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Critique de Eve-Yeshe


Diégane, jeune écrivain, découvre en 2018 un livre très rare, peu édité (et sous le manteau à l'époque, en 1938) dont le titre déjà le fascine : « le Labyrinthe de l'inhumain », le seul livre de l'auteur T.C. Elimane dont on a perdu la trace depuis très, très longtemps ? On pense d'ailleurs qu'il est peut-être décédé.

Encensé dans un premier temps, par quelques critiques littéraires (rares il faut bien le préciser), il va ensuite se démolir avec un acharnement qui dépasse l'imagination, mais on est en 1938, période coloniale qui méprise l'Afrique et les Africains.

Les critiques que l'auteur prête au livre de T.C. Elimane a sa sortie sont tellement fortes et méchantes qu'on se demande si l'auteur est uniquement le fruit de l'imagination de Mohamed Mbougar Sarr ou s'il a vraiment existé. En fait, l'auteur s'est inspiré l'histoire vraie du Malien Yambo Ouologuem premier romancier africain à recevoir le Prix Renaudot en 1968 pour son roman « le devoir de violence » lui aussi accusé de plagiat ; il est impossible que l'auteur soit Noir (les mots sont bien plus terribles !) … voici quelques exemples :

"Soyons francs : on se demande si cette oeuvre n'est pas celle d'un écrivain français déguisé. On veut bien que la colonisation ait fait des miracles d'instruction dans les colonies d'Afrique. Cependant, comment croire qu'un Africain ait pu écrire comme cela en français ?"

D'autres disent de lui qu'il est un Rimbaud nègre… et d'autres :

"Un nègre, une créature à peine plus élevée qu'un primate sur l'échelle de la civilisation, qui voulait écrire."

On rencontre par exemple Siga qui vit à Amsterdam et possède un exemplaire du livre d'Elimane et la rencontre entre Diégane et celle qu'il surnomme « l'araignée mère » est savoureuse. On fait aussi la connaissance de jeunes écrivains francophones venus d'Afrique qui dissertent entre eux.

Peu à peu, Diégane va se lancer sur les traces d'Elimane et essayer de mieux le connaître, à travers des personnes qui l'ont côtoyé, connu, certains haut en couleurs, notamment des femmes et en même temps Diégane nous parle de lui, de sa famille de son pays nous faisant voyager en France mais aussi au Sénégal, jusqu'en Argentine pour retrouver la moindre trace, le moindre secret… on visite les lieux mais aussi l'Histoire du siècle, avec ses guerres, ses horreurs, la Shoah, la colonisation…

Parfois, on a l'impression d'être dans une impasse, le livre ronronne, mais Mohamed Mbougar Sarr sait rebondir, ramener un autre témoignage, et ainsi un autre pan de l'histoire de T.C. Elimane que l'on trouve tantôt sympathique, tantôt casse-pieds mais qui ne laisse jamais indifférent.

J'ai bien aimé sa notion de biographème également : il nous donne de courtes biographies, parfois une simple réflexion, une mini dissertation sur une idée parfois obscure qui désoriente le lecteur, mais éveille sa curiosité. Par ailleurs, l'auteur joue avec la police d'écriture, et avec l'italique, le caractère gras ou non, les majuscules et les minuscules etc…

Ce livre se mérite, s'apprivoise même, en dépit des longueurs, car l'écriture est très belle. Je craignais un effet « Boussole » : le livre de Mathias Enard qui m'intéressait beaucoup mais que je n'ai jamais réussi à terminer, à cause de l'érudition du musicologue : la table de ma salle à manger disparaissait sous les post-it, les notes, que j'accumulais dans un cahier à côté…Le plaisir de la lecture avait fini par s'envoler à mi-parcours.

Avec Mohamed Mbougar Sarr, je me suis laissée porter par cette « plus secrète mémoire des hommes », emportée par cette plume magique. C'est une déclaration d'amour à la littérature. Je l'ai emprunté à la médiathèque dans un premier temps et quand j'ai vu le nombre de post-it, de citations qui me plaisaient, j'ai fini par l'acheter, car c'était une évidence, je voulais le garder, pouvoir le relire… Et cerise sur le gâteau, le côté magique du récit, les légendes, m'ont donné envie de ma plonger davantage dans la littérature africaine, sans oublier d'aller explorer le roman et la vie de Yambo Ouologuem

Cela fait trois semaines que je l'ai refermé et que je médite sur ma chronique qui, une fois de plus, ne me satisfait pas, mais il arrive un moment, il faut arrêter de peaufiner. Comme je l'ai déjà dit, ce livre s'apprivoise et le voyage est tellement beau qu'on ne regrette pas d'avoir embarquer dans le bateau ou l'avion comme on veut en compagnie de l'auteur. J'ai beaucoup aimé, je persiste et signe, n'en déplaisent aux esprits grincheux qui trouve le ton de l'auteur trop pompeux, ampoulé.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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