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Critique de Danage


La relecture de la Rivière et son secret, des camps de Mao à Jean-Sébastien Bach de Zhu Xiao-Mei m'a plongée dans ce livre, Balzac et la petite tailleuse chinoise, de Dai Sijie, énorme succès en France – pas en Chine, où beaucoup y ont vu le tableau de la supériorité de la culture occidentale. L'auteur (qui a tenu à écrire en français) s'en est défendu : « La vie était monotone dans la jeunesse de ma génération. Aimer lire est une chose naturelle. La littérature a apporté beaucoup de joie à ma vie à la campagne lors du mouvement d'envoi des jeunes instruits. À mon avis, la littérature est une chose superbe et romantique, ainsi j'ai voulu développer l'idée qu'un livre peut changer la vie»

Comme Zhu Xiao-Mei, Dai Sijie est envoyé dans un camp de rééducation. Ses parents, docteurs à l'époque : condamnés comme « ennemis du peuple », emprisonnés.

Au-delà du témoignage, son livre (un peu court) est un merveilleux roman, hommage à Balzac, mais aussi à d'autres (pendant 9 nuits, le héros raconte les aventures du Comte de Monte Christo).

Le héros, 17 ans, accompagné de son ami Luo, 18 ans (dont le père, dentiste, s'est vanté d'avoir soigné les dents de Mao - outrage suprême), est violoniste. le chef du camp veut brûler le violon, "objet bourgeois", mais Luo l'en empêche, et demande à son ami de jouer un morceau intitulé “Mozart pense au président Mao». Aussi fièrement que bêtement, le chef répond : « Mozart pense toujours au président Mao ».

Le binoclard, un autre étudiant, va leur prêter, pour les remercier de l'avoir aidé, un livre De Balzac : Ursule Mirouët.

Les deux garçons sont émerveillés.
La petite tailleuse chinoise, l'amoureuse de Luo, également.

« Ce vieux Balzac, continua (Luo), est un véritable sorcier qui a posé une main invisible sur la tête de cette fille ; elle était métamorphosée, rêveuse, a mis quelques instants avant de revenir à elle, les pieds sur terre. Elle a fini par mettre ta foutue veste, ça ne lui allait pas mal d'ailleurs, elle m'a dit que le contact des mots De Balzac sur sa peau lui apporterait bonheur et intelligence. »

Révoltés – à juste titre – par l'attitude du binoclard, nos deux compères volent sa valise (de livres) et c'est le début des jours heureux, de l'évasion, par la littérature. Edmond Dantes en est le symbole.

Hymne à la liberté, à l'écriture, le génie de ce roman tient dans une forme de mise en abîme :
- ses personnages vivent des scènes romanesques (le casse – la valise, le faux interrogatoire pour recueillir des chants campagnards, la fin, qui a quelque chose du père Goriot « à nous deux, Paris »... ),
- le but de ce camp est de "rééduquer" les deux garçons, et l'un deux, orgueilleux, pense à "éduquer" la Petite Tailleuse

« Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde. »

« On n'a pas fait quelques mois de lecture pour rien ».

« L'aboutissement de cette transformation, ce cette rééducation balzacienne, sonnait déjà inconsciemment dans la phrase de Luo ».

Plus que jamais, la littérature apparaît comme une libération.

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