Quand à écrire, je ne saurai y songer.Même rédiger une lettre me coûte. Je ne suis ni un paria de la société, ni un prophète ou un aventurier de l'esprit : mon expérience de la vie est rien moins d'extraordinaire, elle ne pourra jamais exprimer un désaccord entre moi-même et mes semblables,-non que je me sente parfaitement à l'aise avec eux, mais parce qu'iln'y a rien entre eux et moi qui puisse être noué pu tranché. (Lattès ,1985,p.101)
Les mots ne sont que du vent, mais ils constituent, par là même, des liens très difficiles à repérer et à trancher.
Tu n'as jamais admis mon goût pour la lecture, ni que j'essaie d'écrire des livres. Tu m'as tourné en dérision. Selon toi, la littérature est un leurre. Ai-je dit le contraire ? Ce leurre me convient, - il n'y a rien à ajouter.
J'ai donc décidé de partir, de trouver un travail quelconque, pas trop pénible, le plus loin de toi et de Rome. Et voilà que tu vocifères-tu te sens humiliée par mon départ. Or tu n'es humiliée que dans ta volonté de pouvoir sur moi. Quand je songe au petit éclair vert de tes yeux noisette, j'ai mal, mais je sais comment guérir de ce mal. (p. 24 / J.C. Lattès, 1985)
Quand à moi, j'eusse préféré ne pas être là: je n'avais pas compris grand-chose, et ce peu de chose m'apparaissait d'un intérêt limité au regard de mes futurs et véritables intérêts en ce lieu. La dispute familiale était de celles qui éclatent à tout propos, indifféremment. Les protagonistes vivaient un besoin inextinguible d'affrontement, et ne songeaient à rien d'autre: - ils jouaient un rôle, cela leur suffisait. Le seul fait certain était la présence d'un moribond, et de ses biens:- d'où un différend d'une certaine ampleur, ou l'occasion de pousser le conflit hors des limites de la décence. (p. 52 / Lattès, 1985 )
Il n'y avait rien de plus chez Lucia.Et pourtant, quand je l'étreignais,je ne pouvais m'empêcher de lui dire,meurtri et sous le coup d'une passion déchirante, "je t'aime.".Et je le répétais de si obsédante façon que ces mots,je m'en rendais compte, se vidaient de leur sens, se changeaient en un simple bruit, une formule propitiatoire.En lui disant "Je t'aime", je lui demandais de m'aimer, tout en sachant très bien qu'elle ne me donnerai aucun amour. (Lattes,1985, p.160)
Avec moi,tu n'as toujours songé qu'à la possession,et me connaître n'a eu d'autre but que de me posséder. Tu pensais que tout ce que je pouvais vivre devait tomber obligatoirement dans le cercle d'ombre de ton emprise.Ce n'est jamais ainsi que ça se passe,et pour personne.Nous nous dérobons déjà à nous-mêmes :-imagine,alors,vis-à-vis des autres,nous fussent-ils les plus chers,les plus proches.(J.C.Lattès,1985, p.142 )
Pier Paolo Pasolini raccontato da Enzo Siciliano 1-2