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Critique de ileana


Cet essai est un portrait psychologique du poète ; Sartre n'aborde la production littéraire que pour étayer ses arguments au fil des pages. Un portrait nuancé mais parfois répétitif.
Une des idées qui m'a interpellée : Baudelaire est tellement épris par sa propre singularité qu'il se dédouble afin de se contempler dans un geste narcissique :
« L'effort de dédoublement prend ici la forme la plus nette : être à soi-même objet, se peindre comme une châsse, pour pouvoir s'emparer de l'objet, le contempler longuement et s'y fondre. P125
« L'attitude originelle de Baudelaire est celle d'un homme penché. Penché sur soi, comme Narcisse. [ ] Pour nous autres, c'est assez de voir l'arbre ou la maison ; tout absorbés à les contempler, nous nous oublions nous-mêmes. Baudelaire est l'homme qui ne s'oublie jamais. Il se regarde voir ; il regarde pour se voir regarder ». p23
Sur la douleur baudelairienne : « Elle ne fait qu'un avec son orgueil [ ]. La souffrance pour Baudelaire n'est pas le remous violent qui suit un choc, une catastrophe, mais un état permanent. [ ] Baudelaire a choisi de souffrir. La douleur, dit-il, est la noblesse ». p88
« Baudelaire : l'homme qui se sent un gouffre. Orgueil, ennui, vertige : il se voit jusqu'au fond du coeur, incomparable, incommunicable, incréé, absurde, inutile, délaissé dans l'isolement le plus total, supportant seul son propre fardeau, condamné à justifier tout seul son existence, [ ] replié dans la contemplation et, en même temps, jeté hors de lui en une infinie poursuite, un gouffre sans fond [ ]. » p40
Le paragraphe ci-dessous parle d'une existence stagnante, de son incapacité à se renouveler :
« Peu d'existences plus stagnantes que la sienne. Pour lui, à vingt-cinq ans, les jeux sont faits : tout est arrêté, il a couru sa chance et il a perdu pour toujours. Dès 1846, il a dépensé la moitié de sa fortune, écrit la plupart de ses poèmes, donné leur forme définitive à ses relations avec ses parents, contracté le mal vénérien qui va lentement le pourrir, rencontré la femme qui pèsera comme du plomb sur toutes les heures de sa vie, fait le voyage qui fournira toute son oeuvre d'images exotiques. [ ] On a le coeur serré lorsqu'on lit Fusées ou Mon coeur mis à nu : rien de neuf dans ces notes rédigées vers la fin de sa vie, rien qu'il n'ait cent fois dit et mieux dit. » P151 « On a le coeur serré », dit l'auteur : c'est rare dans ce livre de tomber sur un paragraphe où transparaît l'empathie. L'essayiste a adopté la distanciation.
La dernière phrase de l'essai : la vie du poète témoigne de cette vérité : « le choix libre que l'homme fait de soi-même s'identifie absolument avec ce qu'on appelle sa destinée. » Autrement dit, être poète maudit – c'est lui-même qui a choisi sa voie.
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