Dans sa manière toute personnelle, Henner s'est toutefois essayé dans les genres les plus divers, comme nous le verrons au cours de cette étude et il a excellé dans tous, parce que dans tous il apporta ces qualités maîtresses qui font le grand peintre: un dessin impeccable, un coloris puissant et une connaissance parfaite de son art puisée dans la constante poursuite du beau et du vrai.
Pendant les vacances, passées à Bernwiller, Henner fait de nombreuses visites à Bâle, a Colmar ou il va étudier les vieux maitres allemands, Holbein, Schongauer, Dürer. Holbein surtout l'enchante et le passionne : il en aime le dessin probe, ferme, franc, de même qu’il goûte cette poésie dont le vieux Maitre rêves tous ses modèles. Quelle école pour un peintre réellement épris de son art!
Car Henner fut avant tout le peintre de la femme.«C'est dans le corps de la femme qu'il a cherché et qu'il a rencontré la Beauté parfaite, complète, indiscutable et indiscutée, celle qui s'impose victorieuse et supprime toute critique, toute indécision par sa splendeur multiple, infinie dans ses formes complexes, faite de contrastes, d'harmonie, de charme, de fraîcheur et de grâce, non de joliesse ou de fantaisie. Les femmes d'Henner n'ont ni recherche, ni morbidesse, ni coquetterie, ni prétention. Elles sont grandes, fortes, souples, élégantes, superbes comme l'antique. Leur beauté est sans détour. Leur chair est pétrie de lumière, leur chevelure faite de rayonnement. Tel est le mot de leur irrésistible séduction.
On a dit d'Henner qu'il fut le peintre des blondes. Il fut surtout celui des rousses, parce que la lumière jette, sur la chevelure des rousses, des reflets d'incendie et fait valoir le grain satiné de la peau. La lueur fauve, couleur d'or, est la plus vivante, la plus vibrante, la plus discrète aussi, par conséquent la plus harmonique et la plus belle.
Il n'est personne à qui il ne soit arrivé, passant devant les vitrines d'un marchand de tableaux, de se voir invinciblement attiré vers une toile faisant une tache d'or fluide, lumineuse vapeur dans laquelle baigne un corps blanc de femme, de ce blanc mat et chaleureux qui laisse transparaître à fleur de peau la flamme intérieure, le sang qui circule, la vie qui bouillonne. C'est un Henner. Et quand on a pris contact, ne fut-ce qu'une fois, avec une oeuvre de cet incomparable artiste, c'en est fait pour toujours; on les reconnaît toutes au premier regard comme on reconnaît dans la rue un ami même avant que d'avoir pu distinguer ses traits.