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Critique de BazaR


Par Saint Georges ! Ainsi voilà le fameux récit chanté à la face de la Terre par le fameux ménestrel Walter Scott. Par ma foi, il m'a été donné de lire une bien belle prose en ce jour d'hui, assez belle pour suggérer cette fantaisie au style de ma plume.

Le barde a dessiné une Angleterre qui, tout en suivant les routes principales de la réalité, s'en écarte néanmoins pour s'égarer par les chemins de traverse du rêve.
Le temps est celui de Richard 1er que l'on surnommait « Coeur de Lion », et bien que cent années soient devenues poussière depuis la conquête de l'île par les Normands, les Saxons continuent à les nommer « envahisseurs », ou plus grave « Français », et à espérer qu'un valeureux descendant des Sept Royaumes les rejettera à la mer. Ces Saxons ont l'âme conservatrice, eux qui ont gardé les noms que leurs ancêtres se donnaient quand ils affrontaient Charlemagne : Athelstane, Wilfried, Rowenna, eux qui ont oublié qu'en leur temps ils étaient aussi des envahisseurs en Angleterre.

Dans ce chant, ces Saxons sont preux, qu'ils soient nobles ou serviles. Les Normands sont marqués du sceau de l'infamie : nobles méprisants, vils, brutaux ou sournois, à l'instar du prince Jean qui se veut leur chef et compte bien supplanter définitivement son frère Richard disparu lors de son retour de la croisade. Richard, néanmoins, échappe à ce jugement félon. Il est Normand, mais il est le roi, un roi à l'âme de chevalier errant, aimant la mêlée, la bière et le chant avec de braves compagnons. Un roi qui n'est pas un roi en somme, qui peut être accepté par les Saxons.

En dessous de ces deux races se tient une troisième, méprisée et haï par les deux autres et cependant indispensables à leur économie : ce sont les Juifs. Quel sort est le leur ici, alors que le serf Saxon le plus débile refuse de partager une chambre avec le plus prospère d'entre eux. Ils sont obligés de plier le genou, d'arrondir le dos, d'employer une voix humble et mielleuse et d'écouter les sempiternelles insultes des Normands aussi bien que des Saxons guère moins arrogants à leur égard.

Walter Scott a écrit là un roman, certes, et cependant il ne peut échapper qu'il s'agit aussi d'une volumineuse pièce théâtrale prenant appui sur la tragédie aussi bien que sur la comédie. La prose de Shakespeare irrigue le récit comme un système sanguin ; les héros de l'histoire portent leurs sentiments au-delà du raisonnable et déclament des tirades insensées à la face du monde. Certaines mises en scène ne sauraient que rappeler le théâtre antique ou classique, telle la description de la bataille du château de Torquilstone que la superbe juive Rébecca fait pour les oreilles d'un ivanhoé blessé incapable de se déplacer. Pour aimer ce long conte, il faut aimer le théâtre, il faut aimer les personnages surjoués. Et par ma barbe, j'aime cela.

ivanhoé, ivanhoé. Nonobstant les qualités déployées au plus haut degré par cet idéal chevaleresque, il m'apparaît que nommer ce chant du nom de ce personnage sonne comme une duperie. Car il s'agit ici d'un roman dit « choral », où nombreux sont les personnages qui marquent l'esprit bien plus que le valeureux paladin. Faut-il tous les nommer ? Point ! J'évoque les incontournables : Cédric, père d'ivanhoé, Saxon presque fanatique quoique noble, implacable dans les arrêts de sa conscience et si peu disposé à accorder son pardon. Wamba le fou, au verbe impertinent et drôle, fils spirituel du fou du Roi Lear et père spirituel du fou de l'Assassin Royal. Athelstane, ultime descendant des rois Saxons, espoir de Cédric de rétablir la dynastie mais plus intéressé par l'heure du souper, un Averell Dalton en somme. Et Isaac le Juif, partagé et parfois écartelé entre l'amour de l'or et l'amour pour sa fille. Et bien d'autres encore qui épicent vigoureusement ce récit.

Ce roman plaira à ceux qui aiment la chevalerie et ne sont pas rebutés par le style 19ème siècle. Il est long, de temps en temps ennuyeux, mais le plus souvent plaisant, irrigué d'humour, d'épiques batailles et de chanson. Gageons que je n'en ai pas fini avec Walter Scott.

Que cet humble avis vous ait plu ou non, je ne saurai trop vous conseiller d'aller consulter celui de la Dame du Vent. Lady TheWind m'a accompagné tout le long de ce voyage en ce Moyen-Age fantasmé. Et elle a souvent dû m'attendre sur la route alors que je paraissais ne plus avancer. Je lui présente ici mes plus sincères hommages.
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