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Critique de morganex


Paris. Quelques jours d'un été torride des années 30's, début des 40's.

Mascouvin, petit employé falot et scrupuleux, se rend à la P.J. et témoigne. Maigret est là. Il va entendre une confession et s'inquiéter d'une menace de mort qui va planer sur Paris un jour durant. Mascouvin a, dit t'il, dérobé dans la caisse de ses employeurs, des marchands de biens, une rondelette somme pour éponger une dette de jeu contractée dans un cercle de bridge. Pris de remords, il s'est décidé à avouer par écrit, réclamant de quoi écrire au comptoir d'un petit bar. A côté du papier à lettre et du stylo plume, un buvard. Sur ce dernier: l'empreinte d'un écrit précédent:

" Demain, à cinq heures de relevée, je tuerai la voyante. Signé : Picpus "

Maigret a des doutes mais néanmoins s'inquiète. Et si c'était vrai ? Quelle voyante ? Il y en a des centaines dans la capitale. Au standard de Police-Secours, Maigret se met à l'écoute en direct des faits divers de Paris: suicides, ivrognes, bagarres ... Et à l'heure dite, un meurtre, rue Caulaincourt, une voyante à domicile poignardée. Fait étonnant: on trouve, enfermé de l'extérieur dans la cuisine de l'appartement, habillé en plein été d'un épais pardessus, un vieil homme un peu perdu qui prétend n'avoir rien entendu ni vu. Son nom: le Cloaguen. L'enquête commence et montrera vite que le mystérieux individu, chez lui, boulevard des Batignolles, est enfermé quotidiennement par sa femme dans une chambre misérable au sein d'un luxueux appartement. Son mari, dit t'elle, n'est plus sain d'esprit.

Ce n'est que le tout début d'une longue et sombre histoire. La suite appartient au roman....

Simenon, avec "Signé Picpus", dans la lignée policière académique et complexe de "Cécile est morte", va livrer une intrigue touffue, tortueuse et alambiquée. La structure du roman se complique du nombre impressionnant de personnages mis à contribution; chacun pesant lourdement sur l'intrigue via de lourds destins personnels. Il n'y a guère de personnages annexes, accessoires, satellitaires. Seule la victime, paradoxalement, semble n'avoir que peu d'épaisseur et ne constitue qu'un argument à l'étude psychologique serrée des vivants. Simenon prend le risque calculé de perdre son lecteur au sein d'un puzzle d'hommes et de femmes au coeur de drames croisés, d'actes sordides, d'ambitions, de peurs de lachetés et de résignations... en somme toute la palette des émotions humaines. le lecteur ne perd néanmoins jamais le fil, reste en contact avec le déroulé de l'histoire, chemine calmement vers la résolution du mystère, dénoue même certains noeuds de l'enquête. Il pense alors, sourire en coin, voir venir de loin, constate peu après que son effort réussi n'explique pas tout, qu'il ne détient qu'un fragment de la réalité, qu'il faut creuser encore.

A mon sens, les particularités de "Signé Picpus" sont:

1_Peut-être plus qu'ailleurs au sein des Maigret (du moins pour ce que j'en ai lu): la dense galerie de personnages hauts en couleurs, habilement décrits au fil d'une prose inspirée et faussement simple (çà c'est l'effet magique "Simenon").

_ Fait à ma connaissance atypique dans la série des Maigret, Simenon use ici d'un panel social et géographique ouvert, des métiers très différents les uns des autres, des lieux disparates. Aucune corporation ou lieu typique et précis ne sert d'axe central. J'ai eu l'impression d'un horizon ouvert sur un été plein d'espoirs ... Contraste saisissant et sans doute voulu avec l'enfermement de certains hommes dans le sordide et l'inhumain.

_Maigret en août, au coeur d'un été torride, dans un Paris déserté. Cela m'a changé de la fine pluie froide en crachin, de la neige, du gel, des chaussées mouillées et luisantes, du poêle rougeoyant poussé à fond dans le bureau du commissaire. On croise des pêcheurs, des robes légères, un soleil dans tout son éclat, des bières fraiches éclusées en rafales, un orage dantesque qui souligne dramatiquement l'épilogue du récit, Maigret à l'hôtel en bord de Seine, fenêtres ouvertes, qui ne peut dormir à cause de la chaleur suffocante, d'un lit trop étroit pour lui et sa femme et des flonflons d'accordéon d'une fête...

CE QUE J'EN PENSE: que voulez-vous que je vous dise ? Comme d'hab, j'ai aimé. J'ai beaucoup d'attachement pour la série des Maigret au fil de tomes qui savent se renouveler.

Ps: Albert Préjean, Gino Cervi (le Peppone de Don Camillo), Jean Richard et Bruno Crémer ont donné chair à Maigret le long d'adaptations cinématographiques ou télévisuelles.
Lien : https://laconvergenceparalle..
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