Citations sur Breughel-Le-Vieux - Les Peintres Illustres, N°33 (7)
Quand on songe aux froids et ennuyeux tableaux qu'a si souvent engendrés une trop grande préoccupation d'équilibre, on ne marchande pas son admiration aux chefs-d'œuvre de verve et de fantaisie réalisés par l'ignorant Breughel.
Il est un point par où Breughel se place au premier rang, c'est le charme et la perfection du détail. Même dans ses toiles les plus incohérentes, où le grouillement des personnages affole le regard, il suffit de prendre l'œuvre par un bout et d'en examiner, morceau par morceau, les épisodes. Alors, tout change : ce qui paraissait fou devient délicieux ; on est séduit, conquis, par ces menus détails comiques ou pittoresques qui sont par eux-mêmes de vrais tableaux.
Imparfait par certains côtés, Breughel posséda les qualités maîtresses de la peinture : un esprit créateur, une imagination brillante, une facture vigoureuse. Il fut un paysagiste de premier ordre, à une époque où le paysage était toujours sacrifié à la figure; dans le genre fantastique, il déploya une puissance imaginative qui n'a jamais été égalée après lui; quant à ses peintures de paysans, qui constituent son principal titre de gloire, elles sont uniques pour la vérité des caractères, le naturel des attitudes, la verve de l'exécution.
Gérôme Bosch était célèbre dans tout le nord de l'Europe, plus apte que les races méridionales à apprécier et à comprendre ses conceptions nébuleuses, fantasmagoriques, où les légendes les plus sombres et les scènes les plus macabres s'agrémentaient d'épisodes burlesques. Ce genre devait plaire à Breughel. Il lui plût, en effet, et l'on peut affirmer que c'est l'étude de ces œuvres qui détermina l'orientation définitive de sa carrière de peintre.
Pierre Breughel était issu d'une famille de paysans. Ses parents " cultivaient la terre, fanaient le foin et soignaient le bétail ". Il est donc certain que sa première enfance s'écoula dans les champs et qu'il participa à tous les travaux de la ferme paternelle. Son oeuvre, à défaut d'autre document, suffirait à le prouver, car il aima toujours peindre les scènes campagnardes, et il y apporta une exactitude, une vérité, une profonde connaissance des gens et des choses qu'il n'eût pu acquérir s'il n'avait lui-même vécu de cette vie. Seule, une longue pratique des mœurs villageoises lui a permis de conquérir son titre de Breughel des Paysans sous lequel il est généralement connu.
Il a fallu le réveil du sentiment artistique, l'affranchissement des conventions d'école, pour ramener Breughel à sa juste place, tout près des plus grands maîtres, et pour le remonter sur ce piédestal de gloire dont l'injustice des Académies l'avait délibérément et stupidement renversé.
Pierre Breughel eut le sort de tous les précurseurs. Il fut discuté, discrédité, rejeté dans l'oubli dès les premières années qui suivirent sa mort. Ses tableaux, assez goûtés de son vivant, ne sollicitèrent plus l'attention ni la convoitise des amateurs. Beaucoup de ces toiles, signées de ce nom redevenu obscur, se dispersèrent plus tard de tous côtés, au gré des ventes et des successions, et ceux qui les eurent en partage ne se doutèrent pas qu'ils possédaient des chefs-d'oeuvre de fantaisie.