On ne connaît pas d'ennui avec ce récit haletant. Les idées toutes faites sur le Proche Orient sont à oublier. Des personnages complexes acteurs d'une histoire sans manichéisme.
Ancien militant de la Paix Maintenant, le narrateur qui est un policier israélien doit tous les jours déjouer des attentats. Il mène des interrogatoires. Un jour, ça tourne mal. Il est mit à pied. Sa femme n'en peut plus. Elle s'en va avec son fils. La vie familiale n'existe pas. Même un soir où ils décident de sortir ensemble un attentat stoppe le dîner.
On se demande comment un être humain tient . D'ailleurs il tient peut être mais avec combien de séquelles psychologiques.
Ce personnage inspire à la fois l'antipathie et l'empathie. Tiraillé par la morale et l'impératif sécuritaire: Tous les moyens sont bons pour sauver des vies? Se salir les mains es ce la seule voie?
« J'avais honte de moi et les paroles qui sortaient de ma bouche me dégoutaient à tel point que le suspect assis en face de moi m'a paru, lui, d'une grande dignité. Si jamais je me retrouvais dans sa situation me suis-je encore dit, j'espère que j'aurai la force de me conduire comme lui. «
Son caractère de machine violente est mis à mal par une affaire. Celle de Hani,
le poète de Gaza.
Celui ci est ami avec Dafina une israélienne de gauche militante pour la cause des palestiniens qui cherche à le faire sortir de Gaza pour ses derniers jours de vie car il est en phase terminale d'un cancer. Hani est intelligent et cultivé.
La culture hébraïque est une sorte de « butin de guerre » à la
Kateb Yacine pour ce poète de Gaza.
Il aime retrouver Tel Aviv. ça lui rappelle les bringues de sa jeunesse.
« Son hébreu était lent et précis,il parlait comme quelqu'un qui a appris notre langue dans les règles de l'art, et non en captant sur le tas des syllabes étrangères,aboyées ou affolées. Pas pour survivre,mais par désir d' érudition »
Ses forces sont ses mots, sa pensée un peu comme un
Mahmoud Darwich.
Un spécialiste en littérature arabe, docteur de l'université de Jérusalem, avait fourni au dossier une analyse des textes de Hani que j'ai retrouvée, elle était rangée dans une pochette en plastique usée. L'éminent expert avait écrit que certes son lyrisme était tout en modération , mais que l'on sentait palpiter en eux un indéniable sentiment d'injustice et une volonté farouche de revenir sur les terres confisquées. Là se trouvait le moteur de son oeuvre et, puisque tel était le cas, celle-ci risquait d'avoir une influence subversive sur les lecteurs arabes et un effet démoralisateur au sein du public israélien. Au bout de trois jours, Hani avait été relâché sans qu'aucune charge n'ait finalement été retenue contre lui, mais on lui avait interdit d'entrer en Israël
Pourquoi cet amateur de vin intéresse notre policier israélien? Son fils est recherché pour terrorisme, il faut le piéger.
On suit alors cette histoire de manipulation mais qui va se heurter à des imprévus.
L'espoir d'un avenir meilleur est plus fort que la déprime du présent immobile:
« La même mer. le même soleil. C'est juste qu'il y a plein de barrages au milieu.
-Un jour, toutes ces barrières tomberont et on vivra ensemble , assura Dafina dont les yeux étaient repeints en turquoise par le paysage et le vin.
-Ces temps là ne viendront qu'après nous, a chérie », murmura Hani dans un petit rire. Il posa délicatement sa main desséchée sur le bras de Dafina. « Aujourd'hui, ce sont les fous qui sont aux commandes »
Le rythme de la narration est très soutenu. C'est un roman qui se dévore.
Avec une histoire profonde et dynamique, il pose cette question: La violence est elle une fatalité au Proche Orient? Est il possible de faire autrement?
Lauréat du Grand Prix de la Littérature Policière – Etrangère – 2011, récompense amplement méritée.
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