Plus il s'éloignait de son fils, plus il manquait d'énergie et se dégoûtait de lui même. Il ne vaudrait jamais la dernière pelletée de terre qui serait jetée sur sa tombe.
il s'était enferré dans le désespoir. Il aurait voulu être resté l'homme sans grande ambition ni vrai frustration qu'il était encore une année plus tôt, redevenir pour le moins cet homme moyennement content.
Thierry Mouquet se mettait rarement en colère. Il prônait l'entente cordiale et il était de ceux qui s'essuient, même par temps sec, les pieds sur le paillasson des halls d'entrée, pour complaire aux gardiens d'immeuble.
Un nuage solitaire parfois suffit à obscurcir la terre.
Il revenait aux anciens d'éventer les secrets, avec la douceur propre à leur âge, ou le tact auquel les contraint le déclin de leur forces.
Il pensait encore à Elisabeth, il lui enviait son esprit le plus souvent tendu vers l'avenir quand lui s'enfonçait inexorablement dans le chagrin.
Jackowiak voulait montrer à son fils les monuments illuminés, les avenues animées, le coeur palpitant de la ville, avant que le sien ne rende plus aucun son.
Encore récemment, il lui semblait qu'Elisabeth et lui regardaient dans la même direction. Il ne s'était pas aperçu que c'était surtout dans celle de leur écran LCD, depuis leur canapé en vachette fripée. C'est sa femme la première qui avait dit déplorer l'enlisement de leurt couple....
- Pourquoi tu ne chercherais pas plutôt à adopter un enfant par la voie légale ? proposa timidement Marion.
- C'est une voie sans fin, tout le monde sait ça, répondit Juliette avec un rire nerveux à contre-temps. Et comme célibataire, j'ai à peu près... aucune chance de réussir.
Juliette voulait croire qu'elle pourrait élever l'enfant plus ou moins secrètement sans que personne ne s'en émeuve.