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Critique de Lamifranz


Edmond Rostand pose une énigme. A son époque il a été adulé, comme le plus grand auteur dramatique. Aujourd'hui encore, il est célèbre pour ses trois pièces les plus connues : « Cyrano de Bergerac » (1897), « L'Aiglon » (1900) et « Chantecler » (1910). Mais, en dehors de ces trois chefs-d'oeuvre, que sait-on de lui ? Pratiquement rien. On a oublié qu'il a écrit d'autres pièces qui ne sont pas négligeables (« Les Romanesques », « La Princesse lointaine », « La Samaritaine »), qu'il a été un poète raffiné et agréable (vous souvenez-vous du « petit chat » : « C'est un petit chat noir effronté comme un page… »), et que pendant la guerre il fut un des soutiens les plus sûrs et les plus constants des soldats français.
Il est vrai que le succès de Cyrano a quelque peu jeté un voile sur le reste de l'oeuvre. le panache, qui était la marque de fabrique de l'auteur dans cette oeuvre légendaire, a du mal à se renouveler dans les autres pièces. Il y a de beaux passages dans « l'Aiglon » et dans « Chantecler », mais ce n'est plus le feu d'artifice, les pétards sont mouillés. Pourtant ces pièces, parfaitement originales sont très honorables.
« L'Aiglon » fut créé le 15 mars 1900 au Théâtre Sarah-Bernhardt. C'est la grande actrice qui tint le rôle-titre, et Lucien Guitry tint le rôle de Flambeau.
L'histoire se passe entre 1830 et 1832 au château de Schönbrunn. Il relate les deux dernières années de la vie du duc de Reichstadt, le fils de Napoléon 1er. C'est un jeune homme mal dans sa peau, coincé par ses obligations auprès de sa mère (l'ex-impératrice Marie-Louise) et les rêves de gloire qu'il tient de son père. Il cherche à s'affirmer, mais se heurte à l'étiquette et aux manoeuvres du duc de Metternich, maître de la diplomatie autrichienne. Les offres de partir se multiplient. Un vieux grognard, Sébastien Flambeau lui fait miroiter l'épopée napoléonienne. Un complot est organisé pour favoriser une évasion, mais il tourne court. Flambeau se donne la mort et l'Aiglon sombre dans une sorte de folie, dont il ne sortira que pour mourir.
Avec Cyrano et l'Aiglon, Edmond Rostand passe pour être un néo-romantique. Ce n'est pas faux dans la mesure où les canons romantiques sont respectés : liberté de ton, mélange du grotesque et du sublime, alternance de scènes de foules et de scènes intimes, mise en scène somptueuse et grandiose (6 actes en alexandrins, une cinquantaine de personnages, décors et costumes à foison) … le thème est également très romantique : un jeune homme en quête d'identité, qui sera écrasé par le système politique d'une part, mais aussi par ses propres hésitations : l'aiglon est condamner à rester un aiglon, il ne déploiera jamais ses ailes.
Ne nous le cachons pas, il y a un monde entre Cyrano et l'Aiglon. Mais on y trouve cependant de belles envolées, telle la tirade de Flambeau :
« Et nous, les petits, les obscurs, les sans-grades,
Nous qui marchions fourbus, blessés, crottés, malades,
Sans espoir de duchés ni de dotations ;
Nous qui marchions toujours et jamais n'avancions ;
Trop simples et trop gueux pour que l'espoir nous berne
De ce fameux bâton qu'on a dans sa giberne… »

Et le final quand l'Aiglon meurt et que Metternich dit :

« Vous lui remettrez son uniforme blanc »

Si Rostand reste un auteur attachant, c'est certainement à cause de son style, direct, parlant, sans fioriture et très expressif, mais aussi à cause de la charge d'émotion qui traverse ses pièces : la mort de Cyrano peut être mise en parallèle avec celle de l'Aiglon : toutes deux sont spectaculaires, certes, mais toutes deux sont bouleversantes.


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