Le silence est tombé un jeudi comme une goutte de pluie et nous a submergés pendant des années. Les oiseaux se sont tus d’un coup, le grincement des charnières rouillées, les cris dans la cour d’école, le haut-parleur côté passager, les feuilles mortes, le vent, plus rien. C’était il y a trois ans, loin d’ici.
Depuis ce jour là, des centaines d’averses ont éclaté sur nous et chaque fois c’était elle qui nous tapait sur l’épaule pour nous rappeler les jours d’avant
Il se trouvait à travers nos plaisanteries juste assez de profondeur pour savoir que les racines de nous poussaient déjà. Que la nature dont nous nous sauverions pendant neuf ans était déjà en train de nous attacher l'un à l'autre.
Les petits villages, nous l'apprenons vite, sont plus étouffants que la ville. Nous venions ici chercher la paix, celle que nous croyions mériter, celle des grands espaces et de l'herbe haute et du silence et de l'absence des gens. Nous nous sommes sauvés de la foule pour enterrer nos petites peines et cultiver nos grands espoirs dans la tranquillité rurale, mais nous avions oublié que c'est dans le désert que les bombes font le plus de bruit.
Diluer nos problèmes dans ceux des autres : on teste une nouvelle recette.
Nous survivons en échangeant nos mensonges comme les enfants échangent des jouets. Dans ce village qui ne nous ressemble pas nous apprendrons à inventer les vérités qui nous feront le plus de bien. Je sais maintenant que nous ne pourrons jamais oublier le passé, mais c’est ce que nous essaierons de faire malgré tout. Oublier le passé et nous aimer aujourd’hui. Isolés loin d’ailleurs, nous masquerons nos cicatrices à coups d’espérance.
J'ai la douleur ouatée, le sentiment engourdi, trois ans de combat ont fait de nous des débris des éclats de plâtre des trous de balles.
Parfois le silence offre les meilleures réponses, celles des guerres qui se terminent avant le premier mort.
Le village est tellement petit que j'ai peur de ne pas me perdre.
Ce n'est pas que ses histoires ne m'intéressent pas mais quand il essaie de remplir les silences comme s'il cherchait à colmater les fissures dans ma vie avec des extraits de la sienne, il m'épuise.