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Critique de enjie77


Ecrit par un auteur dont j'ai particulièrement apprécié « Les derniers jours de Stefan Zweig » et « L'exercice de la médecine », ce livre m'a été offert par les Editions Flammarion et notre site préféré lors de la dernière Masse Critique Privilégiée au titre de la Rentrée Littéraire 2018. Je les en remercie vivement. A la demande de l'éditeur, j'ai attendu la date du 15 août pour publier ma chronique,

Ce roman n'a rien de commun avec ceux écrits, jusqu'ici, par Laurent Seksik mais il explique bien, en revanche, le choix des fictions écrites par ce dernier. C'est un livre particulièrement émouvant et qui touche à l'intime de l'auteur : la douleur du deuil. C'est à la fois un hommage à ses parents et une forme de thérapie pour l'aider sur le chemin du deuil paternel. Laurent Seksik se raconte et à le lire, j'ai bien ressenti son besoin de faire une pause, de remonter le fil du temps, d'immortaliser sur le papier des tranches de vie, un peu comme la reconstitution d'un puzzle, tout en prenant le temps d'expliquer à son lecteur l'histoire de ses choix, pourquoi médecin, pourquoi écrivain avec cette nécessité d'être compris.

Nous sommes un an après le décès de son papa, Lucien Seksik, dans la salle d'embarquement de l'aéroport Charles-de-Gaulle avec Laurent. La famille Seksik a fait son Alya et pendant le vol pour Tel Aviv, Laurent doit écrire un discours qu'il devra lire devant la sépulture de Lucien.

Dans l'avion, il se retrouve assis à côté d'une jeune femme avec laquelle, une discussion s'instaure et ce sont ces échanges, ces questionnements, qui servent de fil conducteur dans la construction de la narration de ce roman. J'avoue que les propos de la jeune femme m'ont surprise parfois par leur ignorance voire maladresse mais l'auteur les a voulus ainsi pour mieux étayer ses pensées.

L'écriture de Laurent Seksik est toujours très agréable, fluide. Avec délicatesse, il se penche sur le passé pour nous relater le souvenir de tous ces instants, toutes ces anecdotes qui ont fait de lui l'homme d'aujourd'hui. Nous sommes, avec l'auteur, dans le deuil d'un être profondément aimé mais ayant une personnalité écrasante. Lucien a eu un énorme impact sur l'existence de Laurent. Il lui doit sa vocation d'écrivain et à sa mère, celle de médecin. Quoi de plus naturel que de rendre hommage à Lucien en écrivant le récit de leurs échanges, de leur tendresse mutuelle, qui a fait de Laurent l'écrivain reconnu qu'il est aujourd'hui. Dans ces allers-retours entre présent et passé, nous assistons à des moments drôles, remplis de bienveillance dont il émane toujours une hyper réactivité émotionnelle.

Nous remontons le temps avec lui. Laurent Seksik entremêle à la fois sa propre histoire, celle de son père, celle de son grand-père et celle de son grand-oncle dont l'évocation se trouve à mi-chemin entre légende et histoire authentique.

C'est très intéressant d'analyser l'oeuvre de Laurent Seksik. A elle seule, elle permet de nous éclairer sur l'impact qu'à eu Lucien sur la vie de Laurent. Nombre de ces livres tournent autour des relations père-fils. Dans « l'exercice de la médecine », j'ai aussi discerné la filiation, la transmission mais aussi la mélancolie, celle que l'on retrouve chez Zweig, cet auteur qui l'a tant fasciné et qui certainement entre en résonnance avec lui.

De ces injonctions parentales qui pèsent sur Laurent et des difficultés qui en découlent pour que ce dernier puisse véritablement devenir ce qu'il est, je suis arrivée au constat que ce deuil pouvait lui être d'une grande aide comme il pouvait lui être une prison par souci de fidélité à son père. Je ne peux m'empêcher d'y voir Guy Bedos et Marthe Villalonga dans «Un éléphant ça trompe énormément ».

J'ai éprouvé beaucoup d'émotions au fil de ces pages. Ce n'est pas un livre cynique, c'est tout en pudeur même si parfois Laurent Seksik se confie sans filtre. La tendresse y est présente de bout en bout que ce soit l'amour du fils pour son père ou l'amour du père pour son fils. J'ai éprouvé la beauté des gestes de Lucien à chaque fois que ce dernier bénissait son fils lors de leur séparation. Je me suis mise à la place de toutes ces personnes qui vivent loin de leurs parents. Je me suis imaginée laisser l'un de mes parents malades dans un pays lointain, j'ai éprouvé modestement le déchirement que cela doit leur procurer.

Fiction et réel s'entremêlent pour partager avec Laurent les derniers instants de Lucien. C'est poignant, beaucoup d'émotions au fil de ces pages, un peu comme un miroir qui nous est proposé lorsque les parents vieillissent. C'est beau. Un dernier Kaddish pour Lucien et le livre se referme.
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