Citations sur Manderley for ever (133)
La solitude s'empare d'elle, la ronge, elle se morfond, c'est injuste, elle n'a rien de triste, elle est une jeune fille drôle, elle aime rire, comme son père, rire de tout, de choses idiotes, légères, mais il lui semble que les autres savent mieux s'occuper : (...). Que lui reste-t-il ? Les mots, et ce monde magique et ensorcelant où elle s'enferme, jour après jour.
I. Londres; 1907-1925
Les mois passent, et la fringale de livres de Daphné ne semble jamais rassasiée. Tod suggère d'autres romans : Dickens, Thackeray, Scott, Stevenson, Wilde et son portrait de Dorian Gray, les pièces de Sheridan, l'intégrale des soeurs Brontë, avec un faible pour Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent. La magie des livres est une drogue, un sortilège, une échappatoire, aussi puissante, aussi envoûtante que le Pays Imaginaire de Peter Pan.
I. Londres; 1907-1925
Un matin d'hiver, dans la nursery, les lettres noires sur la page blanche prennent leur essor et vivent leur vie.
I. Londres; 1907-1925
Impossible d'emprisonner un rêveur, il sait franchir les murs, déverrouiller les portes, chasser le poids des années. Le rêveur a tous les droits, le rêveur est livre, Kiki le lui avait soufflé.
Dans ce roman futuriste aux accents alarmistes, Daphné force le trait, campe une Angleterre qui n'a jamais su s'intégrer à l'Europe, les prix explosent, le gouvernement est à ce point incompétent qu'il doit s'allier aux États-Unis pour former un nouveau pays, l' »USUK », dont l'allitération phonétique ne laisse aucun doute, you suck en anglais signifiant : « Tu es nul à chier. »
Écrire, « Rêver-vrai ». S'échapper dans son monde à elle, son propre Pays Imaginaire. Peter Pan lui tend la main. Kiki l'encourage. Un crayon. Le silence. La table de sa chambre, au deuxième étage. La vue sur le Heath. La porte fermée. Commencer par la date.
La magie des livres est une drogue, un sortilège, une échappatoire, aussi puissante, aussi envoûtante que le Pays Imaginaire de Peter Pan. Pendant que ses sœurs mènent leur vie (thés dansants pour Angela, tennis et cricket pour Jeanne), que Muriel règne sur Cannon hall en maîtresse de maison exemplaire, que Gerald fait palpiter ses admirateurs sur les planches, Daphné lit.
Le rêveur est tout-puissant, son regard est un kaléidoscope coloré qui fait fi du présent, de ce pauvre corps exténué, du brouillard tenace qui l’étouffe depuis dix ans. Le long ruban noir se détache, libère ses mains entravées. Les images défilent, sa hutte, sa machine à écrire, ses propres doigts tapant à toute vitesse, la page blanche truffée de mots. Impossible d’emprisonner un rêveur, il sait franchir les murs, déverrouiller les portes, chasser le poids des années. Le rêveur a tous les droits, le rêveur est libre, Kiki le lui avait soufflé.
Enfin ! Succomber au sortilège d'un roman qui s'impose, y penser jour et nuit, prendre des notes à n'importe quel moment, dans son bain, les doigts mouillés, le papier trempé, tant pis, quelques mots griffonnés dans l'urgence, importants, essentiels, car comme le Petit Poucet, ils constituent le chemin secret qui mène au livre. S'enfermer dans sa hutte, retrouver sa concentration, ça y est, Daphné tient son histoire, et le reste, comme d'habitude, n'a aucune importance.
Daphné fait partie de ces écrivains qui préfèrent regarder en arrière, pas de l’avant, qui sont capables de noircir des pages entières sur ce qui fut, un lieu, une trace, mettre des mots sur la fugacité de l’instant, la fragilité du souvenir qu’il faut embouteiller comme un parfum.