S'autoriser à aimer, c'est construire dans sa mémoire de solides branches auxquelles se raccrocher lorsque tout tangue.
Je m'appelle Sacha.
J'ai trente ans, j'habite à Paris, je suis comédien, et c'est en référence à Guitry que ma mère m'a nommé ainsi. Voilà pour ma biographie légèrement enjolivée, la version curriculum vitae.
Dans la vraie vie, j'habite une chambre de bonne Porte de La Chapelle, mon prénom résulte de l'adoration de feu ma génitrice pour Sacha Distel, j'essaie d'être acteur mais finis le plus souvent figurant.
Il n'est rien pour elle, mais elle n'a plus que lui.
Je la regarde, endormie dans ce soleil déclinant, et je crois que c’est la première fois que je parviens à formuler clairement cette simple idée : il ne faut pas s’empêcher de vivre un amour par peur de le perdre. Sinon on ne vibre jamais. On ne vit jamais.
C'est toujours étonnant de constater a posteriori à quel point les épreuves transforment les liens entre les gens. Ils peuvent éloigner ou rapprocher, c'est selon. Mais ils laissent des traces.
Et ses souvenirs seront privés d'une dimension essentielle: qui peut prétendre que ce qui reste de l'enfance n'est pas étroitement associé aux réminiscences olfactives?
Je la regarde, endormie dans ce soleil déclinant, et je crois que c'est la première fois que je parviens à formuler clairement cette simple idée: il ne faut pas s'empêcher de vivre un amour par perdre de le perdre. Sinon on ne vibre jamais. On ne vit jamais.
Une digue vient de céder. Je n'ai pas ressenti une telle douleur depuis la mort de ma mère. Il y a dix-neuf longues années. C'est étrange comme les déchirures s'inscrivent dans les chairs. Il suffit d'un rien pour rouvrir les plaies et nous replonger dans des abîmes de détresse que l'on croyait oubliés. Je m'étais juré de ne plus souffrir à cause de quiconque. Jusqu'à présent, je pensais avoir réussi.
Je prends la résolution de déguster les petits riens du quotidien. De chérir tout ce qu'il y a d'extraordinaire dans l'ordinaire.
Il ne faut pas s'empêcher de vivre un amour par peur de le perdre. Sinon on ne vibre jamais. On ne vit jamais. S'autoriser à aimer, c'est construire dans sa mémoire de solides branches auxquelles se raccrocher lorsque tout tangue.