Parcours initiatique pour le personnage, plongée dans la culture et dans les conceptions du monde de la civilisation du Nil pour les lecteurs, Her-Bak est une fiction pédagogique, un peu à la manière du Télémaque de
Fénelon. Ce dernier, par le biais de la fable divertissante ayant pour cadre L'Odyssée, emmenait son lecteur dans de petites aventures servant de base à un apprentissage moral, culturel, langagier et politique. Ici, le but premier est plutôt documentaire (découverte d'une civilisation), mais l'autrice souhaite également apporter des enseignements plus philosophiques au lecteur du XXe siècle, notamment ouvrir son esprit à un début de spiritualité et à une tolérance envers les diverses croyances. Si Ischa et son mari le philosophe René Schwaller de Lubicz sont bien des spécialistes reconnus de l'Égypte antique, ils sont aussi membres de la Société théosophique, réseau international de penseurs et de scientifiques, qui prônait une fraternité entre les peuples et une amélioration du monde basée sur les échanges intellectuels, scientifiques, et sur une spiritualité universelle dépassant les particularismes religieux et culturels : « aucune religion n'est au-dessus de la vérité » (devise du groupe).
Contrairement à ce qu'on pourrait attendre, il n'est que peu question des croyances religieuses et mythes de l'Égypte antique dans ce premier tome. On est plus proche de la Vie quotidienne au temps des Pharaons. On suit le petit héros dans son parcours professionnel, découverte et expérimentation des divers métiers, rencontre d'artisans, le tout encadré par son maître Mesdjer qui lui fait tirer de ses expériences des enseignements (comme pourrait le faire un jeune collégien en stage ou en apprentissage...). Les vraies connaissances ne s'apprennent pas comme à l'école, par l'étude de textes théoriques, par la répétition de paroles et de règles, mais par la pratique, par le mouvement du corps, par la sensation et le tâtonnement, comme dans les pédagogies alternatives (notamment développées par
Rudolf Steiner, célèbre penseur théosophe). L'initiation n'est pas seulement professionnelle, le vrai objectif est d'en retirer une sagesse pratique, première base de spiritualité. En cela,
Schwaller de Lubicz rejoint les conceptions de Marx et de William Morris (l'artisanat comme travail sublimé en art) : le travail est le lieu d'une quête de sens, de plaisir et de réalisation de soi quasi mystique. La sagesse ne s'arrête pas au travail, mais se retrouve dans la vie quotidienne, l'observation des éléments (qui conditionnent souvent les métiers), des animaux (qui travaillent avec l'homme), des disputes et contradictions humaines... Il s'agit pour l'apprenti scribe en vue de son initiation d'être au clair avec lui-même (est-il décidé à chercher au-delà du plaisir d'une vie simple ?). C'est avec ce recul, ses propres contradictions acceptées, que le jeune apprenti peut entrer dans une quête ésotérique d'une vérité pas toujours confortable (aucune assurance de l'existence des dieux, d'un sens de la vie...).
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