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Critique de larmordbm



Je poursuis mon exploration de Nathalie Sarraute avec un livre glané au hasard des étagères chez un bouquiniste.
Disent les imbéciles demande des pré-requis pour être un tant soit peu élucidé, effleuré plutôt. Je ne dirai pas l'avoir compris ; j'ai entraperçu des lueurs, eu des intuitions, ressenti des frémissements, pensé rejoindre furtivement la pensée de l'autrice, grâce à ce que je crois avoir retenu de mes précédentes lectures. Entrer directement dans ce livre ne me parait pas envisageable, il ne permet pas de se familiariser avec elle.
De quoi parle-t-on ici ? Pas de récit, pas de trame narrative, pas de personnages, mais plutôt des moments, des dialogues, des mots jetés en pâture, et beaucoup d'expressions, des expressions idiomatiques, toutes faites, qui ordonnancent le langage, tout en le dévitalisant, des expressions vides de sens qu'on s'envoie à la figure pour marquer sa supériorité, derrière lesquelles on se réfugie, on se cache aussi.
Cela commence par une scène familiale, des petits-enfants entourant, chérissant une grand-mère. Comme elle est mignonne, disent-ils ! Mais bientôt la situation dérape, l'un d'entre eux étant mis à l'écart. Il est jaloux et la grand-mère n'est peut-être pas aussi mignonne que cela. Nous la quittons pour nous retrouver auprès d'un grand Maître, inventeur d'une idée, bardé de certitudes, prompt à défendre ses positions contre les imbéciles.
Sarraute organise sa pensée autour de deux plans. le premier est celui des sensations, des réactions primaires, des éléments inconscients à la base des comportements. C'est la notion de Tropismes qu'elle traque tout au long de son oeuvre. Nous sommes dans le domaine des pulsions, du non-dit, de l'informel, de l'indicible, en amont du langage, de l'identité, du moi structuré, à la racine des émotions et des perceptions. Sa démarche est alors proche de celle de Virginia Woolf en quête elle aussi des vibrations des instants de vie. Elle tend à aller au coeur de l'intimité et de l'authenticité des êtres dépouillés des carcans institutionnels et collectifs.
Le deuxième plan est celui du langage, le langage qui enferme les individus, contraint et déforme la communication, catégorise, confère des assignations, des rôles en fonction de représentations sociales, assoie les relations de domination entre les puissants et les imbéciles, les hommes et les femmes.
Nous comprenons que le mépris nourri par Nathalie Sarraute à l'égard du langage et des mots l'ait éloignée de la théorie psychanalytique. Elle poursuit le même but mais souhaite emprunter une autre voie, ce qui est paradoxal puisque les mots sont son instrument de travail.
Avec ce livre exigeant, difficile d'accès, j'ai eu l'impression de faire un petit bout de chemin avec cette passionnante autrice.
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