Il y a quelque chose de fascinant que ce journal intime, "où [
Baudelaire] entasse toutes [ses] colères", écrites pour lui seul, où il se livre totalement, il "vaporise et centralise [son] Moi".
Oui, c'est bien "un coeur mis à nu", dans ses enthousiasmes, ses souffrances, ses goûts, ses dégoûts, ses haines aussi, ses préférences intimes. le mot "coeur" est sans doute important, ce n'est pas une âme, ni un esprit qui s'exprime :
Baudelaire ne raisonne pas, ne théorise pas ici, il ressent. Ce sont ses sentiments qui parlent, pas sa raison. C'est pour cela sans doute que les phrases sont courtes, sans véritable enchaînement logique, sans organisation. On a même parfois l'impression d'
aphorismes, de maximes, assénées sur le ton de vérité universelle, qui le sont en tout cas pour celui qui les écrit, sur Dieu, la politique, l'histoire de France, la peine de mort... Si certaines réflexions sont profondes, d'autres peuvent sembler superficielles par leur brièveté. En tout cas, pour moi, ce n'est pas assez approfondi, on passe trop rapidement d'une idée à l'autre.
Ainsi,
Baudelaire ne cherche pas délibérément à choquer, c'est ce qu'il pense au plus profond de lui, il a ainsi véritablement des goûts anti-bourgeois comme il l'annonce plusieurs fois. Il est donc un étranger à son siècle, qui n'a pas de conviction politique, se sent seul, à part, parmi la foule. Il insiste sur des aspects triviaux, voire vulgaires comme la prostitution, la saleté des culottes, les latrines, les excréments, le foutre
Les passages, où plutôt les phrases, que j'ai trouvés les plus intéressants sont ceux sur la littérature et l'Art, où
Baudelaire donne son avis sur l'art dramatique, sur
Molière, sur certains sonnets, sur le génie artistique et créateur.
Cependant, j'ai eu beaucoup de difficultés à lire les passages plein de misogynie et de violence envers les femmes. Une section s'appelle ainsi "de la nécessité de battre les femmes", ce qui me hérisse fortement. Plus encore, la "la femme est naturelle, c'est-à-dire abominable" : il essentialise les femmes pour en faire des êtres de pures sensations, dirigées par leurs instincts, toujours "en rut", qui sont donc plus proches des animaux que du Dandy, qui incarne l'homme idéal, ou, plutôt, l'idéal de l'homme. de toute façon, les femmes sont une des "formes séduisantes du Diable". Toutes les jeunes filles sont donc "une petite sotte et une petite salope".
Et surtout, quelle violence verbale envers
George Sand ! Elle semble incarner tout ce qu'il déteste, un goût pour l'ordre, le respect de la moralité, la délicatesse des sentiments. Ce n'est pas qu'une divergence artistique, c'est une condamnation insultante, diffamatoire même : "cette latrine".
Peut-être que
Baudelaire me traiterait de bourgeoise, mais je ne peux supporter cette violence vulgaire, pour moi, être un grand poète n'excuse pas tout.