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Critique de kielosa



Ce petit livre d'Anna Seghers de 1948 compte autant de pages que les années de sa vie : 83. Il s'agit, en fait, d'une nouvelle car "L' Excursion des jeunes filles qui ne sont plus" ne fait que 51 pages en tout. L'histoire de l'auteure étant suivie d'une fort intéressante postface de Jean Tailleur et d'une bibliographie exhaustive de l'oeuvre d'Anna Seghers.

Le récit de l'auteure, bien qu'un épisode "d'une vie irrémédiablement perdue" , commence par une pointe d'humour. La toute première phrase : "Non, de beaucoup plus loin. D'Europe" en réponse à une question du patron de la "pulqueria", débit de boissons, qui lui avait sûrement demandé d'où venait au juste cette "gringa" (étrangère) dans son patelin mexicain. Une variété moderne de "Comment peut-on être Persan ?" de Montesquieu.

L'aubergiste ignorait bien entendu que l'écrivaine de 43 ans se trouvait là-bas à cause d'un certain Adolf Hitler. En 1933, Anna Seghers est arrêtée par la Gestapo et dès son relâchement elle fuit l'Allemagne, où ses livres sont brûlés et où elle "bénéficie" d'une interdiction de publication. de la Suisse, son odyssée l'amène à Paris, puis en passant par la Martinique et Vera Cruz au Mexique, en 1941. Six ans plus tard, elle est de retour en Allemagne et s'installe d'abord à Berlin-Ouest, et, comme communiste, en 1950 à Berlin-Est, où elle est nommée présidente de l'union des écrivains.
Deux ans avant sa mort, en 1981, elle est faite citoyenne d'honneur de la ville de Mayence, où elle était née comme Netty Reiling, l'unique fille d'un marchand d'art juif orthodoxe, en 1900. Avec le sociologue hongrois, László Radványi, qu'elle épousa en 1925, elle a eu 2 enfants : Peter, né en 1926 et Ruth en 1928.

C'est dommage qu'Anna Seghers n'ait pas obtenu, comme candidate allemande, le Prix Nobel Littérature en 1967 - qui est allé à Miguel Angel Asturias du Guatemala - car ses oeuvres "La septième croix" et "Transit", écrits entre 1938 et 1943, sont de véritables chefs-d'oeuvre dignes d'une Nobel. Si vous n'avez jamais rien lu d'elle, ce sont les ouvrages que je recommanderais pour commencer. En janvier dernier, j'ai publié un billet de son roman "La Capitation" qui n'est pas mal, mais qui n'arrive pas au même niveau.

En juin 1943, l'auteure est renversée par une voiture à Mexico City et resta, à la suite d'un grave traumatisme crânien, un mois dans le coma. C'est pendant sa longue convalescence, fin 1943-début 1944, qu'elle a écrit la présente nouvelle, qui selon Jean Tailleur, "n'est rien de moins qu'un requiem". le psychologue et auteur Claude Prévost, emploie la formule de "réalisme halluciné" pour caractériser cette oeuvre.

En proie à de sérieux maux de tête, Anna Seghers revit en mémoire une excursion avec sa classe le long du Rhin, près de sa ville natale de Mayence, lorsqu'elle était gamine. Aucune des 12 participantes, ni Lise Möbius qui était cloîtrée sur son lit avec une pneumonie, n'a survécu au régime nazi et la 2ème Guerre mondiale ! Avec de brefs traits elle nous offre le portrait et le sort de Leni, Marianne, Nora, Lore, Ida, Gerda, Else, Elli, Sophie, Lotte, Maria et Katharina... qui toutes "ne sont plus".

Au bout de cette excursion, l'institutrice chargea la petite Anna de rédiger un compte-rendu de leur randonnée, et c'est ce devoir qu'Anna Seghers accomplit, bien des années plus tard et bien loin du Rhin.

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