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Citations sur René Guenon : Le visage de l'éternité (3)

Dans les sociétés traditionnelles, la guerre aussi était ritualisée, c’est-à-dire intégrée à l’ordre social et réservée à une certaine caste dont c’était la fonction, le « dharma », de combattre. Cela tendait à restreindre, à contrôler son pouvoir de nuisance pour qu’elle demeure dans certaines limites et ne devienne pas destructrice comme elle l’est devenue au XXe siècle, un siècle que les historiens nomment le « siècle des génocides ». Sur ce point, Guénon remarque : « Il est étrange qu’on parle de la fin des guerres à une époque où elles font plus de ravages qu’elles n’en ont jamais fait, non seulement à cause de la multiplication des moyens de destruction, mais aussi parce que, au lieu de se dérouler entre des armées peu nombreuses et composées uniquement de soldats de métier, elles jettent les uns contre les autres tous les individus indistinctement, y compris les moins qualifiés pour remplir une semblable fonction(1). »

L’historien David Bell a montré(2) que c’est paradoxalement la volonté de réaliser une paix perpétuelle, comme le voulaient les idéalistes des « Lumières », qui a amené tous les grandes massacres du XXe siècle. Sous l’Ancien Régime et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la guerre était considérée comme inévitable. Elle faisait partie de la vie ordinaire. Les batailles étaient de faible importance et, sauf pendant les guerres de religions, les civils demeuraient le plus souvent en dehors de ces conflits. Il y avait « toute une culture aristocratique la guerre qui fixait les limites ». Avec la Révolution française, sous l’influence de Robespierre, cet état d’esprit changea radicalement. L’Assemblée voulait une « paix perpétuelle », bannir définitivement la guerre, et il fallait pour cela anéantir totalement les ennemis, considérés comme les « oppresseurs de l’humanité ». De ce fait, la guerre devint totale, avec, comme lors de la révolte des Chouans, « suppression de toute frontière entre les combattants et les non-combattants ». Toutes les guerres napoléoniennes, de la répression des esclaves insurgés d’Haïti à la campagne de Russie, sont des expressions de cette « guerre » totale dans laquelle ce ne sont plus des rois qui font la guerre à d’autres rois, mais des peuples qui combattent d’autres peuples. Ce qui a ouvert la porte à tous les grands conflits du XXe siècle.

(1) René Guénon, La Crise du monde moderne, op. cit., p. 105.

(2) David Bell, La Première Guerre totale. L’Europe de Napoléon et la naissance de la guerre moderne, trad. Par Christophe Jaquet, Seyssel, Champ Vallon, « La chose publique », 2010. (pp. 106-107)
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On l’a [René Guénon] souvent accusé d’être un théoricien, un « pur intellectuel » sans vraie pratique spirituelle. Il n’aurait pas vécu ce qu’il écrit, et ne connaîtrait pas ce dont il parle (…) de retour au Caire, il [sheikh Abd al-Halim Mahmoud] se rendit à la villa Fatma, dans la banlieue de Duqqi, à la recherche du Sheikh Abdal-Wâhid Yahia, le nom arabe de René Guénon, qui fuyait les importuns. Après deux tentatives infructueuses, il parvint enfin à le rencontrer et à se rendre avec lui à la mosquée du sultan Abul-Ala. Il raconte : « Ayant pris place dans un groupe qui faisait le dhikr, René Guénon commença à murmurer en lui-même, […] puis ses paroles devinrent audibles et ses mouvements s’intensifièrent ; enfin, il s’abîma dans le dhikr, plongé dans le recueillement le plus profond [ishtagraya, être plongé dans l’immersion en Dieu]. Je dus ensuite le réveiller jusqu’à ce qu’il se secouât violemment d’un frisson ; j’ai pensé qu’il revenait de contrées lointaines et ignorées. »

Ce récit atteste que Guénon vivait en parfait accord avec ce qu’il écrivait. Qui plus est, pour celui qui étudie son œuvre en profondeur, il apparaît clairement que nombre de ses écrits renvoient à des expériences ou à une connaissance personnelle. (pp. 84-85)
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Cette vie paisible, ce bonheur tranquille furent bisés en 1929 par la mort de sa femme, qui l’affecta profondément. L’année suivante fut celle de sa rupture totale, définitive avec l’Occident. Il partit au Caire, à la recherche de manuscrits soufis à traduire. Il ne devait jamais revenir en France.

Cet exil volontaire participe de la fascination qu’exerce René Guénon. Les Occidentaux s’interrogent toujours sur ceux qui ont rompu avec la « civilisation » qui les a vus naître ; et l’Orient possède une valeur mythique. Il est le lieu de naissance du soleil. Partir en Orient, c’est donc partir à la recherche de la lumière originelle. Ce voyage, lorsqu’il est définitif, possède une signification symbolique profonde. Guénon est l’un des rares Occidentaux de cette époque à avoir définitivement rompu avec le mode de vie occidental. Son parcours n’a évidemment rien à avoir avec ceux d’Isabelle Eberhardt ou d’Arthur Rimbaud, mais on retrouve chez eux le même intérêt pour l’islam, qui incarnait à cette époque la rupture avec l’Occident. Il ne faut pas oublier qu’Eberhardt faisait partie d’une tariqa (confrérie) soufie et que Rimbaud passait pour un musulman auprès des autres Européens du Harar – il leur donnait des cours sur l’Islam et, d’après sa sœur, à la fin de sa vie, il prononçait sans cesse « Allah Kerim » (« c’est la volonté de Dieu »). (pp. 16-17)
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