu’il peut comprendre parfois, il ne faut pas hésiter à lui dire, on ne peut pas vivre comme ça, l’un enfermant l’autre pour sa sécurité, on ne peut pas, ça ne marche pas, ça ne sert à rien, l’amour est impuissant, ça ne sert à rien d’aimer quelqu’un, de l’avoir aimé, l’amour n’est pas plus fort que la mort, c’est une illusion qui se dissipe dès que la maladie arrive, c’est trop dur, je n’ai pas assez de force, l’épreuve est trop difficile, c’est trop difficile d’enfermer l’homme qu’on a aimé et de l’entendre gratter de l’autre côté comme une bête
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Je peux décrire comment ça se passe je peux c’est quand je cherche un mot ou un nom je sais que je l’ai connu mais je n’arrive pas à le faire venir chaque fois que je m’approche il s’éloigne il s’enfonce il tombe c’est comme un trou dans lequel les mots les uns après les autres s’engloutissent je m’efforce je descends je plonge vers eux pour les rattraper et les faire sortir à la lumière mais beaucoup m’échappent beaucoup chutent dans le tourbillon je suis obligé de trouver des substituts
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Vidéo de Olivia Rosenthal
Lecture par l'auteure accompagnée de Ruppert Pupkin & Benoît Perraudeau Lecture musicale Elle part au Japon avec un projet bien précis : enquêter sur les attentats au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995. Mais rien ne se passe comme prévu. Les individus interrogés (et tous les animaux énigmatiques qu'elle croise) la conduisent peu à peu vers des questions on ne peut plus existentielles. Des questions belles et remuantes. Un singe à ma fenêtre est un miroir qu'Olivia Rosenthal se tend et nous tend. Elle en lira ce soir des reflets, accompagnée à la voix par Ruppert Pupkin et à la guitare par Benoît Perraudeau. À lire - Olivia Rosenthal, Un singe à ma fenêtre, Verticales, 2022.
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