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Critique de mmoulene


J'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir l'Or, la Paille, le Feu, il me tarde de lire la suite qu'augure le sous-titre l'Avènement des barbares I. Cela m'a permis de connaître l'auteur Charles Sénard qui apparemment n'en est pas à son coup d'essai.
L'intrigue est bien menée et le suspense cultivé au fil des pages est conservé jusqu'à la fin. Modernisme et Antiquité s'y intriquent intimement et le caractère visionnaire de ces pages donne à l'ouvrage toute son originalité et le rendent intemporel. Facile à lire parce que l'auteur a réussi l'exploit d'amener des données historiques bien renseignées sans alourdir le texte par d'indigestes longueurs hors intrigue.
Le lecteur y trouve de la profondeur et de la puissance mais pas d'aspérités ce qui permet de définir plusieurs axes de lecture, d'où la richesse de l'ouvrage qui se reflète dans la première de couverture. Tout est dans la symbolique depuis la couleur rouge (sang / feu), la solution de continuité dans l'aigle romain, dans la foudre de Jupiter et dans l'enseigne S.P.Q.R. allégorie d'un empire romain qui perd de son éclat, d'où l'ocre de l'aigle. le choix de la police Aniron renvoie au contexte historique et le titre à la citation de Saint Augustin en dédicace ; cela donne une dimension spirituelle à cet ouvrage ; l'absence de la copulative « et » que la syntaxe permettrait d'attendre entre « la Paille » et « le Feu » ôte toute similitude avec une énumération ou une quelconque hiérarchisation des trois éléments.
Enfin, le double sémantisme du mot « barbares » (goths ou référence à un type de comportement humain) dont joue l'auteur pose une autre problématique : qui sont les barbares ? ceux qui envahissent des territoires ou ceux qui assassinent ? Ce terme exacerbe l'intemporalité du roman grâce à son dynamisme diachronique.
Les deux principaux axes de lecture sont le roman policier et la fresque de toile de fond constituée par la vie quotidienne au Ve siècle peinte avec un réalisme à la Zola avec cette différence que ce dernier s'intéresse à son époque. D'où la problématique : la visée d'un roman est-elle uniquement de distraire ?
Les dimensions historique, romanesque et spirituelle sont si intimement liées, si confondues qu'elles donnent du volume au roman. Il n'y a pas de prééminence de l'une par rapport à l'autre. le roman se situe en pleine Antiquité tardive et ce n'est sans doute pas un hasard, en effet les influences sont multiples, romanité, chrétienté, invasions barbares ; et son pendant que je qualifierais d'ancienne modernité.
Un vocabulaire choisi avec certains substantifs qui ont des accents d'antiquité permet au lecteur d'en savoir plus sur le contexte historique mais comme je le disais plus haut, l'intrigue échappe au contexte par sa modernité. Au chapitre 1, la scène de marché, l'école, l'arrivée d'un notable avec garde du corps place cette scène dans une atmosphère intemporelle, cela pourrait se passer aujourd'hui. Au chapitre 6, la référence à la Chine , à l'Inde montre une ouverture vers l'Orient, des parfums d'exotisme.
Au chapitre 11, Vercel enquête, se rend dans un bar où le barman lui sert un verre de vin et une coupelle contenant des olives ou des tranches de saucisson, cela ressemble étrangement à une scène d'apéritif aujourd'hui ; on y évoque la concurrence entre producteurs de vins et l'ancêtre de la répression des fraudes qui donne une « forte amende » (p.126) à ceux qui modifient leur vin.
La référence aux scènes de mythologie mises en exergue par un professeur de rhétorique (qui donne une dimension scientifique auxdites scènes) place l'empire romain dans une étrange position entre dieux païens encore bien vivaces et christianisme cette religion récente qui est toutefois bien installée puisque ce sont des religieux qui occupe les postes administratifs clés.
Le chapitre 13 fait référence à des phénomènes qui occupe encore de nos jours la sphère politique : l'immigration depuis des pays où sévissent violences et persécutions, Damas, Édesse.
L'auteur évoque au chapitre 17 la responsabilité des juifs dans l'attaque des goths. Il semblerait que l'homme soit enclin à opérer des généralisations, amalgames qui consistent à incriminer un groupe pour la faute d'un des leurs. Or, il semblerait que la fracture se soit accentuée à proximité du concile de Nicée.
« C'est l'existence même de l'Église catholique qui est menacée en Gaule. » (p.205, chapitre 20) Serait-ce une prémonition ?
On trouve dans ce roman tous les ingrédients d'une intrigue de complot politique, trahison, espionnage, vengeance, corruption… de là à affirmer qu'hormis les avancées scientifiques, rien n'a changé, il n'y a qu'un pas que nous franchirons aisément.
Ainsi, on voit apparaître les linéaments d'une réponse à la problématique la distraction est là certes mais aussi, une démarche historique dans ses dimensions politiques, sociétales et religieuses.
Enfin, l'auteur soulève au chapitre 7 la magnificence de l'empire romain qui jouxte les déprédations causées par les barbares et renvoie au paradoxe de l'Église entre la richesse de l'institution et la parole de l'Évangile au chapitre 12 . Cependant, l'auteur s'en sert pour affirmer que cela réactive le mystère de la volonté de Dieu et c'est le mot de la fin.
Ce roman est construit comme un triptyque, trois jours sont nécessaires au dénouement de l'intrigue, on ne manquera pas d'y voir une référence à la Résurrection. Cela donne une ouverture, un renouveau, une renaissance, fin et début de semaine, l'alpha et l'oméga.
Une phrase clé p. 237 « les calamités qui s'abattent sur nous [… ] chance pour changer de vie. » amène une problématique d'ouverture : Les calamités vécues par l'homme le rendrait-il meilleur ? qui ne pouvait mieux tomber eu égard aux faits d'actualité que nous sommes en train de vivre. Ainsi, au-delà de modernité et antiquité qui semblent se confondre ne pourrait-on pas aller plus loin en qualifiant ce roman de visionnaire ?

Quelques remarques d'orthographe et de syntaxe pour terminer :
p.11 : près de un : près d'un
P. 171 : couru : courut
p. 230 : « Elle savait que Léonce lui-même avait approuvé la mission que lui avait confiée par Victorinus. » supprimer « par »
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