Citations sur Hymne à la vengeance (22)
Partir au loin. Effacer l’horizon, pour n’en laisser plus que des couleurs pastel qui s’entremêlent. N’avoir aucun gratte-ciel, aucune cheminée, aucune tour — que l’azur infini. Et la mer.
Rien n’est plus précieux que l’innocence d’un enfant.
C’est le temps qu’il faut au père pour se rappeler ce que ces monstres ont fait de sa fille, pour se rappeler son corps déchiqueté par les chiens, puis ce combat auquel il a failli lui-même succomber. Sourd à la douleur qui lui électrise le corps en entier, Sébastien se retourne prestement pour vomir. À la bile qui éclabousse le plancher se mêlent des caillots de sang. Il toussote, serrant des dents dans une tentative pénible de résister à ses souffrances. Sa main se pose sur un bandage noué à sa jambe qu’a mordue l’une des bêtes. On cherche à le maintenir en vie.
Pour mieux le tuer, sans doute.
Sébastien se met à pleurer ces larmes qui n’ont jusqu’alors pas su se frayer un chemin entre les éclats de fureur qui faisaient écho en lui. Il pleurniche bruyamment tel un enfant, sans égard à son titre, à son apparence ; sans égard à cette caméra qui se délecte sans doute de sa misère.
À quoi bon vivre, désormais ? À quoi bon chercher à survivre ?
Secrètement, Sébastien prie pour qu’une mort rapide l’emmène.
Le mal entraîne le mal. La violence, tant qu’elle persiste, n’est qu’une escalade délétère. Alors plutôt que des menaces, plutôt que des bravades et des comminations, aujourd’hui, j’offre l’excuse et le pardon.
J’ai voulu me venger, retrouver les responsables, les coupables, proches ou lointains, leur faire payer tout le mal qu’ils ont causé, leur offrir non pas la justice de l’État, mais celle, infiniment plus brutale, des hommes… J’ai voulu les détruire, leur rendre la monnaie de leur pièce. Et c’est là, tout tremblant de colère, que je me suis rendu compte d’une chose.
On a torturé ma fille, on lui arraché cette innocence si fragile, si caractéristique de l’enfance ; on a remplacé tous ses rêves naïfs par des cauchemars incessants…
Rouler, rouler sans s’arrêter.
Ne pas penser, ne pas réfléchir.
Il faut chasser le doute, chasser la peur, chasser les remords qui assaillent son esprit comme autant de vagues glaciales sur un récif qu’elles érodent.
Comme quoi il ne faut pas toujours croire ce que l’on colporte dans les médias, réplique-t-il avec une pointe d’insolence.
La vengeance… À bien y penser, cette réponse est évidente. On l’a capturé pour se venger. Il n’y a, derrière ces tortures, nul dessein scientifique, politique ou économique ; on ne lui a rien demandé, sinon de confirmer son identité. Aucun manifeste aucune rançon. Rien que la souffrance, rien que cet œil mécanique qui observe infatigablement.