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Citations sur Le roi au masque d'or et autres nouvelles fantastiques (6)

Enfin, elle vida son cœur, et voici ce qu’elle dit : « J’ai assez de ton Paris qui mange, qui dévore, qui vomit tout ; les maisons sont remplies de femmes qui meurent et d’hommes qui les exploitent ; tous les hôtels sont de terribles repaires ; tous les cafés sont des antres où quelque bête vous guette. Quand on s’amuse, on a du bois peint ou du gaz sur la tête ; quand on rit, on éclabousse sa poudre et on fait craquer sa peinture ; quand on pleure, on n’a pas d’endroit où on puisse poser sa tête sans entendre un ricanement. Si vous êtes malade, vous trouvez l’hôpital avec ses lits blancs qui ont déjà l’air de linceuls. Vous êtes salie avant d’avoir aimé ; et si vous aimez, une autre vous trahit. Les rues sont pleines d’affamés de pain et d’amour. On vole partout, ici. On vole dans votre poche et on vole dans votre cœur. Personne n’a rien d’assuré ; rien n’est solide, même pas les vêtements (elle mettait son costume en lambeaux). Personne n’a pitié de vous ; ni les hommes qui rient, ni les femmes qui vous en veulent, ni les terribles enfants, plus cruels que tous. J’ai vu une femme, par une nuit d’hiver, sous une porte cochère, avec une troupe de jeunes gens qui la raillaient, et la malheureuse pleurait, pleurait. On n’a pas le temps d’avoir pitié. À peine si on a le temps de faire pitié. On passe du salon d’un café au trottoir de la devanture, et puis au tas que les balayeurs enlèvent le matin. C’est très vite fait : trois ans, quatre ans — à la hotte, tout ça !
« Je veux m’en aller. Je retournerai chez nous, à la campagne. »
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Le roi masqué d’or se dressa du trône noir où il était assis depuis des heures, et demanda la cause du tumulte. Car les gardes des portes avaient croisé leurs piques et on entendait sonner le fer.
Autour du brasier de bronze s’étaient dressés aussi les cinquante prêtres à droite et les cinquante bouffons à gauche, et les femmes en demi-cercle devant le roi agitaient leurs mains. La flamme rose et pourpre qui rayonnait par le crible d’airain du brasier faisait briller les masques des visages. À l’imitation du roi décharné, les femmes, les bouffons et les prêtres avaient d’immuables figures d’argent, de fer, de cuivre, de bois et d’étoffe. Et les masques des bouffons étaient ouverts par le rire, tandis que les masques des prêtres étaient noirs de souci. Cinquante visages hilares s’épanouissaient sur la gauche, et sur la droite cinquante visages tristes se renfrognaient. Cependant les étoffes claires tendues sur les têtes des femmes mimaient des figures éternellement gracieuses animées d’un sourire artificiel. Mais le masque d’or du roi était majestueux, noble, et véritablement royal. Or le roi se tenait silencieux et semblable par ce silence à la race des rois dont il était le dernier. La cité avait été gouvernée jadis par des princes qui portaient le visage découvert ; mais dès longtemps s’était levée une longue horde de rois masqués. Nul homme n’avait vu la face de ces rois, et même les prêtres en ignoraient la raison.
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La légère buée qui flottait derrière eux sur l’Océan, venait de s’éclairer de la même lueur que le ciel, pâle et tremblotante : c’était la mer qui brûlait.
Pourquoi cette universelle destruction ? Leurs têtes, qui battaient intérieurement dans l’air surchauffé, étaient pleines de cette question multipliée. Ils ne savaient pas. Ils étaient inconscients des fautes. La vie les étreignait ; ils vivaient plus vite, tout d’un coup ; l’adolescence les saisit au milieu de l’incendie du monde.
Et, dans cette ancienne barque, dans ce premier instrument de la vie inférieure, ils étaient un si jeune Adam et une si petite Ève, seuls survivants de l’Enfer terrestre.
Le ciel était un dôme en feu. Il n’y avait plus à l’horizon qu’un seul point bleu extrême, sur lequel allait se refermer la paupière de flamme. Une mer ronflante les atteignait déjà.
Elle se dressa et se dévêtit. Nus, leurs membres polis et grêles étaient éclairés par la lueur universelle. Ils se prirent les mains et s’embrassèrent.
— Aimons-nous, dit-elle.
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Et la somnolence de cette cité dormante mit dans nos membres une profonde lassitude. L’horreur du silence nous enveloppa. Nous qui cherchions dans la vie active l’oubli de nos crimes, nous qui buvions l’eau du Léthé, teinte par les poisons narcotiques et le sang, nous qui poussions de vague en vague sur la mer déferlante une existence toujours nouvelle, nous fûmes assujettis en quelques instants par des liens invincibles.
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La côte était haute et sombre sous la lueur bleu clair de l'aube. Le Capitaine au pavillon noir ordonna d'aborder. Parce que les boussoles avaient été rompues dans la dernière tempête, nous ne savions plus notre route ni la terre qui s'allongeait devant nous. L'Océan était si vert que nous aurions pu croire qu'elle venait de pousser en pleine eau par un enchantement. Mais la vue de la falaise obscure nous troublait; ceux qui avaient remué les tarots dans la nuit et ceux qui étaient ivres de la plante de leur contrée, et ceux qui étaient vêtus de façon diverse, quoiqu'il n'y eut pas de femme à bord, et ceux qui étaient muets ayant eu la langue clouée, et ceux qui, après avoir traversé, au-dessus de l'abîme, la planche étroite des flibustiers, étaient demeurés fous de terreur, tous nos camarades noirs ou jaunes, blancs ou sanglants, appuyés sur les plats-bords, regardaient la terre nouvelle, tandis que leurs yeux tremblaient.

La cité dormante
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« Vous changerez celle-ci de salle. » La 52, étonnée, murmura : « Mais pourquoi, monsieur le docteur ? »
— Le médecin répondit, en reprenant sa tournée : « Vos compagnes
se chargeront de vous l’apprendre. »
À peine fut-il sorti, que le concert commença. Des sifflets pénibles partirent aux deux bouts de la salle, avec des quintes de joie. Quelques vieilles bavaient, à force de plaisir. D’autres frappaient leurs draps, dans un paroxysme de rire. Et la 53, soulevée tout entière, hurla en brandissant sa pipe : « Pourquoi, mon enfant ? Parce que nous avons pétitionné contre toi. Toute la salle. Ton œil rouge nous dégoûte. Nous ne pouvons plus manger. »n Comme dans un chœur rauque toutes les malades s’écrièrent, avec un râle de poitrine : « Oui, ton œil nous dégoûte ! »
La 52, stupéfiée, restait adossée à son oreiller. Sur sa gauche, une femme, dont les muscles des yeux étaient paralysés, remuait la tête d’un côté, de l’autre, en haut, en bas, à la manière d’un perroquet, les prunelles fixes, pour se repaître de sa vexation. Sur sa droite, une vieille, atteinte de paralysie agitante, claquait frénétiquement des mâchoires, et, dans un mouvement ininterrompu, le masque sans plis, roulait de continuelles cigarettes imaginaires, au ras de la couverture.
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