« Il était inutile de refaire l'histoire. Il était crucial de la faire. » (p. 253)
Cette petite citation pourrait résumer à mon sens l'essence-même du livre.
Ce roman m'a intriguée à plusieurs titres, par son sujet, déjà, que je trouvais intéressant et pour lequel j'étais curieuse de voir comment il allait être exploité ; par la maison d'édition, ensuite, que je ne connaissais pas du tout (La Mer salée). Et après lecture de ce livre, je comprends tout à fait qu'il fasse partie de sa ligne éditoriale « Fiction or not fiction » puisque je ne suis pas très sûre, au final, d'avoir réellement lu un roman.
Alors certes, il est bien indiqué sur la couverture « roman », l'auteure,
Sandrine Roudaut, indique également dans ses remerciements que c'est son premier roman – alors qu'elle a déjà écrit plusieurs essais - et il y a bien des personnages inventés racontant une histoire sortie de l'imagination de son auteure... Mais...
Dans ce livre, nous nous retrouvons dans un futur proche (je dirais vers 2030-2035) où une nouvelle ère est apparue : plus d'internet à tout va, plus de voitures, les voyages à l'autre bout de la planète sont limités, les gens sont encouragés à se retrouver ensemble plutôt que sur les réseaux sociaux qui ont d'ailleurs presque tous disparus, une intelligence artificielle a pris le pouvoir, etc...
Le pitch était très alléchant, d'autant que l'auteure ne se contente pas de nous raconter la vie d'après mais explique aussi la vie pendant et comment ce nouveau monde a pu être créé. Mais j'ai trouvé qu'il y avait de trop grandes disparités dans ce roman. J'alternais les moments où je trouvais le temps long, très long, tournant les pages sans plaisir, pressée d'en terminer, avec des instants où la lecture prenait un second souffle et où le sujet prenait un tour qui m'intéressait beaucoup. Mais, dans l'ensemble, je dois bien avouer que ma note « plaisir de lecture » n'atteint pas des sommets avec ce livre, ce qui est bien dommage car, avouons-le, la lecture doit avant tout être un plaisir.
Même s'il y a de très bonnes choses dans ce roman et que la qualité d'écriture est indéniablement présente, je dois quand même bien faire le constat que pas mal de choses m'ont gênée.
D'abord, j'ai souvent eu l'impression de lire une thèse. Et les personnages, loin de servir une histoire, sont selon moi des caricatures sans réelle substance. Je n'ai trouvé aucune profondeur, aucune densité dans les protagonistes, à l'exception peut-être de Mù, j'avais plus l'impression de voir des gens débattre plutôt que discuter ou interagir ensemble. Il y a parfois quelques fulgurances mais elles ne durent jamais très longtemps et ne sont pas suffisamment creusées à mon goût.
De même, si je suis d'accord avec pas mal d'idées avancées par
Sandrine Roudaut, par exemple je trouve moi aussi dommage que les gens se côtoient désormais presque uniquement sur les réseaux sociaux, que nous sommes arrivés à une dictature de la note et du pouce levé pour tout et n'importe quoi, et surtout n'importe comment, que notre planète étouffe, oui, moi aussi je suis d'accord, mais j'ai davantage eu l'impression d'une juxtaposition d'idées, des lieux communs pour la plupart, et que l'auteure ne faisait finalement qu'enfoncer des portes ouvertes. Ce qui fait, qu'au final, j'ai l'impression qu'elle a aimé se voir écrire comme d'autres aiment s'entendre parler.
En fait, moi qui pensais lire un roman innovant, j'ai l'impression d'avoir lu une histoire déjà vue dans la série « Black Mirror ». Certes, j'aime beaucoup cette série, et ça ne m'aurait pas gênée de lire une histoire semblable, mais si elle apportait quelque chose de nouveau, qu'elle allait un peu plus au bout de son idée. Surfant sur la vague COVID 19 (allusions très claires dans le roman) ou les mouvements des gilets jaunes et autres #Indignez-vous ou #metoo, très louables en soi, le roman ne décolle véritablement jamais à mon sens.
Pour conclure, je dirais que ce livre ne plaira pas au plus grand nombre, certains ne seront pas convaincus par la thèse de l'auteure, d'autres seront rebutés par la forme (le nombre de « nouveaux mots » est impressionnant, sans oublier quelques coquilles gênantes dans la lecture – oubli de mots ou de ponctuation parfois), la prise en main n'est pas aisée et il faut sacrément se concentrer pour ne pas perdre le fil. D'autres encore abandonneront en cours de route. Mais je crois aussi qu'il peut trouver son public, un certain type de public, ceux qui aiment les dystopies (car n'en déplaise à certains, ce récit reste une dystopie), ceux qui aiment les récits complexes et qui cherchent avant tout dans leurs lectures, même de fiction, des idées et de la matière à réfléchir. Car oui, ce roman, appelle à la réflexion, pendant et même une fois la dernière page tournée.
Vous l'aurez compris, ce roman ne fut pas ma meilleure lecture de l'année mais je suis très contente de l'avoir découvert ayant trouvé matière à réfléchir sur ma façon de voir les choses.
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