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Critique de kikenbook


Depuis petit, Maurice écrit. Il dépose ses textes sur le bureau paternel avec l'espoir d'un compliment, d'une critique ou au moins d'un intérêt. Espoir déçu qu'il retrouve chiffonné au fond de la corbeille à papier. Des années plus tard, son père, Albert, lassé d'entretenir son trentenaire de rejeton, lui demande d'écrire un roman moyennant 30 € la page.

Pour exister aux yeux d'un père qui au mieux vous ignore au pire vous méprise, il y a l'option « tiens-si-j'allais-massacrer-un-pédé-pour-montrer-à-papa-que-la-virilité-ne-se-résume-pas-qu'au-contenu-de-mon-slip » qu'on peut trouver dans l'excellent « Tuer le fils » de Benoit Séverac mais il y a aussi l'option moins radicale qu'adopte Maurice : faire de l'histoire de sa grand-mère, Rosa, l'aiguillon qui piquera la curiosité d'Albert.

Marcel Sel nous embarque alors dans un double roman.

D'un côté les chapitres du roman que Maurice consacre à Rosa se veulent comme autant de coups de bistouri destinés à ouvrir les yeux d'un fils sur l'histoire de sa mère, une jeune italienne juive qui après avoir tendu le bras vers le ciel avec enthousiasme pour saluer Mussolini, se retrouvera à tendre la main à ceux qu'il faut protéger de l'invasion allemande et finira par tendre le dos en se voyant entassée dans un wagon qui la mènera tout droit dans l'enfer d'un camp. Des chapitres passionnants qui m'en ont appris beaucoup sur l'Italie de la Seconde Guerre Mondiale. On ne nous épargne pas l'insoutenable et tant mieux, mais Albert lit-il seulement ce que son fils lui écrit ?

D'un autre côté, Maurice nous fait part de son quotidien dans la Belgique des années 2010, son quotidien d'homme, qui peut autant adorer qu'abhorrer l'art et l'amour et l'Autre, son quotidien d'auteur qui, ne pouvant se contenter d'écrire des faits, doit palier à son inexpérience de la vie en allant observer les émotions des autres pour les retranscrire dans son roman. Maurice est un paradoxe, il n'est pas fichu de retenir un nom, usant volontiers de synecdoques pour désigner ses interlocuteurs de la vie réelle, mais il fait fourmiller son roman de noms et de surnoms comme pour donner à Rosa un ancrage encore plus réel que les quidams qu'il croise dans son quotidien.

« Rosa » devait être provocateur, il sera surtout révélateur.

J'ai beaucoup aimé « Rosa », l'intelligence de sa structure narrative, le récit des contextes historiques, le soin apporté aux personnages et aux relations qu'ils entretiennent. J'ai pu être amusé, écoeuré, agacé, mais aussi ému aux larmes et un roman qui me donne à ressentir autant d'émotions est pour moi un petit bijou littéraire qui ne peut que donner envie de s'intéresser à la production de cet auteur.
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