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Critique de mh17


Ce roman de Juan José Saer (1986) est une expérience littéraire à nulle autre pareille. le Temps et la mémoire sont les thèmes du livre. Ce qu'il reste d'un événement et qui est sujet à caution. Ce qu'il reste c'est la glose, des commentaires, des interprétations qui ont pour la mémoire l'apparence d'une vérité.

Ce jour-là, cela devait être le 23 octobre 1961 mais rien n'est moins sûr, ce jour là dis-je Angel Léto sans trop savoir pourquoi, descend du bus au coin du boulevard, assez loin de son travail d'aide comptable et continue son chemin à pied dans l'avenue San Martin. Puis toujours par hasard, il rencontre le Mathématicien, bronzé et tout de blanc vêtu,y compris ses mocassins. Les deux jeunes gens n'ont pas grand-chose à se dire, a priori, n'est-ce pas ? Et pourtant ils se mettent à discuter pendant cinquante cinq minutes sur deux mille cent mètres, beaucoup moins longtemps soit dit en passant qu'il nous en faut pour parcourir le roman. Ils discutent au sujet d'un événement anecdotique. Ils glosent à propos de la fête d' anniversaire du poète avant-gardiste Washington Noriega à laquelle aucun des deux n'a assisté. le Mathématicien était en Europe pour des conférences et Léto n'avait pas été invité. Encore sous le coup de l'émotion provoquée par une phrase mystérieuse prononcée par sa mère le matin même, Léto écoute poliment mais d'une oreille distraite le Mathématicien frustré lui raconter ce que lui a rapporté le dénommé Bouton qui était à la fête. Au premier tiers du livre, à la fin des sept cents premiers mètres, un autre personnage apparaît. Tomatis le journaliste accompagne les deux autres pour un temps. Il était à la fête et il raconte sa version. Mais peut-on s'y fier ?

Ce livre a une construction complexe mais pourtant très claire, grâce aussi à la traduction épatante de Laure Bataillon. Il est composé en trois parties (Les 700 premiers mètres, les 700 mètres suivants, les 700 derniers mètres) . A chaque fois des blocs de récits alternent : les propos des protagonistes ; ce qu'ils pensent mais qu'ils ne disent pas : les conjectures savantes du Mathématicien à propos de la fiesta d''anniversaire, celles de Léto au sujet des paroles funestes de sa mère, les interprétations des gestes et des propos des uns sur les autres, les souvenirs récents ou anciens de chacun d'eux ; le récit du narrateur omniscient : récits et commentaires sur les personnages principaux et secondaires, résumés toujours différents de la situation, sauts dans le futur tôt dans le roman qui nous permettent d'appréhender le contexte politique du livre, de rendre le récit tragique et les personnages touchants.

Cette construction savante et géométrique du récit épouse le plan en damier, entre ombre et lumière du boulevard. L'écriture est sinueuse comme notre mémoire, pleine de digressions drôles ou dramatiques, d'interrogatives malicieuses, d'évocations lyriques d'instants avec de gros plans sur des détails ou des gestes que le temps a engloutis.

Merci beaucoup Eduardo (Creisifiction) de m'avoir fait connaître ce grand écrivain argentin.
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