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Critique de lalahat


Justin Calmar, 35 ans, casanier, n'aime pas les vacances à Venise. Il a cédé à la pression familiale et y a séjourné avec sa femme, Dominique et ses deux enfants, Josée, adolescente, et Louis, 6 ans, dans une pension de famille. Il rentre seul, en train, quelques jours avant les siens. Dans son compartiment, un homme, russe?, lui demande un service : récupérer une mallette à la gare de Lausanne et la porter à l'adresse qu'il lui inscrit sur un papier.

Justin Calmar est un homme très ordinaire, fade. Sa petite vie étriquée et plutôt morne ne connait pas de turbulences. L'aventure dans laquelle il se trouve embarqué le bouleverse. Il bascule, de façon presque fatale, dans un autre univers. Il glisse de l'honnêteté qu'il l'a toujours caractérisé vers une attitude répréhensible. Il en éprouve un grand malaise, de la peur et beaucoup de culpabilité.

Le roman est bien construit. le premier chapitre se concentre sur le voyage en train, dans une chaleur et une moiteur propre à Venise en plein été. L'ambiance sur le quai, bondé de touristes, puis dans le compartiment, étouffant, est très bien rendue. Les clichés ne sont pourtant pas évités : Josée et sa "gelato", les chapeaux de gondoliers, le petit soda rose. le second chapitre se déroule dans le train. L'atmosphère y est suggérée à travers de petits détails : le store qui vole devant la fenêtre, les portes en bois d'acajou ou de palissandre. La présence d'un prêtre dans le compartiment interpelle Calmar. La symbolique est caricaturale. le protagoniste effectue la mission qui lui a été confiée dans un sentiment de malaise. le chapitre trois marque le retour au domicile parisien. Calmar s'interroge sur l'attitude à adopter.

Quelle idée Simenon veut-il mettre en avant dans son roman? Monsieur tout le monde abrite un criminel en puissance? Il semble n'avoir pas cherché à faire dans le subtil. Tout homme a sa part d'ombre et de frustration et Calmar met les siennes en évidence alors que les souvenirs de sa carrière de prof avortée se rappellent à son souvenir.

La deuxième partie est marquée par le retour de Dominique et des enfants. La vie de famille reprend. Simenon, qui a été lui-même un mari volage – il dit avoir eu 10000 aventures féminines -, met en parallèle la vie très sobre de Calmar avec celle de son collègue Bob, qui ne passe jamais plus de trois mois avec ses conquêtes, et affiche un bonheur et une joie de vivre que ne connait pas Calmar. le sujet du roman est en fait celui-ci : peut-on s'épanouir dans une vie routinière et conventionnelle? On attend du protagoniste qu'il abandonne sa triste vie pour un nouveau départ permis par une opportunité qu'il regretterait de ne pas saisir. En est-t-il capable, lui qui comme Simenon lui-même, a trouvé refuge dans le mariage qui le protège d'une angoisse de solitude? La fin ne s'avère pas très satisfaisante. L'intrigue policière, de second plan, reste irrésolue. L'auteur privilégie une morale bien ancrée dans la convention.

Le genre du polar est aujourd'hui peuplé de jeunes auteurs qui l'ont dépoussiéré. La lecture de ce Simenon de 1965 en souffre cruellement. Les inconditionnels de l'auteur y trouveront certainement leur compte. Les autres devront replacer le roman dans le contexte de son époque, pré 68.
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