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Citations sur Sentinelle de la pluie (59)

C'est ce que tout le monde pense, admet-elle, avec une ironie désabusée. Tout le monde pense que Paris est protégé. Tout le monde pense que la Seine a été apprivoisée, qu'il ne peut y avoir une nouvelle crue. Mais Paris n'est pas protégé.
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Dès qu'il ouvre la porte, Linden est accueilli par le regard éclatant de son père, braqué droit sur lui. Dans un cri entre rire et sanglot, le fils saisit le poignet de son père. "Papa ! Papa !"C'est tout ce qu'il parvient à dire. Il essuie ses larmes en répétant ce "papa" comme un môme de deux ans. Il sait que son père l'entend; il le sent dans la main qui serre la sienne, il le lit dans les yeux qui le dévisagent. Dieu merci, ils sont seuls; il n'y a pas d'autre lit, pas d'autre patient. Linden se penche en avant pour caresser le front de son père, conscient de n'avoir jamais eu ce type de gestes à son égard. Ils sont nouveaux pour lui, ils ne lui causent aucune gêne, et lorsqu'il commence à parler à son père, il constate que ce n'est plus un effort; les mots sortent tout seuls.
(p.239)
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Et là, au coeur du tilleur, je savais qu'aucun monstre, aucune horreur, jamais ne me trouverait.
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Alors qu'il lui tient la main, en cet instant paisible, la mort éventuelle de Paul lui semble une hérésie. Pourtant, dans un coin de sa tête, subsiste une image puissante, qu'il ne peut effacer. Il voit la vie de son père qui se retire lentement, au même rythme insidieux que monte le niveau de la Seine, comme si les deux évènements étaient entremêlés et établis d'avance. L'enchevêtrement de nerfs, de cellules et d'organes constituant le corps de son père rappelle l'entrelacs des rues parisiennes peu à peu envahies par les flots, qui voient le courant électrique coupé, la transmission des données bloquée. Linden regarde à travers le carreau ruisselant, et il lui semble être devenu une sentinelle qui guette l'inévitable submersion aquatique, qui surveille son père, la pluie, la cité entière.
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Linden connaissait San Fransisco avant d'y élire domicile, mais aujourd'hui il se rend compte qu'il ne pourrait vivre nulle part ailleurs. Il avait tout de suite aimé la ville. Après Paris et New York, le petit campagnard qu'il était foncièrement avait enfin trouvé son port d'attache. Peut-être étaient-ce les vues sur l'océan, les couchers de soleil teintés de reflets roses, la proximité des étendues sauvages, la présence des jardins botaniques. Ici, contre toute attente, c'est la nature qui commande, comme au pays de son enfance. Le vent froid soufflant en rafales lui rappelle le mistral qui fait rage dans la vallée, à Vénozan. Le brouillard ne le dérange pas, pas plus que les averses soudaines et la fraîcheur humide de l'atmosphère. Le fracas métallique des tramways lui plaît. Il ne se lasse pas du spectacle du Golden Gate, et il se régale chaque fois du vertige que lui causent les rues escarpées de Russian Hill.
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Attendre, encore. Une activité qu'il a beaucoup pratiquée ces temps-ci. D'ailleurs, son métier consiste à attendre le bon moment. C'est ça, la photographie ; le hasard heureux d'un instant, l'art d'en capturer la magie dans son viseur.
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Son père allait sur ses soixante-dix ans. Lui-même en aurait bientôt trente-sept. Il était trop tard pour communiquer. Et puis, ce n'était pas comme si Paul et lui se disputaient. Ils ne se disputaient pas. Ils ne s'étaient jamais disputés. Il n'y avait jamais eu de conflit. Le conflit aurait peut-être facilité les choses. Oui, il y avait de l'amour. Mais il n'était pas exprimé. L'amour était rangé dans un coin, à l'écart.
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La première image qui lui vient est celle de son père, à Vénozan, avec son chapeau de paille fatigué et sa salopette ; son père se penchant pour examiner ses arbustes et ses fleurs. Quand il était petit, Linden avait l’habitude de le suivre dans le jardin. Son père ne parlait pas beaucoup, mais Linden s’en accommodait. Il se sentait proche de Paul même pendant les silences, il avait appris à ne pas s’en offusquer. Il s’agenouillait à côté de son père et, jouant dans le sol rocailleux avec son râteau et sa pelle de plage, il observait. Les mains de son père volaient de-ci de-là., arrachant les mauvaises herbes, redressant les tiges courbées. Dans un de ses premiers souvenirs, Linden se revoit indiquer à son père les différentes couleurs. « Bleu », avait-il lancé fièrement, en français. Tant de nuances de bleu autour de lui ! Et des plantes si merveilleuses ! Intimidé, il avait caressé de petits globes indigo pareils à des boules de ouate, si doux et légers au toucher qu’on les aurait cru tissés par des araignées magiques. « Echinops ritro », avait annoncé son père, bourru. Linden avait désigné un autre bleu – des fleurs tubulaires compliquées au bout de minces tiges argentées. « Sauge de Russie », lui avait-on répondu. Il y avait aussi des touffes compactes de brins filiformes semblables à des aiguilles : il avait tourné autour sans oser toucher leurs pointes d’un bleu éclatant. « Fétuque bleue », avait précisé son père. Et ces fleurs en forme d’étoiles qui poussaient en bouquet très denses et semblaient aiguiser l’appétit des abeilles ? « Bourrache » Il adorait jouer au jeu des couleurs avec son père.
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« C’est comme ça depuis quinze jours » explique le chauffeur de taxi, indolent, à Linden. La pluie tombe à verse, rideau argenté et sifflant, occultant toute la lumière du jour. Il n’est que dix heures du matin, mais on croirait un crépuscule miroitant d’humidité. Le chauffeur de taxi dit qu’il voudrait partir pour de bon, fuir Paris retrouver le soleil de sa douce Martinique.
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Quand la nature se mettait en colère, avait-il dit, il n'y avait rien que l'homme puisse y faire.
Absolument rien.
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