Trois petits textes savoureux d'un grand philosophe qui s'exprime dans un style limpide à la portée de tous sur trois sujets particulièrement intéressants : la rhétorique (
l'art d'avoir toujours raison), la lecture et les livres, l'autonomie de la pensée (Penseurs personnels).
Le premier sujet est d'une actualité brûlante. La campagne électorale est l'occasion de débats, de discours, de controverses où chaque candidat tente de faire valoir sa vision du monde. Il n'y aurait rien à dire si chaque orateur était dans la recherche sincère de la vérité. Dans ce cas la rhétorique est utile en tant qu'art de la parole pour mettre en valeur ses arguments. Mais l'utilisation de la rhétorique pour soutenir un argument que l'on sait faux est délétère. Face à une conviction sincère exprimée maladroitement par un piètre parleur, un brillant orateur peut remporter les suffrages du public en recourant à des arguments fallacieux, mais habilement présenté. C'est pour déjouer les tours et les pièges tendus par nos interlocuteurs qu'il est important de connaître les stratagèmes de la mauvaise foi.
Schopenhauer analyse 38 stratagèmes et donne des exemples que l'on pourra facilement retrouver au cours des débats politiques. Ainsi l'ultime stratagème : si un orateur présente des arguments que son adversaire ne peut pas contrer, celui-ci s'en prend à la personne par des attaques grossières et blessantes. Procédé détestable, mais dont on a tous été témoins.
Après avoir analysé chacun des stratagèmes,
Schopenhauer nous indique comment le contrer. En face du stratagème de l'attaque "ad personame" il faut rester stoïque et répondre calmement que cela est hors sujet et poursuivre son argumentation.
Il y aurait beaucoup à dire aussi sur les deux autres sujets développés par
Schopenhauer. Tous ces textes sont l'occasion de découvrir les qualités du style du philosophe qui s'exprime avec élégance et concision témoignant du souci d'être compris ce qui n'est pas le cas de tous les philosophes.
Dans "La lecture et les livres", en critiquant le lecteur boulimique qui risque de perdre sa faculté de penser par lui-même,
Schopenhauer remet en perspective la bonne manière de lire qui consiste à se ménager des temps de réflexion personnelle afin de ne pas se nourrir uniquement des pensées prédigérées exposées dans les livres.
Il prévient : "Lire c'est penser avec la tête d'un autre au lieu de la sienne". Il n'a pas tort, mais je pense que la lecture est l'un des meilleurs moyens d'acquérir des connaissances et donc de nourrir sa réflexion. À nous, grand lecteur, de méditer cet avertissement un peu péremptoire. Un peu plus loin
Schopenhauer pondère son propos en nous conseillant, non pas bien sûr de cesser de lire, mais de mieux choisir nos lectures, le temps nous étant compté il est important d'éliminer les lectures inutiles. Parmi les milliers de livres qui paraissent chaque année, une infime partie est digne d'intérêt. Il nous recommande aussi de lire attentivement les anciens et non pas seulement les modernes. Après ces conseils, je ne crois pas que je vais lire moins, mais je vais essayer de lire mieux, en commençant peut-être par lire l'oeuvre de
Schopenhauer !
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L'art d'avoir toujours raison suivit de la lecture et les livres et Penseurs personnels",
Arthur Schopenhauer, Librio 2016 (73 pages).