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Critique de PhilippeCastellain


Les comédies de Shakespeare tournent un peu toutes autours des mêmes éléments. Amours contrariés, traitrise, quiproquos, fin heureuse. Mais ‘Beaucoup de bruit pour rien' recèle quelque chose de plus – et plus que son titre ne le laisse à penser.

Pourtant rien de plus classique à première vue. Un roi débonnaire avec un méchant frère. Deux jeunes officiers beaux, courageux et appréciés du roi : Claudio et Bénédict. Deux charmantes jeunes filles, cousines bien sûr, Héro et Béatrice. Claudio et Héro s'aiment, mais le méchant leur fait un coup à la Iago : convaincu par ruse que sa bien-aimée le trompe, Claudio l'abandonne et l'humilie devant l'autel. La tricherie est découverte, et tout fini bien. Mais quelque chose vient s'additionner à ce canevas bien rodé, l'enrichir et le transformer : la relation entre Béatrice et Bénédict.

Au début de l'histoire, les deux ne peuvent pas se supporter. Mais c'est avec une totale liberté de ton qu'ils se lancent pique sur pique. Béatrice n'hésite pas à remettre en cause le courage physique et les compétences militaires de Bénédict ; ce dernier n'a pas plus de scrupule à la comparer à son cheval. C'est un échange d'égal à égal entre un homme et une femme, sans frein, où seuls comptent l'intelligence et l'esprit. On sort totalement et abruptement du dialogue d'amour courtois, et pourtant on distingue sans peine la séduction qui se cache dans leurs agaceries – et du reste leur entourage n'est pas dupe.

Mais ces deux-là se distinguent également par le courage et la loyauté qu'ils dissimulent sous leur apparence de légèreté. Bénédict est l'un des premiers à croire en l'innocence d'Héro, et malgré sa répugnance, pour la venger, il prend le risque de tuer – ou pire, humilier – Claudio, son ami de toujours et compagnon d'arme. Mais c'est la rage de Béatrice, et son cri d'impuissance (« oh, si j'étais un homme ! ») qui l'y décident.

Ce n'est plus l'amour romantique et ses grandes déclarations à la Roméo et Juliette. C'est un amour où domine la lucidité, où chacun traite l'autre d'égale à égale, et respecte avant tout son intelligence, sa loyauté et son courage. Deux personnages étonnamment modernes en somme.

Berlioz intitula d'ailleurs « Béatrice et Bénédict » l'opéra qu'il tira de la pièce, et fit le choix de l'expurger de tout élément tragique pour centrer l'histoire sur leur relation. Qu'il compléta avec un hymne au vin de Syracuse, que j'espère bien gouter un jour.
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