AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Afleurdelivres



Titre évocateur...
Il aura malheureusement fallu le décès récent de cet auteur pour que je lise enfin Jean-Luc Seigle.
Quelle écriture éblouissante! A la fois poétique et abrupte, réaliste et interprétative. Un roman au clair-obscur dans lequel l'auteur de sa magnifique plume réajuste l'équilibre entre les non-dits et les « trop-dits ».
L'histoire de l'insaisissable Pauline Dubuisson, on la connaît. Ce fait divers a défrayé la chronique au début des années 1950 dans une France tourmentée et a même été adaptée au cinéma par H-G Clouzot sous le titre « La vérité » avec Brigitte Bardot.
Pour rappel: 1953. Trois coups de feu retentissent dans la nuit. Les voisins se précipitent dans l'appartement de Félix Bailly jeune étudiant et trouvent son corps sans vie, Pauline 24 ans qui vient d'assassiner son ex fiancé est découverte avec un tuyau de gaz dans la bouche. Elle sera sauvée et pourtant plus tard insultée d'être en vie à chaque tentative ratée de se donner la mort. En apprenant son arrestation le père de la jeune fille, qu'elle vénérait, se suicide.
Ce roman, écrit à la première personne, débute après la fuite de Pauline, libérée de prison, à Essaouira au Maroc sous une fausse identité suite au visionnage du film de Clouzot qui l'a remet sous les projecteurs alors qu'elle n'aspire qu'à être oubliée.
L'écrivain se glisse avec maestria dans la peau de la jeune femme mais aussi dans ses pensées, dans ses silences, ses défaillances, ses rêves et tente d'expliquer la part des ténèbres qui l'a conduite au crime.
Il faut peut-être chercher dans son histoire familiale. Elle est confrontée, très tôt à la mort prématurée de ses deux frères aînés tombés à la guerre.
Précoce et brillante élève, à 14 ans seulement, sous l'occupation, elle a le diable au corps multipliant les amants parmi lesquels des soldats allemands. Promise à des études de médecine elle entamera une relation avec le médecin chef de l'hôpital de Dunkerque beaucoup plus âgé qu'elle.
Sa mauvaise réputation et ses accointances avec les allemands la mèneront à être durement humiliée en place publique à la Libération par un groupe d'épurateurs.
Elle subira de violents traumatismes alors qu'elle n'a que 16 ans (crâne tondu, viol collectif...).
Détestée de tous, Pauline fascine autant qu'elle révulse, son procès fait grand bruit.
Affublée de tous les défauts : menteuse, monstrueuse, orgueilleuse, manipulatrice, séductrice, Narcissique, froide,vulgaire,perverse ... 
Embarrassante surtout car difficile à cerner et à soumettre.
Le problème central deviendra celui de la préméditation. Son passé de femme libérée ne lui permet aucune circonstance atténuante, tous les portraits dépeints dans les journaux seront à charge.
L'auteur réécrit son histoire et réinvente Pauline en lui donnant la parole.
Ce n'est pas une biographie journalistique fouillée (il faut lire dans ce cas « la petite femelle » de Philippe Jaenada) ou une radiographie de l'affaire c'est surtout un portrait de femme captivant infiniment beau et touchant, magnifiquement écrit.
L'écrivain n'essaie pas d'excuser mais de comprendre, en lui donnant la liberté de s'exprimer sur des cahiers dépositaires de sa vérité.
Essaouira sera l'eldorado de Pauline pour tenter de revivre, rêver, retrouver la sensation de son corps, bercée par une autre langue que celle qui l'a condamnée et calomniée.
Son futur mari Jean l'aide sans savoir à sa reconstruction.
Mais doit-elle dire la vérité à son nouveau fiancé ? Cette question l'occupe toute entière. Peut-on échapper à un pareil passé et à un destin aussi opaque?
Un superbe moment de lecture qui m'a totalement permise malgré la tristesse d'oublier le confinement et ces temps obscurs même si le sujet est sombre.
Commenter  J’apprécie          14528



Ont apprécié cette critique (137)voir plus




{* *}