Les Menteuses, Tome 8 : Aveux

Truth is stranger than fiction, after all. Especially here in Rosewood.

- Elle était folle, murmura Spencer.

- Ça va aller, promit Emily en caressant la longue chevelure soyeuse d'Hanna. Nous sommes là, maintenant.

Elles restèrent enlacées toutes les quatre jusqu'à ce que la chanson s'achève et que le grondement du jacuzzi emplisse de nouveau le silence. Un choc sourd résonna à l'intérieur de la maison. Spencer s'écarta légèrement de ses amies, les sourcils froncés.

On dit qu'une photo vaut mieux que mille mots. Une caméra de surveillance surprend une jolie brunette en train de subtiliser une poignée de babioles en or chez Tiffany. Un cliché de paparazzi révèle la liaison entre une starlette et un réalisateur marié. Mais ce que l'image ne dit pas, c'est que la fille est une employée du magasin qui apportait ces bracelets à son patron, ou que le réalisateur a entamé une procédure de divorce un mois avant.

C'était une soirée de juin brumeuse et sans lune. Des criquets stridulaient dans les bois sombres et épais. Tout le quartier embaumait les azalées en fleur, les bougies à la citronnelle et le chlore de piscine. Des voitures de luxe flambant neuves étaient rangées bien à l'abri dans des garages trois places. Comme partout ailleurs à Rosewood, une banlieue chic de Pennsylvanie située à trente kilomètres de Philadelphie, pas un brin d'herbe ne dépassait des pelouses soigneusement tondues, et chacun se trouvait là où il devait être.

Depuis quelques semaines, Ali ignorait leurs appels, passait tout son temps libre avec ses copines plus âgées de l'équipe de hockey sur gazon et ne s'intéressait apparemment plus qu'à leurs secrets et à leurs défauts. Elle taquinait Aria au sujet de la liaison que le père de celle-ci entretenait avec l'une de ses étudiantes. Elle se moquait d'Hanna, de sa boulimie de Cheez-It et des dégâts sur son tour de taille. Elle riait cruellement du béguin qu'Emily avait pour elle, et menaçait de révéler à tout le monde que Spencer avait embrassé le petit ami de sa sœur. Les filles avaient l'impression que leur amitié avec Ali leur glissait entre les doigts. Au fond, chacune d'elles se demandait si leur bande existerait toujours le lendemain.

Les filles sortirent de la grange ensemble - agacées, embarrassées et ébranlées. Ali les avait laissées tomber. Leur amitié était finie. Elles traversèrent le jardin des Hastings, inconscientes des terribles événements qui étaient sur le point de se produire. Le visage à la fenêtre avait disparu; il était parti suivre Ali le long du chemin. Le mécanisme venait de s'enclencher. Le drame était déjà en train de se jouer.

Dans quelques heures, Ali serait morte.

La minuscule télé LCD posée dans le coin diffusait un bulletin d'information local. Une journaliste en veste Burberry bleue se tenait debout en compagnie du chef de la police de Rosewood et d'un homme aux cheveux gris et costume noir. « Meurtres de Rosewood », indiquait le titre au bas de l'écran.

— Mon client a été injustement accusé, clama l'homme en costume. (C'était la première fois que l'avocat commis d'office de William « Billy » Ford s'adressait à la presse depuis l'arrestation de ce dernier.) Il est innocent. Il a été piégé.

— Ben voyons, cracha Spencer.

Un Polaroid flou apparut à l'écran. Spencer se pencha en avant et écarquilla les yeux. La photo montrait l'intérieur d'une grange - celle des Hastings, détruite quelques semaines plus tôt dans l'incendie sans doute allumé par Billy pour réduire en cendres les indices le liant aux meurtres d'Ali et de Ian. Quatre filles étaient installées sur un tapis rond au centre de la pièce, la tête baissée. Une cinquième fille se tenait debout au-dessus d'elles, les bras en l'air.

Sur le cliché suivant, elle s'était déplacée de quelques centimètres sur la gauche. Sur celui d'après, une des filles assises s'était levée et approchée de la fenêtre. Spencer reconnut ses cheveux blond foncé et sa jupe de hockey sur gazon roulée à la taille. Elle hoqueta. C'était elle, en plus jeune. Ces photos avaient été prises la nuit de la disparition d'Ali. Billy les avait espionnées depuis l'extérieur de la grange.

Et elles ne s'en étaient jamais doutées.

Aria Montgomery et son petit ami, Noël Kahn, se serrèrent l'un contre l'autre pour marcher depuis le parking des élèves de l'Externat de Rosewood jusqu'à l'entrée du bâtiment principal. Une bouffée d'air tiède les accueillit alors qu'ils se glissaient à l'intérieur. Mais lorsque Aria aperçut la longue table dressée près de la porte de l'auditorium, son sang ne fit qu'un tour. Dessus reposait un portrait de Jenna Cavanaugh.

Aria se demandait pourtant si ses amies et elle-même n'auraient pas pu empêcher le drame. Une fois, Billy-alias-« A » avait envoyé à Emily une photo de Jenna et d'Ali quand elles étaient plus jeunes. Puis il avait guidé la jeune fille jusque chez les Cavanaugh à un moment où Jenna se disputait avec Jason DiLaurentis. De toute évidence, il avait voulu leur donner un indice sur l'identité de sa prochaine victime.