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Critique de Betty06


God bless you ...lui dit la reine!
"Tombés des nues : une énorme explosion,un big bang suivi d'étoiles filantes. Un commencement universel, l'écho miniature de la naissance du temps... le jumbo jet Bostan AI-420, explosa sans prévenir,très haut au dessus de la cité(...) et l'air pur se remplit de corps,qui descendaient de l'Everest de la catastrophe vers la paleur laiteuse de la mer.
(...) "Vole" hurla Chamcha à Gibreel, mets-toi à voler tout de suite" et il ajouta sans savoir d'où cela venait:"Chante"..."
La fable s'ouvre sur une chanson de Gibreel Farischta, jaillissant du fond des nuages : " Pour renaître (...) il faut d'abord mourir. Ho, hi ! Avant de se poser sur le sein de la terre, il faut d'abord voler. Ta- taa Takadoum ( Progrès) . Comment sourire à nouveau si l'on ne veut pas pleurer d'abord? ...° Si tu veux renaître, baba...."
Et c'est ainsi que tout au long de la partie intitulée: "l'ange Gibreel", le récit oscille entre la chute angélico-satanique et le rappel des souvenirs de la vie des deux personnages à Bombay.
S'arracher par nécessité, par accident ou par plaisir à un espace auquel on s'est habitué, à la chaleur familière, pour un autre, est un fait qui soumet toute personne à diverses pulsions, à de multiples brûlures, d'interrogations et à la manifestation de plusieurs états d'âmes... le désir de retour, d'évasion, d'oubli, de souvenirs rythme la vie quotidienne de l'exilé..
C'est en quelque sorte à cette situation que sont confrontés les deux personnages Saladin Chamcha et Gibreel Farishta et, chacun traverse à sa manière l'épreuve du déracinement.
Le premier finira par se réconcilier avec lui-même, en revanche le second deviendra la proie d'une extrême déchirure telle qu'elle le ménera au suicide.
La condition, de l'expérience de ce déracinement, est constituée dans une narration qui se tisse dans un emboitement de contes de dialogues et de rêves éveillés.Quelque chose des "Millle et une nuits"...
Et, à travers les dédales de la mise en abîme, se dessine une réflexion sur les éléments de la personnalité des protagonistes et une analyse des fondements de deux cultures avec leurs vices et leurs vertus; deux mondes : L'Inde et l'Angleterre.,l'Orient et l'Occident.
C'est là, la perspective nodale, dans l' approche de la lecture des Versets Sataniques.
Mais Rushdie déplace le récit sur la transcendance et le déracinement existentiel, et il fait preuve d'une grande audace, en ayant recours à l'usage des événements inauguraux de l'Islam dans un récit de fiction burlesque.
A l'instar de Rabelais,il se sert du réalisme au seul bénéfice de son imagination.

le roman doit son titre à une sourate du Coran relatant l'épisode où le prophète, trompé par Satan, voue un culte aux figures polythéistes pré-islamiques,dénonçant le message vicié, révélé à Mahomet et porté par le livre sacré.
Ce feuilleton allégorique illustre la lutte éternelle du Bien et du Mal, à travers deux personnages, Gibreel Farishta - qui représente l'ange Gabriel - et Saladin Chamcha - l'incarnation terrestre du Diable.
Il y a certainement un peu de Salman Rushdie dans Saladin Chamcha, indien anglophile en conflit avec ses origines, mais c'est le personnage de Gibreel qui est le plus intéressant,et sera, par là même, le plus décrié par les Islamistes.
Les anges sont-ils des démons déguisés?

le racisme sous le gouvernement Thatcher, y est aussi évoqué lors du long périple et des mauvais traitements subis par Chamcha, qui devient "l'insecte" sur le plancher du car de police". Mais, c'est par l'art de la digression de Rushdie que cette situation est décriée:
"Ils nous décrivent, chuchota l'autre d'un ton solennel. C'est tout.
Ils ont le pouvoir de la description et nous succombons aux images..."

le récit de Rushdie rappelle aussi, l'univers chimérique de Cervantes,en alternant le réel et l'onirique, le rationnel et l'irrationnel,dans une configuration où interfèrent le fait divers, le propos symbolique ou mythique, le souvenir d'enfance, le motif historique, le signe politique.
Des voix s'entremêlent dans l'évocation des rencontres féminines des deux personnages. Avec Saladin Chamcha dans l'incarnation du diable,objet d'obsession sexuelle et de toutes les perversions. le langage évolue alors en images...
La description de l'Imam est digne d'une satire à la Jonathan Swift, usant du jeu de la mystification et de la parodie,le narrateur traite avec ironie le dogmatisme religieux, et en dénonce l'onde tragique en cours.

"Dans les rares occasions où l'Imam sort prendre l'air de Kensington, au centre d'un carré formé par huit jeunes hommes portant des lunettes noires et des costumes où l'on distingue des bosses, il croise les mains et les fixe des yeux, pour qu'aucun élément, aucune particule de cette ville haïe - cette fosse d'iniquités- qui l'humilie en lui offrant un refuge, ce qui l'oblige à un sentiment de reconnaissance malgré sa luxure, son avarice et sa vanité, ne puisse lui tomber comme une poussière, dans l'oeil".
On rapporte que L'Ayattollah Khomeiny s'est reconnu dans ce portrait, ce qui l'aurait poussé à édicter sa fatwa le 14 février 1989. Joyeuse St Valentin !

le "Retour à la Jahilia" (Ignorance) marque la mort du poète Baâl qui s'opposait à la Soumission que le prophète Mahound a réussi à imposer.
Baâl a rejoint, dans sa clandestinité, un bordel et s'est marié à ses douze prostituées qui ont changé leur vrais noms pour porter chacune celui des femmes de Mahound.
Et c'est à ce moment là, que le personnage Salman le Perse se révolte contre l'autorité de ce prophète. Cette partie du récit a attisé les foudres des islamistes.
le récit s'achève sur le suicide Gibreel à Londres et le drame de la noyade des fidèles à "la prophétesse" Ayesha - Iznogoud-
Et le retour du fils indigne- Chamcha- auprès du père mourant à Bombay.
Les démons peuvent ils "s'angeliser"?
"Kan ma kan fi qadim azzamane"...
Ce fut ainsi, ce ne fut pas ainsi, dans les temps d'autrefois...
Un roman "modern'retro" délirant et enchanteur...Je dis ça,je dis rien et c'est pas rien de le dire...

J'ai une pensée pour Pascal:"L'homme n'est ni ange ni bête,mais le malheur a fait que celui qui veut faire l'ange,fait la bête."

NB:L'auteur dit avoir puisé son inspiration de "l'oeuvre majeure" de Laurance Sterne, "Vie et opinions de Shandy Tristam,le gentleman" publiée en 1776 en France,en 9 volumes.D'après wikipedia.Je ne connaissais pas,mais ça me semble très intéressant..
Merci à Ahasverus !


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