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Critique de alexandra1967


(août 2007)

Les Histoires de Mulla Nasrudin ont généralement la même structure, en trois parties :
* D'abord, l'exposition très brève d'une situation initiale, presque toujours solidement plantée dans la réalité la plus quotidienne, parfois la plus triviale
* Ensuite, la confrontation de Nasrudin avec un ou plusieurs interlocuteurs, qui aboutit à une situation de conflit ou, à tout le moins, de déséquilibre (même quand cet adversaire n'est autre que lui-même!)
. Enfin, la résolution ou la chute, inattendue, voire franchement sidérante, et qui se résume aux paroles que Nasrudin lance à ses contradicteurs médusés. Ce sont elles qui portent toute l'histoire, qui en font la drôlerie et la saveur.

Comme les enfants, je préfère les histoires, les contes, les métaphores aux traités et aux essais … et ce n'est pas par fainéantise ! Les histoires de Mulla Nasrudin peuvent être appréciées pour l'absurdité amusante apparente de la plupart des situations, mais peuvent aussi être interprétées de différentes manières, comme des contes moraux, ou des histoires spirituelles.

Dans la maîtrise de cette absurdité se cache la pluralité d'enseignements. Chacun prend, lit, rejette ce qu'il veut de l'histoire. Et la relire le lendemain ou des mois plus tard vous en apprendra encore. C'est la raison pour laquelle ce recueil ne quitte pas ma table de chevet. Il est même des soirs où je l'ouvre au hasard et ainsi j'offre l'histoire à mon sommeil …

Souvent mes enfants me surprennent, assise au bord de mon lit à un moment de la journée où l'on ne s'assied pas au bord de son lit. La question ne se fait pas attendre longtemps.
- "Maman, que fais-tu ?"
- "Comme j'ai 5 minutes, je ris. Je lis une aventure de Nasrudin."
- "Lis-la à voix haute, Maman, je ne comprends pas bien, mais je sens bien que ce n'est pas l'important."

Comment font donc les enfants pour tout deviner sans comprendre ? Ils ressentent, ils se ressentent. L'égo vient plus tard, et par notre faute, fichus adultes que nous sommes. Et pour nous en guérir, que faisons-nous ? Sagement, nous lisons Nasrudin !


Un peu de sérieux … Idries Shah a compilé des recueils d'histoires pouvant être interprétées de manière spirituelle, suivant la tradition soufie. le but n'étant pas forcément de rire mais de comprendre nos comportements et d'être en état d'études constant en examinant notre monde sous des angles différents. Ces histoires - enseignements pleines d'humour constituent une partie fondamentale dans l'observation de soi, si nécessaire à la progression sur la Voie.

Le soufisme …
Le soufisme désigne le côté ésotérique de l'islam qui existait de manière ineffable aux premiers temps de l'Islam. L'essentiel des confréries soufies sont d'obédience plutôt sunnite (elles reconnaissent la légitimité des quatre premiers califes de l'Islam). Cependant il existe en pays chiite aussi certaines manifestations du soufisme (la connaissance mystique dans l'enseignement religieux). le mot soufisme a été forgé à partir du mot "el-soufiya" qui désigne en arabe l'homme qui a réalisé pleinement sa spiritualité et qui est arrivé au terme de la Voie.

Le soufisme a pour but de conduire au degré de l'excellence de la foi et du comportement qui, par la purification du coeur, conduit à la sincérité spirituelle permettant d'accueillir la Lumière divine, par laquelle on connaît, par laquelle on voit ; mais peu arrivent à ce but. Celui qui arrive au but - le soufi -, après avoir mené le grand combat, dépouillé de son individualité (ego) et délivré de toutes les visions partielles et illusoires qui y sont attachées, prend vie en Dieu, et n'agit que par Lui.

Le soufisme n'a rien à voir avec le courant monastique chrétien, car le Coran récuse clairement la vie monastique. « Ils (les chrétiens) ont inventé la vie monastique – que Nous n'avions nullement prescrite – poussés par le désir de plaire à Dieu. » (Coran LVII ; 27)


Le personnage de Mulla Nasrudin
Localement appelé Nasr Eddin Hodja, il est un ouléma mythique de la culture musulmane qui aurait vécu en Turquie, à une date indéterminée entre le XIIIè siècle et le XVè siècle et où il a sa tombe canular vide. Il aurait vécu au XVIè siècle dans un village d'Irak mais deux tombes existeraient : l'une dans un village d'Anatolie et l'autre en Algérie.

Sa renommée va des Balkans à la Mongolie et ses aventures sont célébrées dans des dizaines de langues, du serbo-croate au persan en passant par le turc, l'arabe, le grec, le russe et d'autres.
Son personnage s'est fondu à celui de Joha (au Maghreb) ou à celui de Goha (en Turquie), Mollah Nasreddin (en Iran), Appendi (en Asie centrale).

Mais l'on ne peut clairement déterminer l'origine de ce personnage ingénu, faux-naïf du monde arabo-musulman. Et ce sont toujours les mêmes aventures que l'on raconte à son propos. Ses histoires courtes sont morales, bouffonnes, absurdes ou parfois coquines. Une partie importante d'entre elles a la qualité d'histoire enseignement.

Ses histoires ont parfois pour protagonistes le terrible conquérant Tamerlan, pour qui il joue le rôle de bouffon insolent bien que la situation soit anachronique. D'autres histoires mettent en scène son âne et sa première femme Khadidja ; il exerce parfois la fonction de Cadi voire d'enseignant dans une médersa.

Le roman Goha le simple a inspiré le scénario du film Goha de Jacques Baratier, avec Omar Sharif et Claudia Cardinale, film primé au festival de Cannes en 1958.
L'Unesco a déclaré l'année 1996 année Nasr Eddin Hodja.

A quelles autres oeuvres cela me fait-il penser ?
Impossible de ne pas évoquer ici l'immense Milton Erickson, Ma voix t'accompagnera, et encore l'incomparable Jérôme K. Jérôme, Trois hommes dans un bateau.

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