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Jean-Pierre Bertrand (Éditeur scientifique)Gérald Purnelle (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080711434
205 pages
Flammarion (08/10/2004)
3.94/5   72 notes
Résumé :
« Le biographe n'a pas à se préoccuper d'être vrai ; il doit créer dans un chaos de traits humains. Leibniz dit que pour faire le monde, Dieu a choisi le meilleur parmi les possibles. Le biographe, comme une divinité inférieure, sait choisir parmi les possibles humains, celui qui est unique. Il ne doit pas plus se tromper sur l'art que Dieu ne s'est trompé sur la bonté. Il est nécessaire que leur instinct à tous deux soit infaillible.
De patients démiurges o... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Suivons le titre! L'itineraire y est indique mais le chemin reservera a coup sur des surprises. de quoi sera compose l'imaginaire de Marcel Schwob quand il s'institue biographe de personnages historiques illustres, d'autres oublies ou meconnus, et de quelques uns qui semblent n'avoir existe que dans sa tete?

Schwob revendique dans sa preface l'imagination comme compagne autorisee (et des fois plus competente) de l'erudition. Il faut verifier toutes les sources officielles, choisir, et rajouter ce qui fera de la vie qu'on raconte une vie "unique". Car seule une vie "unique" merite d'etre racontee. Toutes les autres vies devront se consoler avec un passage au purgatoire de l'histoire sociale et de la sociologie historique.

Les sources de Schwob sont diverses, qu'il les cite ou qu'il nous laisse les deviner: des poetes de l'antiquite classique, des chroniques moyennageuses, Les mille et une nuits, la Divine comedie de Dante, des contes philosophiques du 18e siècle, des contes pour enfants, des mythes et des legendes, et meme des manuscrits, des temoignages et des depositions qu'il aurait consultes a la Bibliotheque Nationale, aux Archives Nationales, ou dans les registres du Chatelet.


Schwob nous offre donc des vies ameliorees, des vies que ses heros auraient reve pour eux-memes dans leurs fantasmes les plus delirants. Dans ces contes (car ces biographies imaginaires sont pour moi des contes) les protagonistes poursuivent un projet chimerique, vain, eloigne de toute realite, aveugle a la materialite du monde, et qui les projette vers la mort. Tous les contes sont empreints de solitude et de merveilleux, de souffrance et d'etrangete, de vulnerabilite et de fantastique, de doute, de cruaute et d'angoisse, de l'ambiguite de toute existence, et surtout d'une obsessive interrogation sur l'identite humaine. A contrecourant de tout positivisme, de tout scientisme, Schwob insiste sur le mystere de la vie, sur les interrogations qu'exister exige. C'est comme s'il proposait des experimentations sur l'existence, des tests verifiant des possibilites de vie. Et le point d'orgue en est toujours la mort. le livre pourrait s'appeler morts imaginaires (et si j'appuie lourdement sur l'effet: morts exemplaires). Lui-meme, deja gravement malade, voyagea jusqu'a Samoa chercher une tombe (celle de Stevenson) qu'il ne trouva pas. Ce voyage faillit lui couter la vie, ce qui fit dire a Jules Renard: "Avant sa mort il vit ses contes".


Schwob est souvent traite d'auteur mineur, mais son influence est profonde. Chez Borges, Faulkner, Perec, Bolano, Michon, pur n'en citer que quelques grands. "Dans toutes les parties du monde il y a des devots de Marcel Schwob qui se constituent en petites societes secretes", ecrivait Jorge Luis Borges. Et ce sont peut-etre ces societes qui ont travaille secretement a l'occulter aux yeux des autres, pour mieux le garder pour leurs seuls membres.

Le style fastueux de Schwob, son long souffle poetique, sa somptuosite linguistique, servent admirablement son propos. C'est un plaisir de lecture, quoique je conseillerais de ne pas franchir ce petit livre d'une seule traite. L'abus de belles histoires, de beaux textes, risque de nous gaver, de nous faire rejeter une partie. A consommer donc avec moderation. Il me faut dire que j'ai eu la chance d'avoir sous la main la merveilleuse edition de le Livre Contemporain de 1929, avec les illustrations hautes en couleur de George Barbier, gravees sur bois par Pierre Bouchet, qui enrichissent encore plus le texte.

Pas une petite friandise, un regal; ce livre a ete pour moi un regal, pour l'esprit et pour les sens.
4 etoiles.

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Dans sa préface, Marcel Schwob déclare que ce n'est pas la vérité qui compte dans la biographie. La messe est dite. La suite est une ribambelle de personnages factices, à l'ombre de ceux dont l'historicité est attestée, croqués sur quelques pages, par ce mémorialiste de l'affabulation.

Ce qui frappe avant tout, c'est l'érudition. Schwob n'est pas une lecture aisée. le style résolument soutenu, les précisions historiques fouillées, le vocabulaire suranné exigent une lecture plus qu'attentive.

Le piège de ces vies imaginaires sur fond d'histoire avérée, c'est le doute. le doute s'immisce, tel un mirage, dans l'esprit embrumé du lecteur. L'auteur brouille les pistes avec son « mentir-vrai » - pour reprendre le mot d'Aragon - faisant interagir un personnage fictif avec Diogène, Jeanne d'Arc, Pocahontas ou Alexandre le Grand. Commence alors la traque de chacun des détails semés par le narrateur afin d'en séparer le blanc du jaune. Est-ce « seulement » un vaste délire mythomane génial ou bien des détails extrêmement précis et réels, fruits d'une méticuleuse besogne de chercheur, s'entrelacent-ils dans les creux des reliefs de ces vies inventées ?

L'auteur déroule le fil de ces existences, naviguant au gré des civilisations antiques ou de la renaissance italienne, de leurs parfums, leurs oracles, leurs horreurs et leur philosophie, le tout dans une prose poétique.

Ces contes, défis ludiques et accomplissements créatifs pour leur auteur, nous emmènent en balade, flâneuse et alerte, à travers les recoins les plus inattendus de l'Histoire et feront passer un moment agréable aux amoureux des auteurs oubliés.
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Avec le temps la mémoire se meurt mais les écrits reste bien vivants. Des vies disparaissent à jamais d'autres sont immortalisées par les écrivains.
Dans cet ouvrage, des auteurs connus ou anonymes nous racontent des vies réelles ou imaginaires.
A toutes les époques, des écrivains, parmi les plus « grands » se sont essayés à la biographie, certains s'en sont fait une spécialité. Précédés à chaque fois d'une intéressante notice expliquant l'histoire des textes, ces différents écrits montrent, s'il était besoin, le pouvoir de l'écriture. Certains auteurs prenant des « libertés » avec les faits.
C'est un peu la « biographie » dans tous ses « états », sous toutes ses formes, ou les auteurs s'en donnent à coeur joie. Les méthodes varient de la recherche à partir de documents, où l'improbable est éliminé au profit du plausible à l'invention pure et simple. L'on va de l'anecdote à la biographie complète, parfois sur le ton de la « raillerie »ou sur un ton comique. Les amateurs de biographie et de jeux littéraires seront comblés, ils trouveront un intérêt dans la vie d'un personnage ou dans la manière qu'a un écrivain de la raconter.
L'idée de regrouper diverses« biographie » est originale, on peut espérer un deuxième tome, même si celui-ci n'est pas présenté comme le premier d'une éventuelle série.
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Ah, voilà un excellent livre! Qui s'inscrit dans la longue tradition des recueils biographiques.
Dans la préface Marcel Schwob fait une sorte de profession de foi littéraire, il insiste sur l'importance de rendre avec justesse les traits d'un caractère unique, d'une personnalité. Mais plus on avance dans le recueil, plus on se doute qu'il y a bien d'autres choses dans ces petites biographies de quelques pages.
On peut tout de même faire des parallèles, donner deux ou trois grandes lignes directrices. La figure d'Empédocle, par exemple, qui ouvre le recueil, avec sa théorie des éléments, est évoquée plusieurs fois, comme une sorte de génie tutélaire.
Dans l'ensemble, ce sont surtout des personnages historiques qui sont mis en scène, pas les plus illustres ou les plus éminents, mais dont on trouve quand même des notices biographiques sur Wikipédia (en beaucoup plus ennuyeuses et moins colorées que celles de Schwob). L'auteur a choisi des Vies un peu obscures, secondaires : Cratès plutôt que Diogène, Publius Clodius Pulcher plutôt que Cicéron, Cecco Angiolieri plutôt que Dante, Gabriel Spenser plutôt que Ben Johnson. On trouve aussi deux ou trois illustres inconnues, les vies minuscules de prostituées. Et une ou deux histoires extraordinaires ou légendaires. Toutes sont édifiantes puisqu'elles se finissent invariablement par la mort des acteurs principaux, qu'ils soient pauvres, cupides, orgueilleux ou niais.
Plus on avance dans le temps, plus on se rapproche de la fin, plus on se rend compte que toutes ces vies sont de plus en plus imprégnées par l'infamie. de la décadence romaine aux tueurs en série modernes, en passant par les pirates, c'est sanglant, cruel et immoral. Et je pense surtout à la fantastique histoire de Cyril Tourneur, fils de dieu, athée et tueur de roi, un petit bijou de noirceur, magnifique du premier au dernier mot. Mais ça peut-être aussi très drôle, comme l'inénarrable et truculent pirate analphabète Walter Kennedy.
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Dans sa préface, l'auteur traite de différents biographes et montre combien peu sont ceux qui s'intéressent aux détails de la vie des hommes dont ils racontent la vie – qui est alors faite d'un ensemble, d'une succession d'événements. Pourtant, ce sont ces détails qui particularisent un homme, le rendent unique, vivant dans l'histoire des êtres génériques et interchangeables. C'est le rôle du littérateur de compléter, de remplir ces biographies d'éléments particularisant, quitte à les inventer.
Marcel Schwob rejoint dans sa préface la critique qui sera adressée à l'histoire classique – une succession d'événements. L'histoire s'est depuis intéressée à la vie commune et courantes – les modes de vie des grands, des pauvres… Marcel Schwob propose de réaliser ce travail dans la fiction pour compléter par la suggestion ces vies de légendes, pour en faire devenir des personnages vivants et uniques.
Ces vies imaginaires semblent être volontairement courtes, faites uniquement de ces petits détails cruciaux qui font l'unicité du personnage. En jouant sur les détails historiques et légendaires, Schwob construit un filet de références littéraires et historiques, il intègre les personnages parmi l'imaginaire collectif C'est ce jeu littéraire qui inspirera si fort Les Fictions de Jorge Luis Borges.
Au delà du jeu littéraire sur le travail littéraire, ces biographies fictives présentent un caractère développé jusqu'à son terme, donc exemplaire comme un mythe, se présentant alors comme un support de réflexion sur un sujet. Par exemple, très brièvement : jusqu'où aller pour s'approprier le savoir ou l'amour (Erostrate, Septima), ou l'art (Paolo Uccello), jusqu'où l'application de préceptes philosophiques ou religieux (Cratès, Frate Dolcino), peut-on se détourner du désir physique (Lucrèce, Clodia), peut-on faire partie de deux mondes (Pétrone)…
Sommaire :
A partir de quelques indices de vie en grande partie inconnue, Marcel Schwob complète à l'imagination la vie de ces nombreux personnages divers.
-Empédocle, Dieu supposé : doté de pouvoirs divins qui guérissent et sauvent, il marche au milieu des hommes comme un dieu.
-Erostrate, incendiaire : se destinant à être prêtre d'Artemis et célèbre, il viola le temple d'Artemis à Ephèse pour lire les vers secrets d'Héraclite.
-Cratès, Cynique : qui se dépouilla de ses richesses pour vivre nu dans les ordures, et y eut même un disciple et une femme.
-Septima, incantatrice : esclave qui va pour se faire aimer d'un homme libre, jusqu'à invoquer sa jeune soeur morte.
-Lucrèce, poète : qui ne pouvant accomplir l'amour avec sa femme africaine, se plongea dans les écrits d'Epicure.
-Clodia, matrone impudique : qui ne put oublier ni avec son mari, ni avec Cicéron, son amour incestueux pour son frère l'effronté Clodius.
-Pétrone, romancier : qui fréquentait le bas peuple tout en étant cultivé.
-Sufrah, géomancien : sorcier qui échoua à prendre la lampe d'Aladdin, et qui tenta ensuite de s'approprier le grand sceau du roi Salomon.
-Frate Dolcino, hérétique : qui professe une nouvelle foi encore plus modeste, refusant le travail et prônant le retour à l'innocence de l'enfant.
-Cecco Angliolieri, poète haineux : laid et pauvre car il s'opposait à son père, il vécut dans l'ombre, en double négatif de Dante.
-Paolo Uccello, peintre : observateur des oiseaux, il se détache de la réalité pour la recherche de la pureté des lignes
-Nicolas Loyseleur, juge : moine dévot à la Vierge qui se charge de faire condamner Jeanne d'Arc.
-Catherine la Dentellière, fille amoureuse : orpheline ayant appris le métier de la dentelle, prend goût aux richesses faciles d'un sergent louche.
-Alain le Gentil, soldat : recruté à 12 ans quand une armée prit sa ville, et brigand tonsuré.
-Gabriel Spenser, acteur : né dans un bordel bien fréquenté par des acteurs, devint acteur travesti car il était beau et délicat.
-Pocahantas, princesse indienne qui sauve la vie d'un capitaine avant d'être enlevée par un autre.
-Cyril Tourneur, poète tragique, auteur de la Tragédie de l'athée, né d'une prostituée et d'un dieu inconnu, un jour de peste, détestant par orgueil les rois et les dieux.
-William Phips, pêcheur de trésor : qui fait fortune en repêchant le trésor d'un galion espagnol coulé près d'une île de pirates.
-Le capitaine Kid, pirate : hanté par le fantôme d'un camarade qu'il a assommé lorsque celui-ci lui a fait remarqué qu'il enfreignait ses propres règles de piraterie.
-Walter Kennedy, pirate illettré : qui par son intégrité condamne le traître et fait confiance à un homme de Dieu.
-Le Major Stede Bonnet, pirate par humeur : noble vantant la camaraderie des pirates.
-MM Burke et Hare, assassins : qui invitent un passant, lui font raconter quelque histoire, le coupe en cours et revende son corps au docteur Knox.
-Morphiel, démiurge : chargé de créer des cheveux, il tombe amoureux de son oeuvre.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
« - Ne t'ai-je pas commandé, dit Xantus, d'acheter ce qu'il y aurait de meilleur ?
-Et qu'y a-t-il de meilleur que la langue ? Reprit Esope. C'est le lien de la vie civile, la clef des sciences, l'organe de la vérité et de la raison : par elle on bâtit les villes et on les police ; on instruit, on persuade, on règne dans les assemblées ; on s'acquitte du premier de tous les devoirs, qui est de louer les Dieux.
-Eh bien ! Dit Xantus qui prétendait l'attraper, achète-moi demain ce qui est de pire : ces mêmes personnes viendront chez moi ; et je veux diversifier . »
Le lendemain Esope ne fit encore servir que le même mets, disant que la langue est la pire chose qui soit au monde.
- » C'est la mère de tous débats, la nourrice des procès, la source des divisions et des guerres. Si on dit qu'elle est l'organe de la vérité, c'est aussi celui de l'erreur, et qui pis est, de la calomnie. Par elle on détruit les villes, on persuade de méchantes choses. Si d'un côté elle loue les Dieux, de l'autre elle profère des blasphèmes contre leur puissance. »

( la vie d'Esope le Phrygien )
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"Mais elle pleurera, elle, à ton silence; passée aux bras d'un autre, elle te regrettera toute sa vie, et tu auras corrompu sa destinée. Oui, elle pleurera, durant huit jours, d'un regret mêlé de dépit; elle rougira et pâlira tour à tour à mon nom; elle soupirera même, sans le vouloir, à la première nouvelle de ma mort. Mais, dès la seconde pensée, elle se félicitera d'en avoir épousé un qui vit; chaque enfant de plus l'attachera à sa condition nouvelle; elle y sera heureuse, si elle doit l'être; et, arrivé un jour au terme de l'âge, à propos d'une scène d'enfance racontée un soir à la veillée, elle se souviendra de moi par hasard, comme de quelqu'un qui s'y trouvait présent et qu'elle aura autrefois connu."

( Vie de Joseph Delorme )
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Il savait que les pleurs viennent d’un mouvement particulier des petites glandes qui sont sous les paupières, et qui sont agitées par une procession d’atomes sortie du cœur, lorsque le cœur lui-même a été frappé par la succession d’images colorées qui se détachent de la surface du corps d’une femme aimée. Il savait que l’amour n’est causé que par le gonflement des atomes qui désirent se joindre à d’autres atomes. Il savait que la tristesse causée par la mort n’est que la pire des illusions terrestres, puisque la morte avait cessé d’être malheureuse et de souffrir, tandis que celui qui la pleurait s’affligeait de ses propres maux et songeait ténébreusement à sa propre mort. Il savait qu’il ne reste de nous aucun double simulacre pour verser des larmes sur son propre cadavre étendu à ses pieds. Mais, connaissant exactement la tristesse et l’amour et la mort, et que ce sont de vaines images lorsqu’on les contemple de l’espace calme où il faut s’enfermer, il continua de pleurer, et de désirer l’amour, et de craindre la mort.
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Clodia.

Matrone Impudique.

Elle était fille d’Appius Claudius Pulcher, consul. À peine eut-
elle quelques années, elle se distingua de ses frères et de ses
soeurs par l’éclat flagrant de ses yeux. Tertia, son aînée, se
maria de bonne heure; la plus jeune céda entièrement à tous ses
caprices. Ses frères, Appius et Caïus, étaient déjà avares des
grenouilles en cuir et des chariots de noix qu’on leur faisait;
plus tard, ils furent avides de sesterces. Mais Clodius, beau et
féminin, fut compagnon de ses soeurs. Clodia leur persuadait avec
des regards ardents, de l’habiller avec une tunique à manche, de
le coiffer d’un petit bonnet en fils d’or, et de le lier sous les
seins avec une ceinture souple; puis elles le couvraient d’un
voile couleur de feu et le menaient dans les petites chambres où
il se mettait au lit avec elles trois. Clodia fut sa préférée,
mais il prit aussi la virginité de Tertia et de la cadette.
Quand Clodia eut dix-huit ans, son père mourut. Elle demeura dans
la maison du mont Palatin. Appius, son frère, gouvernait le
domaine, et Caïus se préparait à la vie publique.
Clodius, toujours délicat et imberbe, couchait entre ses soeurs,
qu’on nommait Clodia toutes deux. Elles commencèrent à aller
secrètement aux bains avec lui. Elles donnaient un quart d’as aux
grands esclaves qui les massaient, puis se le faisaient rendre.
Clodius était traité comme ses soeurs, en leur présence.
Tels furent leurs plaisirs avant le mariage.
La plus jeune épousa Lucullus, qui l’emmena en Asie, où il
faisait la guerre à Mithridate. Clodia prit pour mari son cousin
Metellus, honnête homme épais. Dans ces temps d’émeute, il eut un
esprit conservateur et borné. Clodia ne pouvait supporter sa
brutalité rustique. Elle rêvait déjà pour son cher Clodius des
choses nouvelles. César commençait à s’emparer des esprits; Clodia
jugea qu’il fallait le défaire. Elle se fit amener Cicéron par
Pomponius Atticus. Sa société était ricaneuse et galante.
Auprès d’elle on trouvait Licinius Calvus, le jeune Curion,
surnommé la «fillette», Sextius Clodius qui faisait ses courses,
Egnatius et sa bande, Catullus de Vérone et Caelius Rufus, qui
était amoureux d’elle. Metellus, pesamment assis, ne disait mot.
On racontait les scandales sur César et Mamurra.
Puis Metellus, nommé proconsul, partit pour la Gaule cisalpine.
Clodia resta seule à Rome avec sa belle-soeur Mucia.
Cicéron fut entièrement charmé par ses grands yeux flambants.
Il songea qu’il pouvait répudier Terentia, sa femme, et supposa
que Clodia quitterait Metellus. Mais Terentia découvrit tout et
terrifia son mari. Cicéron, peureux, renonça à ses désirs.
Terentia voulut davantage, et Cicéron dut rompre avec Clodius.
Le frère de Clodia s’occupait cependant. Il faisait l’amour à
Pompéia, femme de César. La nuit de la fête de la Bonne Déesse, il
ne devait y avoir que des femmes dans la maison de César, qui
était préteur. Pompéia offrait seule le sacrifice.

Clodius s’habilla, ainsi que sa soeur avait eu coutume de le
déguiser, en joueuse de cithare, et entra chez Pompéia. Une
esclave le reconnut. La mère de Pompéia donna l’alarme et le
scandale fut public. Clodius voulut se défendre et jura qu’il
était, pendant ce temps, dans la maison de Cicéron. Terentia
obligea son mari à nier: Cicéron porta témoignage contre Clodius.
Dès lors Clodius fut perdu dans le parti noble. Sa soeur venait de
passer la trentaine. Elle était plus ardente que jamais. Elle eut
l’idée de faire adopter Clodius par un plébéien, afin qu’il pût
devenir tribun du peuple. Metellus, qui était revenu, devina ses
projets et se moqua d’elle. Dans ce temps, où elle n’avait plus
Clodius entre ses bras, elle se laissa aimer par Catullus. Le mari
Metellus leur semblait odieux. Sa femme résolut de s’en
débarrasser. Un jour qu’il revenait du Sénat, lassé, elle lui
présenta à boire. Metellus tomba mort dans l’atrium.
Désormais Clodia était libre. Elle quitta la maison de son mari
et rentra vite se cloîtrer avec Clodius sur le mont Palatin. Sa
soeur s’enfuit de chez Lucullus et revint avec eux. Ils reprirent
leur vie à trois et exercèrent leur haine.
D’abord Clodius, devenu plébéien, fut désigné comme tribun du
peuple. Malgré sa grâce féminine, il avait la voix forte et
mordante. Il obtint que Cicéron fût exilé; fit raser sa maison
devant ses propres yeux, et jura la ruine et la mort à tous ses
amis. César était proconsul en Gaule et ne pouvait rien.
Pourtant Cicéron gagna des influences par Pompée, et se fit
rappeler l’année suivante. La fureur du jeune tribun fut extrême.
Il s’attaqua violemment à Milon, ami de Cicéron, qui commençait à
briguer le consulat. Aposté de nuit, il tenta de le tuer,
renversant ses esclaves qui portaient des torches. La faveur
populaire de Clodius diminuait. On chantait des refrains obscènes
sur Clodius et Clodia. Cicéron les dénonça dans un discours
violent: Clodia y était traitée de Médée et de Clytemnestre. La
rage du frère et de la soeur finit par éclater.
Clodius voulut incendier la maison de Milon, et des esclaves
gardiens l’assommèrent dans les ténèbres.
Alors Clodia fut désespérée. Elle avait pris et rejeté Catullus,
puis Caelius Rufus, puis Egnatius, dont les amis l’avaient menée
dans les basses tavernes: mais elle n’aimait que son frère
Clodius. C’est pour lui qu’elle avait empoisonné son mari. C’est
pour lui qu’elle avait attiré et séduit des bandes d’incendiaires.
Quand il fut mort, l’objet de sa vie lui manqua.
Elle était encore belle et chaude. Elle avait une maison de
campagne sur la route d’Ostie, des jardins près du Tibre et à
Baïes. Elle s’y réfugia. Elle essaya de s’y distraire en y dansant
lascivement avec des femmes. Ce ne fut pas suffisant. Son esprit
était occupé par les stupres de Clodius, qu’elle voyait toujours
imberbe et féminin. Elle se souvenait qu’il avait été pris jadis
par des pirates de Cilicie, qui avaient usé de son tendre corps.
Une certaine taverne lui revenait aussi à la mémoire, où elle
était allée avec lui. Le fronton de la porte en était tout
barbouillé de charbons, et les hommes qui y buvaient répandaient
une odeur forte, et avaient la poitrine velue.
Rome l’attira donc de nouveau. Elle erra aux premières veilles
dans les carrefours et les passages étroits. L’insolence éclatante
de ses yeux était toujours semblable. Rien ne pouvait l’éteindre,
et elle essaya tout, même de recevoir la pluie, et de coucher dans
la boue. Elle alla des bains aux cellules de pierre; les caves où
les esclaves jouaient aux dés, les salles basses où s’enivraient
les cuisiniers et les voituriers lui furent connues.
Elle attendit des passants parmi les rues dallées. Elle périt
vers le matin d’une nuit étouffante par un étrange retour d’une
habitude qui avait été la sienne. Un ouvrier foulon l’avait payée
d’un quart d’as; il la guetta au crépuscule de l’aube dans
l’allée, pour le lui reprendre, et l’étrangla. Puis il jeta son
cadavre, les yeux grands ouverts, dans l’eau jaune du Tibre.
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Lucrèce.

Poète.

Lucrèce apparut dans une grande famille qui s’était retirée loin
de la vie civile. Ses premiers jours reçurent l’ombre du porche
noir d’une haute maison dressée dans la montagne.
L’atrium était sévère et les esclaves muets. Il fut entouré, dès
l’enfance, par le mépris de la politique et des hommes. Le noble
Memmius, qui avait son âge, subit, dans la forêt, les jeux que
Lucrèce lui imposa. Ensemble, ils s’étonnèrent devant les rides
des vieux arbres et épièrent le tremblement des feuilles sous le
soleil, comme un voile viride de lumière jonché de taches d’or.
Ils considérèrent souvent les dos rayés des pourceaux sauvages qui
humaient le sol. Ils traversèrent des fusées frémissantes
d’abeilles et des bandes mobiles de fourmis en marche. Et un jour
ils parvinrent, en débouchant d’un taillis, à une clairière tout
entourée d’anciens chêneslièges, si étroitement assis, que leur
cercle creusait dans le ciel un puits de bleu. Le repos de cet
asile était infini. Il semblait qu’on fût dans une large route
claire qui allait vers le haut de l’air divin. Lucrèce y fut
touché par la bénédiction des espaces calmes.

Avec Memmius il quitta le temple serein de la forêt pour étudier
l’éloquence à Rome. L’ancien gentilhomme qui gouvernait la haute
maison lui donna un professeur grec et lui enjoignit de ne revenir
que lorsqu’il posséderait l’art de mépriser les actions humaines.
Lucrèce ne le revit plus. Il mourut solitaire, exécrant le tumulte
de la société. Quand Lucrèce revint, il ramenait dans la haute
maison vide, vers l’atrium sévère et parmi les esclaves muets, une
femme africaine, belle, barbare et méchante. Memmius était
retourné dans la maison de ses pères. Lucrèce avait vu les
factions sanglantes, les guerres de partis et la corruption
politique. Il était amoureux.
Et d’abord sa vie fut enchantée. Contre les tentures des
murailles, la femme africaine appuyait les masses contournées de
sa chevelure. Tout son corps épousait longuement les lits de
repos. Elle entourait les cratères pleins de vin écumeux de ses
bras chargés d’émeraudes translucides. Elle avait une façon
étrange de lever un doigt et de secouer le front. Ses sourires
avaient une source profonde et ténébreuse comme les fleuves
d’Afrique. Au lieu de filer la laine, elle la déchiquetait
patiemment en petits flocons qui volaient autour d’elle.
Lucrèce souhaitait ardemment se fondre à ce beau corps. Il
étreignait ses seins métalliques et attachait sa bouche sur ses
lèvres d’un violet sombre. Les paroles d’amour passèrent de l’un à
l’autre, furent soupirées, les firent rire et s’usèrent. Ils
touchèrent le voile flexible et opaque qui sépare les amants.
Leur volupté eut plus de fureur et désira changer de personne.
Elle arriva jusqu’à l’extrémité aiguë où elle s’épand autour de
la chair, sans pénétrer jusqu’aux entrailles. L’Africaine se
recroquevilla dans son coeur étranger. Lucrèce se désespéra de ne
pouvoir accomplir l’amour. La femme devint hautaine, morne et
silencieuse, pareille à l’atrium et aux esclaves.
Lucrèce erra dans la salle des livres.
Ce fut là qu’il déplia le rouleau où un scribe avait copié le
traité d’Epicure.

Aussitôt il comprit la variété des choses de ce monde, et
l’inutilité de s’efforcer vers les idées. L’univers lui parut
semblable aux petits flocons de laine que les doigts de
l’Africaine éparpillaient dans les salles. Les grappes d’abeilles
et les colonnes de fourmis et le tissu mouvant des feuilles lui
furent des groupements de groupements d’atomes. Et dans tout son
corps il sentit un peuple invisible et discord, avide de se
séparer. Et les regards lui semblèrent des rayons plus subtilement
charnus, et l’image de la belle barbare, une mosaïque agréable et
colorée, et il éprouva que la fin du mouvement de cette infinité
était triste et vaine. Ainsi que les factions ensanglantées de
Rome, avec leurs troupes de clients armés et insulteurs il
contempla le tourbillonnement de troupeaux d’atomes teints du même
sang et qui se disputent uns obscure suprématie. Et il vit que la
dissolution de la mort n’était que l’affranchissement de cette
tourbe turbulente qui se rue vers mille autres mouvements
inutiles.
Or, quand Lucrèce eut été instruit ainsi par le rouleau de
papyrus, où les mots grecs comme les atomes du monde étaient
tissés les uns dans les autres, il sortit dans la forêt par le
porche noir de la haute maison des ancêtres. Et il aperçut le dos
des pourceaux rayés qui avaient toujours le nez dirigé vers la
terre.
Puis, traversant le taillis, il se trouva soudain au milieu du
temple serein de la forêt, et ses yeux plongèrent dans le puits
bleu du ciel. Ce fut là qu’il plaça son repos.
De là il contempla l’immensité fourmillante de l’univers; toutes
les pierres, toutes les plantes, tous les arbres, tous les
animaux, tous les hommes, avec leurs couleurs, avec leurs
passions, avec leurs instruments, et l’histoire de ces choses
diverses, et leur naissance, et leurs maladies, et leur mort. Et
parmi la mort totale et nécessaire, il perçut clairement la mort
unique de l’Africaine, et pleura.
Il savait que les pleurs viennent d’un mouvement particulier des
petites glandes qui sont sous les paupières, et qui sont agitées
par une procession d’atomes sortie du coeur, lorsque le coeur lui-
même a été frappé par la succession d’images colorées qui se
détachent de la surface du corps d’une femme aimée. Il savait que
l’amour n’est causé que par le gonflement des atomes qui désirent
se joindre à d’autres atomes. Il savait que la tristesse causée
par la mort n’est que la pire des illusions terrestres, puisque la
morte avait cessé d’être malheureuse et de souffrir, tandis que
celui qui la pleurait s’affligeait de ses propres maux et songeait
ténébreusement à sa propre mort. Il savait qu’il ne reste de nous
aucun double simulacre pour verser des larmes sur son propre
cadavre étendu à ses pieds.
Mais, connaissant exactement la tristesse et l’amour et la mort,
et que ce sont de vaines images lorsqu’on les contemple de
l’espace calme où il faut s’enfermer, il continua de pleurer, et
de désirer l’amour, et de craindre la mort.
Voilà pourquoi, étant rentré dans la haute et sombre maison des
ancêtres, il s’approcha de la belle Africaine, qui faisait cuire
un breuvage sur un brasier dans un pot de métal. Car elle avait
songé à part, elle aussi, et ses pensées étaient remontées à la
source mystérieuse de son sourire. Lucrèce considéra le breuvage
encore bouillonnant. Il s’éclaircit peu à peu et devint pareil à
un ciel trouble et vert. Et la belle Africaine secoua le front et
leva un doigt. Alors Lucrèce but le philtre. Et tout aussitôt sa
raison disparut, et il oublia tous les mots grecs du rouleau de
papyrus. Et pour la première fois, étant fou, il connut l’amour;
et dans la nuit, ayant été empoisonné, il connut la mort.
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« Je serai poète, écrivain, dramaturge. D'une façon ou d'une autre, je serai célèbre, quitte à avoir mauvaise réputation. » Oscar Wilde (1854-1900) était un homme de parole : il fut poète, écrivain et dramaturge, il eut une mauvaise réputation et il est célèbre. […] le jeune Wilde, élève brillant, entre au Trinity College de Dublin avec une bourse […] et suit des études classiques : histoire ancienne, philosophie et littérature. Il commence à voyager et découvre l'Italie et la Grèce. […] Il s'installe à Londres et fréquente les milieux élégants intellectuels. […] Il se fabrique une image d'esthète : […] ses tenues vestimentaires de dandy font fureur… Oscar Wilde est à la mode. […] il fait une tournée de conférences sur « l'esthétisme » aux États-Unis, avant de séjourner à Paris où il rencontre Hugo (1802-1885), Daudet (1840-1897), Zola (1840-1902), Edmond de Goncourt (1822-1896) (qui le décrit comme « un individu de sexe douteux »), Verlaine (1844-1896), et les peintres Pissarro (1830-1903), Degas (1834-1917) et Jacques-Émile Blanche (1861-1942). […] […] Un second voyage à Paris lui permet de rencontrer Mallarmé (1842-1898), Pierre Louÿs (1870-1925), Marcel Schwob (1867-1905) et André Gide (1869-1951). Juillet 1891 marque le début d'une liaison qui ne se terminera qu'à la mort De Wilde : Alfred Bruce Douglas (1870-1945), « Bosie », vient d'entrer dans sa vie. […] Accusé de sodomie, Wilde […] est arrêté et jugé, […] déclaré coupable d' « actes indécents » et condamné à la peine maximale : deux ans de travaux forcés. […] Wilde séjourne dans plusieurs prisons […]. Au bout de quelques mois, son état de santé lui vaut d'être dispensé de travaux forcés proprement dits. Ne pouvant payer les frais de justice du procès […], il est condamné pour banqueroute et ses biens sont vendus aux enchères. […] En 1900, un abcès dentaire dégénère en méningite et Oscar Wilde meurt le 30 novembre après avoir reçu, à sa demande, l'absolution d'un prêtre catholique. le convoi funèbre est composé de quelques artistes anglais et français, dont Pierre Louÿs ; Wilde est enterré au cimetière de Bagneux. Ses restes seront transférés au Père-Lachaise en 1909. » (Dominique Jean dans Oscar Wilde, Maximes et autres textes, Éditions Gallimard, 2017)
« […] Les aphorismes traduits ici ont été publiés en 1904, quatre ans après la mort de leur auteur, par Arthur L. Humphreys, qui s'appuyait sur un recueil « analogue » qu'il avait lui-même publié en 1895 sous le titre Oscariana : Epigrams. […] le recueil de 1904 s'intitulait simplement Sebastian Melmoth, Oscar Wilde n'étant mentionné qu'entre crochets. […] Cet ensemble donne un aperçu de la pensée et de l'esprit De Wilde, et si les aphorismes sont parfois contradictoire, ils n'en sont pas moins - précisément - le reflet exact de sa personnalité. Wilde, en public, offrait un tel feu d'artifice de mots d'esprit et de paradoxes que le poète Yeats (1865-1939) a dit qu'il donnait l'impression de les avoir préparés à l'avance […]. » (Bernard Hoepffner)
0:00 - 1er aphorisme 0:17 - 2e aphorisme 0:40 - 3e aphorisme 0:54 - 4e aphorisme 1:19 - 5e aphorisme 1:28 - 6e aphorisme 1:55 - 7e aphorisme 2:20 - 8e aphorisme 2:44 - 9e aphorisme 2:55 - 10e aphorisme 3:51 - 11e aphorisme 4:12 - 12e aphorisme 4:26 - 13e aphorisme 4:40 - 14e aphorisme 5:07 - Générique
Références bibliographiques : Oscar Wilde, Aphorismes, traduits par Bernard Hoepffner, Éditions Mille et une nuits, 1995
Oscar Wilde, Pensées, mots d'esprit, paradoxes, traduits par Alain Blanc, Éditions V
+ Lire la suite
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