AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de mh17


mh17
15 décembre 2022
J'ai découvert le grand écrivain argentin Juan Jose Saer (1937-2005) avec L'Enquête que je vous recommande. L'Ancêtre (1983) est un peu plus difficile d'accès je trouve mais c'est un roman riche et envoûtant.

On est au XVIe siècle vingt ans après la découverte de L'Amérique. le narrateur est un vieillard qui raconte ce qui lui est arrivé alors qu'il était un jeune mousse, orphelin.
Trois navires sont partis d'Espagne explorer un vaste estuaire récemment découvert. le petit mousse est le jouet des matelots. A peine débarqués à terre, le capitaine et les quelques hommes qui l'accompagnent sont massacrés par des Indiens. Un seul en réchappe, le mousse. Fait prisonnier, il est accueilli avec beaucoup de déférence dans la tribu de ses assaillants. Il assiste alors à un étrange et terrible rituel dionysiaque qui se répète chaque année quand les Indiens chassent leur proies. A chaque fois les Indiens laissent un survivant qu'ils nomment « def-gui ». Ensuite les Indiens redeviennent paisibles. le mousse est rendu à son monde dix ans plus tard, à l'occasion d'une autre expédition naviguant dans ces eaux. Il est nu, hirsute, ne se souvient pas de sa langue natale. Plus tard, il a la chance de rencontrer un homme qui l'instruit, lui apprend les langues. A près la mort de cet homme, il devient comédien. Arrivé à la fin de sa vie, le mousse devenu sage se souvient comment, soixante ans plus tôt, il a été amené pendant toutes ces années à partager l'existence d'une tribu d'hommes qui ont bouleversé sa vision du monde…


Le roman n'est absolument pas réaliste. Au début on se croirait dans un grand roman d'aventures se déroulant au XVIe siècle, une épopée avec de superbes descriptions poétiques. Mais le narrateur anonyme est étrangement serein pour un héros. Il semble planer au dessus-des événements comme dans un rêve ouaté. Arrivés chez les Indiens, au coeur des ténèbres, on se sent moins dans un roman que dans une sorte de documentaire anthropologique à la Levi-Strauss avec pour témoin ce mousse improbable que les Indiens appellent def-gui avec une grande déférence. le gamin est en quête d'un père, d'une famille mais jamais il n'est intégré ; il est seul avec les matelots, à côté du cercle des Indiens, il n'est pas reconnu parmi les Espagnols non plus. Plus tard, il transforme ses expériences en pièce de théâtre à succès : les spectateurs veulent un récit picaresque, de l'exotisme, des barbares. Ils ne comprennent pas leur altérité et son succès le rebute. Alors il se retire pour écrire ses mémoires.

Je vous encourage à lire ce récit poétique et stimulant.
Commenter  J’apprécie          6013



Ont apprécié cette critique (57)voir plus




{* *}