Je vous ai vus !

Chelsea et Milan arrivent en courant dans ma chambre. J’ai l’impression d’être pétrifiée. De nouveau, je baisse les yeux vers mon téléphone pour être certaine qu’il ne s’agit pas là du fruit de mon imagination.

Je vous ai vus !

Mon psychiatre m’a expliqué que j’avais un syndrome post-traumatique, en me précisant bien qu’avec ce que j’avais vécu, c’était normal. Je lui parle beaucoup de mon kidnapping, mais pas des sentiments que j’ai à l’égard de mon père. C’est à cause de lui que tout ça est arrivé, et jamais je ne vais pouvoir lui pardonner. Je lui en veux trop pour ce qu’il a fait.

On dit qu’il suffit d’un sourire pour égayer une journée, mais ce qu’on ne dit pas, c’est que chaque action commise a une répercussion. Tu as ramené Chelsea chez toi alors que je t’avais demandé de t’éloigner d’elle. Leah a dû souffrir à cause de ça. Je ne voulais pas, mais je n’avais pas le choix. Je t’ai détesté de m’obliger à lui faire du mal.

Un stress incontrôlable s’empare de moi. Des cris, des souvenirs, des images déchirent mon cerveau pour s’imposer à moi. Je deviens fou, complètement cinglé. C’est une douleur si fulgurante que mon corps est parcouru de convulsions. D’habitude, j’arrive bien à repousser tout ça et à garder cette folie au plus profond de moi, mais, pour l’instant, je suis incapable de contrôler quoi que ce soit.

Ça ne se passe jamais comme dans les films d’horreur où le type a une force herculéenne, la rapidité d’un ninja et les neuf vies d’un chat. Merde, non ! Moi, je n’ai pas de super pouvoirs. Je ne suis que moi, et je risquerais ma vie pour ma petite sœur.

Je déteste les nanas qui sanglotent. Je ne croyais pas qu’elle était de celles qui pleurnichent. Je l’attrape par le bras et la lance contre le mur comme si elle n’était qu’un vulgaire fétu de paille. Elle atterrit mollement sur le matelas en se tenant les côtes. Des larmes coulent sur son visage, mais ça ne m’attendrit pas. Les voix dans ma tête rient devant cette scène. Ne pouvant en supporter davantage, je sors en trombe de la pièce.

Je n’aurais jamais cru ce fumier aussi futé. Non, vraiment, je dois dire que sa perspicacité m’étonne. Heureusement, les petites choses qu’il a découvertes sont sans importance, car jamais il ne saura tout. Et puis, ce n’est pas comme si je n’avais pas l’intention de lui balancer au visage toutes les vérités que je détiens. Je jubile déjà en imaginant sa réaction devant mes révélations.

Chelsea et moi, on s’embrassait à en perdre haleine. C’est que nous faisions à cette époque. Nous étions un brin arrogants et nous aimions étaler notre amour aux yeux de tous. Ma petite blondinette était une boule de feu, elle était sauvage et je l’aimais tellement pour ça. C’est incroyable comment elle a changé en un an, je l’aime encore plus que l’année dernière.

De ce que je sais du bien et du mal, la ligne est bien mince. C’est vraiment difficile d’être face à cette vérité. Le bien perd toujours. Chaque putain de fois il échoue et, ça, c’est simplement parce que le mal est capable de jouer en dehors des règles d’éthique alors que le bien se perd en certitudes et en devoir.

Je ne suis pas du genre à reculer devant le danger, mais je dois admettre que je n’ai jamais été aussi anxieux et nerveux de ma vie. Je tente de me concentrer sur ma respiration pour ne pas faire trop de bruit.