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Critique de Krout


Krout
12 novembre 2020
Avertissement

Je suis passé par Furnes. Dans ma jeunesse, y boire un verre. Je me souvenais "d'une place immense, avec de tout petits pavés et des maisons à pignon dentelé."
Je n'ai connu ni son bourgmestre ni ses habitants. Ni le pas des écoliers en sabots, à jamais disparu.
Si j'ai lu un Simenon, c'était à l'époque. Si lointaine, qu'il pût en fait s'agir d'un Stanislas-André Steeman, autre Liégeois prolifique.
Du reste, ceci n'est pas un policier.

*****

Ceci est le portrait d'un homme. "Qu'avait-il donc d'extraordinaire ? Fils d'une femme encore plus pauvre que la mère de Jef Claes, d'une marchande de crevettes de Coxyde, il était devenu un des hommes les plus riches de Furnes, plus riche même que Léonard van Hamme dont le grand-père était déjà brasseur." p.36 Un homme de pouvoir, un de ceux pour qui le pouvoir se conquiert et ne se partage pas. "Il n'était pas le bourgmestre, quelqu'un à qui on confie pour un temps plus ou moins long l'administration de la ville et à qui on demande des faveurs. Il était le maître, le Baas !" p.78 Joris Terlinck est un taiseux, tout d'un bloc : un roc. Die man hier ! ^^


Ceci est le portrait d'une ville flamande, Furnes, à quelques kilomètres de la côte. de cette lecture me vient comme une envie... aller voir cet autre beffroi, écouter cet autre carillon, battre du pied ces petits pavés de la Grand-Place, ouvrir la porte du café près de l'Hôtel-de-Ville et puis... filer à Ostende, respirer l'air du large. le temps me dira... Il me dira si la différence entre l'austère industrieuse fourmi et la joyeuse cosmopolite cigale est toujours de mise.


Ceci est le portrait d'une époque. L'entre-deux guerres. La voiture à manivelle. Les pêcheurs de crevettes à cheval. La manufacture de tabac. La brasserie locale. le bistrot des habitués joueurs de cartes, de dames ou d'échecs. le cercle catholique où les notables ... devisent. ^^


Le génie de Simenon est de faire ces portraits "caméra à l'épaule", pas de commentaires, d'explications, d'interprétations. Des images, des faits, des gestes, de rares paroles. C'est à mots comptés que l'on découvre le bourgmestre de Furnes. Les phrases tombent aussi drues que les gouttes d'une pluie traversière battant les pavés et vous transpercent jusqu'à l'os. Et il nous fait pénétrer toujours plus dans l'intimité, entrer dans l'inconnu. Jusqu'à la mise à nu. Jusqu'au chancellement. Jusqu'à la chute. Dans cette Flandre très catholique, en 163 pages la messe est dite.
Ceci est un monument !


Le livre une fois refermé, reste une vibration comparable à celle que l'on ressent à Carnac devant un Monolithe. Avec ce Menhir sur le flanc, nous voilà face aux questions existentielles : Comment ? Pourquoi ? Qui peut se targuer connaître le coeur de l'homme ?


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PS. Alors quand je vois sur Babelio la couverture avec ce bandeau ajouté par un éditeur imbécile "La vie d'un monstre", je suis bien aise d'avoir en main un exemplaire des éditions Labor Fernand Nathan de la série Espace Nord. Comment trahir à ce point Simenon ? Mais de cela non plus je ne veux pas juger.
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