Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée où je sois pleinement moi et à moi sans diversion, sans obstacle, et où je puisse véritablement dire ce que la nature a voulu.
Jamais Homère, ni Virgile ne furent appelés de grands hommes quoiqu'ils soient de très grands poètes. Quelques auteurs se tuent d'appeler le poète Rousseau, le grand Rousseau durant ma vie. Quand je serai mort le poète Rousseau sera un grand poète. Mais il ne sera plus le grand Rousseau. Car s'il n'est pas impossible qu'un auteur soit un grand homme, ce n'est pas en faisant des livres ni en vers ni en prose qu'il deviendra tel.
Il n'est pas impossible qu'un auteur soit un grand homme, mais ce ne sera pas en faisant des livres ni en vers ni en prose qu'il deviendra tel. P .179
Et j’aime encore mieux être moi dans toute ma misère que d’être aucun de ces gens-là dans toute leur prospérité.
Que me manquait-il donc pour être heureux ; je l’ignore ; mais je sais que je ne l’étais pas.
Combien de fois, dans ces moments de doute et d’incertitude, je fus prêt à m’abandonner au désespoir !
Quoi que vous en disiez, on ne fuit point les hommes quand on cherche à leur nuire ; le méchant peut méditer ses coups, dans la solitude, mais c'est dans la société qu'il les porte.
O Sophie ! après des moments si doux, l'idée d'une éternelle privation est trop affreuse à celui qui gémit de ne pouvoir s'identifier avec toi. Quoi ! tes yeux attendris ne se baisseraient plus avec cette douce pudeur qui m'enivre de volupté ! Quoi ! mes lèvres brûlantes ne déposeraient plus sur ton coeur mon âme avec mes baisers ! Quoi ! je n'éprouverais plus ce frémissement céleste, ce feu rapide et dévorant qui, plus prompt que l'éclair... moment ! moment inexprimable ! quel coeur, quel homme, quel Dieu peut t'avoir ressenti et renoncer ç toi ?
Pressé de tous côtés, je demeure en équilibre, parce que je ne m'attache plus à rien, je ne m'appuie que sur moi.
Les loisirs de mes promenades journalières ont souvent été remplis de contemplations charmantes dont j'ai regret d'avoir perdu le souvenir. Je fixerai par l'écriture celles qui pourront me venir encore ; chaque fois que je les relirai m'en rendra la jouissance. J'oublierai mes malheurs, mes persécuteurs, mes opprobres, en songeant au prix qu'avait mérité mon coeur.