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Critique de 5Arabella


Considérée comme une « pièce à problèmes », Troïlus et Cressida pose beaucoup de questions auxquelles les réponses divergent sensiblement selon tel ou tel commentateur. Déjà la date de la composition de la pièce n'est pas certaine. Inscrite au Registre des libraires en 1603 et 1609, les deux premières versions publiées connue sont celles de deux Quartos de 1609, les deux versions différant entre elles. Une des deux préfaces laisse entendre que la pièce est nouvelle, alors que l'autre évoque une création plus précoce. La pièce est par ailleurs difficile à classer, entre tragédies et pièces historiques. Cette pièce ne fait pas partie des oeuvres de Shakespeare le plus jouées, mais a suscité un certain nombre de commentaires.

L'histoire du couple qui donne son nom à la pièce trouve son origine dans le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure (vers 1160). Dans ce texte, celle que deviendra Cressida se nomme Briséida, mais les traits du personnage sont fixés. Cet épisode du roman a été repris par divers auteurs, dont Boccace, et Chaucer. Shakespeare semble s'être davantage inspiré des récits médiévaux que d'Homère pour sa pièce.

Nous sommes donc à l'époque de la guerre de Troie, et plus précisément sept ans après son début. Troie est assiégée par l'armée grecque, dans laquelle s'expriment certains antagonismes, en particulier entre Achille et Agamemnon, mais aussi entre Achille et Ajax, Ulysse joue sur ce dernier pour manipuler les deux hommes. A Troie, les interrogations sur les raisons de la guerre et la possibilité de rendre Hélène à Ménélas sont à l'ordre du jour. Pendant ce temps, Troïlus, le plus jeune des fils de Priam, est devenu éperdument amoureux de Cressida, la fille de Calchas, qui est passé chez les Grecs en laissant Cressida à Troie. Troïlus utilise les services de Pandarus, l'oncle de Cressida, qui n'hésite pas à jouer les entremetteurs. Les deux jeunes gens, amoureux, passent une nuit ensemble. Mais Calchas a négocié un échange : Cressida contre Anténor, un des chefs troyens, prisonnier des Grecs. Malgré le désespoir des amoureux Cressida doit suivre Diomède, venu la chercher. Un échange de gages a lieu, et Cressida part avec la manche de Troïlus. Mais très rapidement Cressida succombe aux avances de Diomède : Troïlus en ambassade au camp grec assiste à un dialogue amoureux à l'issu duquel Cressida livre le gage de Troïlus à Diomède. le prince troyen s'en revient le coeur brisé. Pendant ce temps, la guerre continue : après la mort de Patrocle, Achille reprend le combat, et fait tuer traîtreusement Hector par ses Myrmidons.

Les personnages de la pièce de Shakespeare sont éloignés des nobles personnages d'Homère, au point que certains ont pu voir dans cette pièce une satire. Les Grecs sont particulièrement peu à l'honneur : Ajax est une brute imbécile, Achille imbu de lui-même et pas particulièrement courageux, Ulysse et Nestor manipulateurs et retors etc Une vraie galerie de fripouilles, d'idiots et d'opportunistes. Les Troyens sont plus héroïques et nobles, mais d'une certaine façon hors de propos : ils se font décimer par des adversaires qui profitent de leurs beaux gestes et ne respectent rien. Ils sont une sorte de survivance d'un esprit de chevalerie médiévale, qui est bien morte, des Don Quichottes qui vont à leur perte.

De toute façon, la guerre n'est pas belle chez Shakespeare : ce sont les plus malhonnêtes qui l'emportent, et rien ne justifient les morts et les souffrances. Surtout pas la cause pour laquelle la guerre a été déclarée : Hélène n'est qu'une putain, et ne vaut pas les morts qu'elle cause. On ne peut qu'être gêné par l'image de la femme légère, sensuelle d'une façon presque animale de la pièce, bien dans la tradition médiévale. Cressida et Hélène appartiennent à une même engeance.
Malgré tout, malgré le cynisme et la charge satirique, la pièce contient des morceaux d'un grand lyrisme, des échanges amoureux d'une grande beauté. C'est un mélange étrange et déconcertant, une pièce qui interroge, qui provoque une sorte de malaise, dans le bon sens du terme, car il pousse à des interrogations, à des tentatives de donner du sens. J'aimerais bien la voir jouer un jour...
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