Elle avait senti ses vertèbres grincer les unes contre les autres sous la pression, elle avait entendu son larynx craquer. Elle oublia la présence de Seth. Elle oublia où elle se trouvait. Elle agonisait, seule avec son assassin. Elle avait donné des coups de pied pour tenter de se libérer, mais c'était un géant doté d'une force surhumaine.
Si elle avait déjà eu peur, la proximité de la mort avait été la source d'une terreur inédite. Une terreur qui l'avait vidée, déshumanisée, la réduisant à deux poumons privés d'air et un cerveau qui n'était plus irrigué. Une brume grise avait commencé à grignoter les contours de son champ de vision, et une voix intérieure lui avait hurlé : "Je meurs ! Je suis en train de mourir !"
Tout le temps de l'opération, il avait frissonné dans sa combinaison, couvert de sueurs froides, le coeur tambourinant. Dans l'espace, quelle que soit la direction, il n'y avait rien entre l'éternité et lui. Le sentiment de sa propre insignifiance au regard de cette immensité vide et glacée lui faisait remonter de la bile dans la gorge.
Elle avait enduré trop d'épreuves. Elle s'était coupée d'une part d'elle-même, avait fait taire son humanité pour ne plus écouter que son instinct animal : tuer, blesser, mutiler, survivre.
Je n’y retournerai pas, se promit-elle. Plutôt mourir.
Elle avait découvert une part d'elle-même qu'il aurait mieux valu, pour elle, qu'elle ignore.
Et il n'aimait pas la voir sous ce jour , lui non plus. Il n'était pas naïf au point de croire qu'elle ne possédait pas, comme tout le monde, sa part d'ombre. Bien sûr, elle en avait une. On pouvait pousser n'importe qui, il en avait la certitude, à franchir les limites de sa propre humanité.
Respectant sa douleur, elle conserva le silence. La salle entière empestait le chagrin, comme s'il avait laissé des traces un peu partout.
Elle se sentait craquer petit à petit, telle une feuille de palmier qu'on tord et qui cède fibre après fibre.
Si elle avait déjà eu peur, la proximité de la mort avait été source d'une terreur inédite. Une terreur qui l'avait vidée, déshumanisée [...]
Cours, songea-t-il alors que des pétales de néant fleurissaient dans son crâne. Je t'en supplie, cours!
Le poison de la rancune peut se transmettre sur plusieurs générations.