Un grand nombre de méchants écrivains ne tirent leur subsistance que de la sottise du public, qui ne veut lire que le produit du jour même. Il s'agit des journalistes. Ils sont dénommés à merveille !
on peut dire qu'il y a trois sortes d'auteurs.
En premier lieu, ceux qui écrivent sans penser. Ils écrivent de mémoire, par réminiscence ou même directement avec les livres d'autrui. Cette classe est la plus nombreuse.
En second lieu, ceux qui pensent tandis qu'ils écrivent. Ils pensent en vue d'écrire. Cas très fréquent.
En troisième lieu, ceux qui ont pensé avant de se mettre à l'œuvre. Ceux-ci n'écrivent que parce qu'ils ont pensé. Cas rare.
Les journaux littéraires devraient être la digue opposée au gribouillage sans conscience de notre temps et au déluge de plus en plus envahissant des livres inutiles et mauvais. Grâce à un jugement incorruptible, juste et sévère, ils flagelleraient sans pitié chaque bousillage d'un intrus, chaque griffonnage à l'aide duquel le cerveau vide veut venir au secours de la bourse vide, c'est-à-dire au moins les neuf dixièmes des livres, et se mettraient ainsi en travers de l'ecrivaillerie et de la filouterie, au lieu de les favoriser par leur infâme tolérance, qui pactise avec l'auteur et l'éditeur, pour voler au public son temps et son argent. En règle générale, les écrivains sont des professeurs ou des littérateurs qui, gagnant peu et étant mal payés, écrivent par besoin d'argent. Or, poursuivant un but commun, ils ont un intérêt commun à s'unir, à se soutenir réciproquement, et chacun chante à l'autre la même chanson. C'est la source de tous les comptes rendus élogieux de mauvais livres qui remplissent les journaux littéraires.
Les meilleures œuvres des grands hommes datent toutes du temps où ceux-ci devaient encore écrire pour rien ou pour très peu de choses.
On peut dire qu'il y a trois sortes d'auteurs (...). Celui-là seul qui prend dans sa propre tête la matière dans laquelle il écrit, mérite d'être lu. Mais faiseurs de livres, compilateurs, historiens ordinaires, etc., prennent la matière indirectement dans les livres ; elle passe de ceux-ci à leurs doigts, sans avoir subi dans leur tête même un droit de transit et une visite, à plus forte raison, une élaboration.
Il faut parler également ici des traducteurs, qui corrigent et remanient à la fois leur auteur : procédé qui me paraît toujours impertinent. Écrivez-vous même des livres qui méritent d'être traduits, et laissez les œuvres des autres comme elles sont.