Peut-être que les morts servent à ça, après tout, à donner aux vivants l'envie de vivre, car nous sommes mortels, un jour, tout s'arrête.
Les mots sont impuissants à exprimer nos sentiments.
Elle parait si fragile, si perdue, sa présence si incongrue dans ce vieil avion de l'armée, parmi les soldats improvisés que nous sommes: une jolie fleur au milieu d'un champ de ronces, une lumière dans l'obscurité.
Je m’empare de ses lèvres, repousse Julia contre le mur pour peser de tout mon poids sur elle. Je la veux. Mon corps appelle le sien, je ne peux plus rien contrôler, et cette fois-ci, elle ne me fuit pas. Au contraire, elle répond à mes baisers et s’enflamme, après avoir lâché sa canette de bière. Elle enroule ses bras autour de mon cou, se presse contre moi, et je crois toucher le ciel. Sa langue touche la mienne, timidement, puis plus ardemment, foutant le feu à ma bite.
Oui, je la veux. Bordel ! Je la veux chez moi, où il n’y aura que nous, où nous serons seuls au monde, pour lui prouver que je ne veux qu’elle et que je saurai la rendre heureuse.
Nous et le ciel bleu.
Nous et le silence.
Nos âmes à vif.
Je veux qu’elle soit à moi et rien qu’à moi, maintenant, tout de suite, j’ai trop attendu. J’ai failli la perdre. Je n’ai fait qu’entrevoir l’abîme qui s’ouvrait sous mes pieds, et j’en ai été anéanti. Il m’a fallu du temps pour le comprendre et l’admettre, pour accepter ses réactions. Maintenant, je sais. Je sais que je serai patient, il le faut. J’ai compris aussi qu’elle ne me repousse pas, moi, mais son passé qui la hante encore.
Je me frotte contre elle, j’appuie mon bassin contre le sien, mais elle finit par me repousser doucement en mettant ses mains sur ma poitrine. Mes espoirs s’effondrent.
Je me disais bien aussi, c’était trop beau pour durer…
Prologue :
Stan
«… Il lui met des baffes, mais mon meilleur ami n’a aucune réaction.
– Il est brûlant, s’alarme le prés’ en touchant son visage. Retournons à l’avion. Le doc s’occupera de lui.
Il saisit Trav à bras-le-corps, et nous nous apprêtons à rebrousser chemin, lorsque du bruit se fait entendre derrière nous. Je me retourne, prêt à faire feu. Une fille, pieds nus, en chemise de nuit, de longs cheveux noirs virevoltant autour d’elle, accourt dans notre direction.
– Attendez, supplie-t-elle, avec un fort accent mexicain. Votre ami a promis de m’emmener.
Sans que je ne puisse rien faire pour l’en empêcher, elle s’agrippe à mes épaules.
– Emmenez-moi avec vous, s’il vous plaît, dit-elle, en larmes. S’il découvre que j’ai aidé l’Américain à s’enfuir, il me tuera.
Je baisse les yeux et je me perds dans la contemplation de sa poitrine à peine dissimulée par sa chemise. Je tente de la repousser, mais elle s’accroche désespérément…»