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Critique de Cissi


Cissi
01 février 2017
Il est important de connaître le contexte politique de la Chine à la fin des années soixante pour comprendre le roman.
L'auteur nous rappelle d'ailleurs ce contexte au début du livre :
En 1966, Mao Zedong, le président Chinois communiste a imposé à son peuple une Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (populaire) qui a duré dix ans => Toute personne appartenant à l'élite intellectuelle ou à la bourgeoisie était considérée comme ennemi du peuple. Elle était alors torturée, devait faire quotidiennement son auto critique en public et était, soit emprisonnée, soit envoyée en camp de rééducation à la campagne.
L'auteur nous explique : « Les universités furent fermées et les jeunes intellectuels, c'est-à-dire les lycéens qui avaient fini leurs études secondaires, furent envoyés à la campagne pour être rééduqués par les paysans pauvres. »
Dans ces camps, tout le monde était logé à la même enseigne, les jeunes gens des villes devaient vivre au contact de la dure réalité en effectuant de pénibles travaux manuels et agricoles. Plus personne n'avait de liberté individuelle, le seul livre autorisé était le fameux « Petit Livre Rouge » de Mao où était développé sa doctrine, et chacun devait vénérer le portrait du président chinois.

Luo et le narrateur sont envoyés en rééducation dans la Montagne du Phénix du Ciel, au centre-est de la Chine... Les paysages sont sauvages. Au bord d'un lac, dans une minuscule vallée perdue, ils vont devoir vivre dans un minuscule village au milieu de paysans rustres, méfiants et illettrés, à l'image de leur chef.
Le roman commence par la scène de l'arrivée des jeunes gens. Les villageois regardent d'un air méfiant le violon du narrateur. Ils décident de détruire ce « jouet de bourgeois ». Heureusement, Luo leur explique qu'il s'agit d'un instrument de musique, que son ami sait très bien en jouer et il n'hésite pas à rebaptiser une sonate de Mozart, « Mozart pense au président Mao » ! Tout le village tombe sous le charme de la sonate soi-disant révolutionnaire !
Le ton du roman est donné, malgré la dureté du contexte, les jeunes gens feront preuve de débrouillardise, de solidarité, de ruse, et d'humour pour résister aux dures conditions de vie et ne pas sombrer dans la dépression.
Jour après jour, ils s'épuisent dans les rizières et à la mine infestée de paludisme. Ils savent qu'ils n'ont que peu de chance de retourner un jour à la vie normale. « Trois pour mille », selon les statistiques. Leurs seules distractions sont le violon dont joue le narrateur et les histoires qu'ils savent conter.
En effet, de temps en temps, les deux amis racontent un film qu'ils ont vu au chef du village. Fasciné par leur talent de conteurs, celui-ci les envoie regarder des films chinois et nord-coréens dans la ville la plus proche, à deux jours de marche, pour ensuite les raconter en détail aux villageois.
Un jour, Luo et Ma font la connaissance du tailleur de la région, puis de sa fille, la ravissante « Petite Tailleuse ». Luo tombe fou amoureux d'elle et ils deviennent bientôt amants.
Les deux garçons vont souvent, dans le village voisin, rendre visite à un ancien ami de leur ville, surnommé « le binoclard » qui est lui aussi en rééducation.
Un jour, ils s'aperçoivent que le Binoclard cache une valise sous son lit. Les deux amis devinent vite que des livres interdits sont dissimulés à l'intérieur. Contre un service rendu, ils obligent le Binoclard à leur prêter un de ces livres et c'est ainsi qu'il découvre Balzac et son roman : « Ursule Mirouët ».
Leur vie est bouleversée. Ils découvrent qu'un ailleurs existe et qu'il est possible de rêver.
Le narrateur recopie des passages entiers du livre sur sa veste… passages que lira Luo à sa Petite Tailleuse car il désire la cultiver… C'est ainsi que commence l'éducation culturelle et sentimentale de la jeune fille qui se passionne pour Balzac.
Les deux amis décident alors sur les conseils de la Petite Tailleuse, de voler la valise du Binoclard qui a l'immense chance de pouvoir retourner en ville. Ils découvrent un vrai trésor : des livres de Flaubert, Hugo, Tolstoï, Dumas, Rousseau, etc. et, bien sûr, De Balzac. Toute une littérature interdite qu'ils lisent la nuit...
Livre après livre, ils découvrent non seulement la littérature étrangère, mais aussi le « monde extérieur ». Ils s'initient à la liberté de penser et à l'amour. Enfin, grâce à la lecture, ils peuvent s'évader le leur montagne-prison.
Peu à peu, la Petite Tailleuse change, grâce aux livres et à Balzac, son auteur préféré, elle n'est plus une simple montagnarde inculte. Elle apprend à penser par elle-même.
Une nuit, le chef du village, surprend les deux adolescents racontant au Vieux Tailleur, le comte de Monte-Cristo, un roman d'Alexandre Dumas. le chef, stupide, décrète que ce comte est forcément un réactionnaire. Il menace de les dénoncer, sauf si Luo et le narrateur accepte de le soigner une carie qui le fait terriblement souffrir.
Pour veiller sa mère hospitalisée, Luo doit quitter le village pour un mois. Il ignore que la Petite Tailleuse est enceinte. C'est Ma, le narrateur, qui l'aime en secret, qui convainc un médecin de l'avorter et lui promettant un livre de Romain Rolland en échange de ses services et de sa discrétion.
Le temps passe, la Petite Tailleuse s'est transformée, comme le rêvait Luo. Elle est libre, instruite, Balzac lui a donné des ailes, elle ne rêve que de voler. La chute du livre, inattendue, nous dévoilera comment.


J'ai bien aimé ce livre parce qu'il m'a appris la vie dans la Chine des années 1970. Je ne connaissais pas la révolution culturelle de Mao. le style de l'auteur est facile à lire et souvent plein d'humour, surtout quand il se moque du chef du village. Cette histoire ressemble à un conte moderne, c'est plein de poésie, de sagesse et on a l'impression de rencontrer les personnages réellement.

Grâce à ce livre, on découvre l'importance de la littérature : elle peut aider à grandir, à se faire ses propres opinions, à s'éduquer. Grâce aux livres, on peut sortir de l'enfermement, quel qu'il soit, on peut penser et on peut s'évader. L'intérêt de ce livre c'est qu'il nous révèle le pouvoir des livres. Cette histoire m'a aussi fait penser à Nelson Mandela, ancien président de l'Afrique du Sud qui a été enfermé durant 27 ans et a supporté la prison grâce à la lecture.
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