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Commissaire Maigret - Romans et ... tome 43 sur 103
EAN : 9782070306350
208 pages
Gallimard (17/06/2010)
3.89/5   40 notes
Résumé :
" Demain, à cinq heures de relevée, je tuerai la voyante. Signé : Picpus ". Qui est ce Picpus ? Quelle voyante ? Pourquoi ce crime invraisemblable et sans mobile annoncé ? Maigret, qui a fait établir une surveillance très large au risque d'être ridicule, en arrive, pour la première fois de sa carrière, à souhaiter que le meurtre ait bien lieu. Ce qui arrive en effet. Une Mlle Jeanne est poignardée chez elle dans son boudoir. Dans la cuisine mitoyenne est enfermé à c... >Voir plus
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S'il y a un homme que Maigret ne cessera jamais de traiter intérieurement d'imbécile, c'est bien Joseph Mascouvin. Ne voilà-t-il pas que cet employé modèle de chez Proud & Drouin, paisibles marchands de bien de la place parisienne, vient s'accuser d'avoir volé un billet de mille francs dans la caisse de ses patrons, tout ça pour régler des dettes de jeu contractées dans un cercle, rue des Pyramides, tenu par une pseudo-comtesse dont le bonhomme est vaguement amoureux. Hélas ! le billet à peine dans son portefeuille, il se sent terrassé, écrasé par son "crime" ! Pourquoi "hélas" ? Après tout, ça prouve que l'honnêteté l'emporte chez cet ancien pupille de l'Asssistance publique et la chose est très honorable. Eh ! bien, "hélas !" parce que, succombant sous le remords avant d'avoir dépensé le fameux billet, Mascouvin a l'idée magnifique d'entrer dans un bistrot, d'y demander de quoi écrire pour s'accuser et s'accuser encore et, c'est là que l'affaire se corse, de déposer ses lunettes sur le buvard du sous-main. Or, sous l'effet grossissant de ses verres pour myope, s'affiche tout d'un coup, à la fois narquois et terrifiant, le texte d'un billlet très court mais percutant où un certain Picpus annonce la mort prochaine d'une voyante parisienne, "à cinq heures de relevée."

Consternation et perplexité au Quai des Orfèvres et aussi branle-bas de combat ! Cinq heures. Cinq heures une. Cinq heures deux ... Maigret s'agite, Mascouvin se tord les mains et parle d'aller faire immédiatement amende honorable chez Proud & Drouin, certains inspecteurs pensent déjà que le patron est victime d'une mauvaise blague ... Lorsque soudain, à cinq heures huit, le commissariat du XVIIIème appelle pour signaler l'assassinat, de deux coups de couteau dans le coeur, de Melle Jeanne, voyante non déclarée mais ayant une assez bonne clientèle qu'elle recevait au 67bis, rue Caulaincourt.

"Demain, à cinq heures de relevée, je tuerai la voyante. Signé : Picpus."

Non, ce billet à l'air si stupide n'avait rien d'une plaisanterie. La voyante est bel et bien morte. Assassinée. A cinq heures de relevée. le jour dit.

Tout le monde se précipite illico rue Caulaincourt. On y découvre une jeune quadragénaire proprement assassinée et point trop mal de son physique, aucun paquet de cartes sur le guéridon, un petit appartement très douillet et, dans la cuisine fermée à clef que finit par ouvrir un serrurier sur commande, un petit vieillard frêle, au pardessus verdi comme une soutane de curé de campagne, dont les papiers d'identité révèlent qu'il n'est autre qu'Octave le Cloaguen, ancien médecin de marine. La stupeur est d'autant plus grande que, selon les premières constatations, il est impossible que l'homme ait tué : ses vêtements sont exempts de toute tache de sang et, vu les blessures, il y en aurait eu. Fatalement.

A un Maigret qui commence à flairer l'affaire peu courante, le Cloaguen avoue avec humilité que oui, il venait se faire tirer les cartes chaque semaine chez Melle Jeanne mais qu'il ne faut surtout pas que sa femme soit mise au courant. Raccompagné chez lui par Maigret et un inspecteur, ils tombent sur un appartement de grand style dans une résidence luxueuse. Normal : le Cloaguen a jadis sauvé la fille d'un riche éleveur argentin qui lui a fait à vie une rente de deux-cent-mille francs par an. Anormal par contre : l'attitude nettement hostile de Mme le Cloaguen envers son époux - elle traiterait mieux son chien - doublée du mépris de leur fille, Gisèle. Avec ça, la chambre de le Cloaguen est meublée le plus simplement possible et possède un verrou à l'extérieur. du bout de ses lèvres très pincées, Mme le Cloaguen explique que son époux a parfois "des crises" et que, quand elle reçoit, elle l'enferme. Voilà. Il n'a pas le droit non plus de fumer, encore moins de boire. C'est mauvais pour sa santé.

En effet, il faut que le Cloaguen reste en vie le plus longtemps possible car la rente ne lui est versée qu'en mains propres et les versements ne seront pas reportés sur ses héritiers ...

Bon, d'accord, se dit Maigret. Tout ça, c'est bien triste. Mais enfin, il voit mal Mme le Cloaguen, qu'il a pourtant prise tout de suite en grippe, s'en aller souiller ses mains délicates et nerveuses du sang d'une voyante que, d'évidence, elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Mme le Cloaguen, voyez-vous, c'est l'équivalent d'Harpagon dans une pièce que Molière aurait oublié d'adoucir en ajoutant par-ci, par-là quelques scènes comiques quoique bien ambiguës - "L'Avare", de toutes façons, n'est-il pas une authentique tragédie ?

Et Gisèle, la fille ? Encore moins : une suiveuse peut-être mais une tueuse active et déterminée, certainement pas.

Et voilà que cet imbécile de Mascouvin, encore lui ;o) , échappant à la surveillance de l'inspecteur qui l'accompagnait, se jette d'un pont dans l'intention évidente de mettre fin à ses jours puisqu'il n'a pas réussi à éviter le meurtre de la voyante ... Il faudra des jours avant qu'on puisse l'interroger à nouveau ... Ah ! quelle affaire ! ...

Tels sont les bases, l'essentiel de l'histoire. Tout y est et cependant, vous ne pourrez pas deviner le fin mot de l'histoire sans vous jeter dans le roman. Un roman où Simenon exhale avec une hargne (et une douleur) toute particulières sa haine d'une certaine bourgeoisie et d'un certain type de femmes - et de mères. Un roman où, s'il compatit aux faiblesses des hommes, il ne parvient pas à les en absoudre. Un roman où il s'amuse parfois et nous arrache quelques sourires parce que, ma foi, mieux vaut rire que pleurer. Un roman au fond très amer, l'un de ses plus sombres. Mais un roman magistral. ;o)
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Un roman policier de Georges Simenon montre le plus souvent l'irruption du crime dans des vies jusque là ordinaire. Par ce crime, des personnes de milieux sociaux très différents peuvent se rencontrer.
Prenez Signé Picpus, par exemple. L'enquête commence avant même qu'un meurtre soit connu. Un simple employé, très scrupuleux, vient se dénoncer pour un vol, et en même temps prévient qu'une voyant sera assassinée. Laquelle ? Difficile à dire, il ne connaît que sa profession. Un policier actuel aurait renvoyé chez lui le scrupuleux employé. Pas Maigret, qui se tient prêt à intervenir, au risque de se ridiculiser. Pas de chance pour la voyante : elle est bel et bien assassinée. Et Joseph, qui avait tenté de prévenir ce crime, ne s'en remet pas vraiment.
Pas ou peu de suspect de prime abord. La personne qui a découvert le corps ? Une charmante aubergiste, qui connaissait bien la voyante, fidèle cliente de l'auberge, et venait lui apporter du poisson. le mystérieux vieux monsieur qui était enfermé dans la cuisine ? Il paraît ne plus avoir toute sa tête, ce que semblent confirmer sa femme et sa fille. Et Maigret de s'obstiner. Pourquoi ? Pour trois fois rien, des détails que nos experts actuels ne remarqueraient même pas. Il n'y a rien, effectivement, absolument rien. Pas de domestiques, pas ou peu de souvenirs personnels, pas de visiteurs. Mais il y a un verrou extérieur à la chambre-bureau, tout aussi dénudé, de l'ancien médecin de marin. En effet, le vieux monsieur, dans son vieux pardessus élimé, a eu une belle carrière, et dispose d'une très belle rente depuis qu'il a sauvé la vie d'un riche argentin. Ni lui, ni surtout sa femme, ne semblent aimer les signes extérieurs d'aisance. Ils n'ont pas commis de crimes, n'est-ce pas ? Donc, tout en les gardant sous une surveillance presque discrète (un des hommes de Maigret ne résiste pas au bonheur du déguisement), Maigret poursuit son enquête dans l'entourage de la voyante.
« Entourage » est un bien grand mot. Qui se vante de consulter une voyante, hier comme aujourd'hui ? Personne. Maigret doit compter sur les voisins, les petites gens, qui auraient observé quelque chose et qui voudraient bien le confier à la police. Pas si facile, que ce soit hier comme aujourd'hui. Les motivations changent, les personnes aussi. Rares sont les personnes qui « montent à Paris » dans l'espoir de trouver une vie meilleure. Il n'est plus possible non plus de « prendre un enfant de l'assistance » parce que l'on est en mal d'enfants, non plus que de craindre pour sa réputation parce qu'un homme est monté dans votre appartement.
Ce qui ne change pas, en revanche, ce sont l'amour et l'avarice, deux sentiments totalement incompatibles et qui s'affrontent dans ce roman. Ce qui ne change pas non plus d'un roman à un autre, ce sont la patience de Maigret et son sens aigu de l'observation. L'un ne va pas sans l'autre.
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Paris. Quelques jours d'un été torride des années 30's, début des 40's.

Mascouvin, petit employé falot et scrupuleux, se rend à la P.J. et témoigne. Maigret est là. Il va entendre une confession et s'inquiéter d'une menace de mort qui va planer sur Paris un jour durant. Mascouvin a, dit t'il, dérobé dans la caisse de ses employeurs, des marchands de biens, une rondelette somme pour éponger une dette de jeu contractée dans un cercle de bridge. Pris de remords, il s'est décidé à avouer par écrit, réclamant de quoi écrire au comptoir d'un petit bar. A côté du papier à lettre et du stylo plume, un buvard. Sur ce dernier: l'empreinte d'un écrit précédent:

" Demain, à cinq heures de relevée, je tuerai la voyante. Signé : Picpus "

Maigret a des doutes mais néanmoins s'inquiète. Et si c'était vrai ? Quelle voyante ? Il y en a des centaines dans la capitale. Au standard de Police-Secours, Maigret se met à l'écoute en direct des faits divers de Paris: suicides, ivrognes, bagarres ... Et à l'heure dite, un meurtre, rue Caulaincourt, une voyante à domicile poignardée. Fait étonnant: on trouve, enfermé de l'extérieur dans la cuisine de l'appartement, habillé en plein été d'un épais pardessus, un vieil homme un peu perdu qui prétend n'avoir rien entendu ni vu. Son nom: le Cloaguen. L'enquête commence et montrera vite que le mystérieux individu, chez lui, boulevard des Batignolles, est enfermé quotidiennement par sa femme dans une chambre misérable au sein d'un luxueux appartement. Son mari, dit t'elle, n'est plus sain d'esprit.

Ce n'est que le tout début d'une longue et sombre histoire. La suite appartient au roman....

Simenon, avec "Signé Picpus", dans la lignée policière académique et complexe de "Cécile est morte", va livrer une intrigue touffue, tortueuse et alambiquée. La structure du roman se complique du nombre impressionnant de personnages mis à contribution; chacun pesant lourdement sur l'intrigue via de lourds destins personnels. Il n'y a guère de personnages annexes, accessoires, satellitaires. Seule la victime, paradoxalement, semble n'avoir que peu d'épaisseur et ne constitue qu'un argument à l'étude psychologique serrée des vivants. Simenon prend le risque calculé de perdre son lecteur au sein d'un puzzle d'hommes et de femmes au coeur de drames croisés, d'actes sordides, d'ambitions, de peurs de lachetés et de résignations... en somme toute la palette des émotions humaines. le lecteur ne perd néanmoins jamais le fil, reste en contact avec le déroulé de l'histoire, chemine calmement vers la résolution du mystère, dénoue même certains noeuds de l'enquête. Il pense alors, sourire en coin, voir venir de loin, constate peu après que son effort réussi n'explique pas tout, qu'il ne détient qu'un fragment de la réalité, qu'il faut creuser encore.

A mon sens, les particularités de "Signé Picpus" sont:

1_Peut-être plus qu'ailleurs au sein des Maigret (du moins pour ce que j'en ai lu): la dense galerie de personnages hauts en couleurs, habilement décrits au fil d'une prose inspirée et faussement simple (çà c'est l'effet magique "Simenon").

_ Fait à ma connaissance atypique dans la série des Maigret, Simenon use ici d'un panel social et géographique ouvert, des métiers très différents les uns des autres, des lieux disparates. Aucune corporation ou lieu typique et précis ne sert d'axe central. J'ai eu l'impression d'un horizon ouvert sur un été plein d'espoirs ... Contraste saisissant et sans doute voulu avec l'enfermement de certains hommes dans le sordide et l'inhumain.

_Maigret en août, au coeur d'un été torride, dans un Paris déserté. Cela m'a changé de la fine pluie froide en crachin, de la neige, du gel, des chaussées mouillées et luisantes, du poêle rougeoyant poussé à fond dans le bureau du commissaire. On croise des pêcheurs, des robes légères, un soleil dans tout son éclat, des bières fraiches éclusées en rafales, un orage dantesque qui souligne dramatiquement l'épilogue du récit, Maigret à l'hôtel en bord de Seine, fenêtres ouvertes, qui ne peut dormir à cause de la chaleur suffocante, d'un lit trop étroit pour lui et sa femme et des flonflons d'accordéon d'une fête...

CE QUE J'EN PENSE: que voulez-vous que je vous dise ? Comme d'hab, j'ai aimé. J'ai beaucoup d'attachement pour la série des Maigret au fil de tomes qui savent se renouveler.

Ps: Albert Préjean, Gino Cervi (le Peppone de Don Camillo), Jean Richard et Bruno Crémer ont donné chair à Maigret le long d'adaptations cinématographiques ou télévisuelles.
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Le premier "Mauriac-thriller"


L'histoire

Un comptable à l'apparence minable, Mascouvin, se présente à la P.J : il vient se constituer prisonnier, s'accuse d'un vol chez son patron, gérant de biens. Il ne vient pas seul, mais accompagné d'un buvard qu'il a ramassé dans un café ; sur ce buvard, une prophétie, « demain, je tuerai la voyante », et une signature, « Picpus ».
Effectivement, quelques jours après, une voyante est retrouvée poignardée, dans l'appartement qui lui sert à la fois de crèche et de cabinet, rue Caulaincourt, dans le quartier Montmartre. La découverte du corps se double d'une autre : derrière une porte fermée à clef de l'extérieur, un homme attend, paumé tel un togolais dans la galerie des glaces. Reconduit chez lui, Maigret découvre un intérieur bourgeois gardé par deux femmes, la mère et la fille, la chambre du type, très différente par sa simplicité du reste de l'appartement et surtout, surtout, munie d'un verrou extérieur. Comme si ce type était quelquefois enfermé.
Cette famille intrigue donc Maigret au plus haut point. Tout lui sera sujet à question dans cette histoire, de multiples pions se mettront en place. Rien ne rassemble ces pions ? Si, chacun d'eux a un lien avec la voyante. Qui est par exemple ce monsieur Blaise, amateur de pêche qui ne pêche pas mais ramène du poisson ? Et ce le Goasguen, le paumé de la rue Caulaincourt, suant sous son pardessus en plein mois d'août, riche d'une grosse rente annuelle ? Anormal, voire fou, et souffrant d'anciennes fièvres aux dires de sa femme. Voire…

Les élucubrations du bertrand

« Signé Picpus » est un Maigret un peu à part. En premier lieu parce que le manuscrit de l'oeuvre, initialement publié dès 1941 dans Paris Soir, a été vendu aux enchères au profit des prisonniers de guerre en 1943. Ensuite, parce qu'il s'agit d'un Maigret aux multiples personnages, aux lieux différents, fait d'intrigues entrecroisées. Compliqué ? Que non ! Magistral, plutôt, car tous ces fils se tiennent, mènent à une vérité plutôt effroyable.
Il y a du Balzac dans ce Simenon là ! La peinture des personnages y est remarquable, la complication de l'intrigue n'est jamais ressentie par le lecteur, tout à son plaisir de dévorer ce qu'on appellerait de nos jours un thriller. Un vrai, pas un de ceux où on fait pan-pan, un « Mauriac-thriller » si on me pardonne l'expression, une enquête où les balles s'appellent Intérêt, Calcul, Mépris.

Lien : http://noirdepolars.e-monsit..
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Malgré un avertissement anonyme annonçant à la police le meurtre d'une voyante, Mme Jeanne, qui officiait rue Caulaincourt, est assassinée dans son appartement. Sur les lieux, Maigret trouve un vieillard hébété, le Gloaguen, qui prétend ne rien savoir. Ancien médecin de la marine, vivant entre une épouse acariâtre et une fille prétentieuse, le Gloaguen est-il vraiment fou, comme le prétendent les deux femmes ? Après avoir interrogé ceux qui, de près ou de loin, côtoient le vieillard, sa femme et sa fille, les voisins et la concierge, la patronne d'une auberge, l'avoué chargé de lui verser une rente régulière, Il découvrira une sinistre histoire de substitution d'identité et de chantage où la cupidité et l'intérêt tiennent la première place.

Signé Picpus est un roman complexe – plusieurs lieux, plusieurs personnages sans liens apparents – avec une double enquête, l'une sur l'assassinat d'une voyante apparemment sans histoires et l'autre sur la place que tient un vieillard fragile dans une famille sous l'emprise d'une femme bouffie de suffisance, autoritaire et dominatrice. L'action se déroule non pas dans le quartier de Picpus mais entre la place des Vosges, le boulevard des Batignolles et la rue Caulaincourt, dans le nord de Paris. D'où des aller-retours de Maigret entre ces trois adresses sous une chaleur estivale accablante, avec en plus une escapade en compagnie de Mme Maigret à Morsang-sur-Orge, l'occasion pour Simenon d'évoquer brillamment l'ambiance des fins de semaine au bord de la rivière avec ses pêcheurs et ses couples qui dansent le soir sur la terrasse de l'auberge.

L'intrigue se déroule en trois temps : l'annonce et l'assassinat de la voyante occupent la première partie du roman avant que Maigret ne se concentre, du moins en apparence, sur le cas le Gloaguen. Ce n'est qu'une fois cette question élucidée qu'il reviendra à la première affaire. L'explication finale sera l'occasion d'une scène surprenante : ensommeillé après de longues heures de veille – et peut-être un peu alourdi par l'alcool – Maigret se livre dans le taxi qui l'emmène au quai des Orfèvres où il doit retrouver tous les protagonistes à un long monologue intérieur dans lequel il résume l'affaire. Cette longue réflexion, qui est plutôt la répétition des explications qu'il destine au juge d'instruction (dont il ne partage pas les méthodes et les conseils, mais cela n'est pas nouveau), vient en complément de plusieurs passages du roman écrits au présent de l'indicatif, soulignant ainsi les réflexions « en direct » du commissaire sur certains points forts de l'enquête.

Roman très noir introduisant des personnages sans moralité ni scrupules, certains doublés d'imbéciles, et particulièrement une femme haineuse et arrogante, toujours prête à nier l'évidence, – l'une des pires harpies décrites par Simenon, ici dans la veine d'un Jules Renard ou d'un François MauriacSigné Picpus est une des meilleures enquêtes du commissaire. Intrigué par l'avertissement anonyme (1), perplexe devant l'attitude d'un des témoins et ressentant une violente antipathie immédiate envers un autre, Maigret semble au début un peu perdu et hésitant. Mais une fois de plus, c'est en s'imprégnant de l'atmosphère ambiante et en se mettant dans la peau des autres (2) qu'il réussira.

(1) Signé Picpus rejoint d'autres écrits de Georges Simenon dans lequel il est annoncé (anonymement) dès les premières pages qu'un crime va avoir lieu : deux romans, L'affaire Saint-Fiacre et Maigret hésite et une nouvelle, Menaces de mort.
(2) Et aussi en utilisant son habilité bien connue à faire parler les suspects : « Maigret, par tradition, avait commencé par la « chansonnette », l'interrogatoire bon enfant, cordial, avec l'air de n'attacher aucune importance aux questions posées, avec même l'air de s'excuser d'une simple formalité. » © Tout Simenon, 24, Omnibus, Paris, 2003

Lien : http://maigret-paris.fr/2019..
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... Tout à l'heure, la concierge lui confirmerait l'idée qu'il s'en faisait, lui parlerait des réceptions hebdomadaires, les réceptions du lundi, comme on disait ironiquement dans la maison.

Il était exact aussi que les Le Cloaguen n'avaient pas de domestique, une femme de ménage venait seulement chaque matin, mais que, le lundi, on faisait venir un maître d'hôtel de chez Potel & Chabot.

- "Et pourtant, ils sont riches !" dirait la concierge, plus bavarde que celle de la rue Caulaincourt. "On prétend qu'ils ont plus de deux-cent-mille francs de rente. Un notaire de Saint-Raphaël fait le voyage tout exprès, chaque année, au mois de décembre, pour leur apporter l'argent. Qu'est-ce qu'ils en font ? on se le demande. Les commerçants du quartier vous en parleront. Chez le boucher, ils ne prennent que les mauvais morceaux, et encore les morceaux ne sont-ils pas gros ! Vous avez vu comment le pauvre homme est habillé, hiver comme été ..."

Mais quel rapport y avait-il entre cet appartement et le clair logement de la rue Caulaincourt, entre cette femme mince, nerveuse, terriblement maîtresse d'elle-même [= Mme Le Cloaguen], et la demoiselle Jeanne, aux chairs douillettes et soignées, qui était morte dans son salon plein de soleil ?

On n'était qu'au début de l'enquête. Maigret n'essayait pas de tirer des conclusions de ce qu'il voyait, de ce qu'il entendait. Il situait des êtres, l'étrange Mascouvin dans son bureau de Proud et Drouin, puis chez lui, place des Vosges, ou encore dans les salons de bridge de la comtesse, rue des Pyramides ...

- "Exactement un grand enfant, monsieur le commissaire, je ne trouve pas d'autre mot ... Il passe sa journée à errer le long des trottoirs et ne rentre que pour les repas ... Cependant, je vous affirme qu'il est inoffensif ..."

Inoffensif ... Le mot frappa Maigret qui regarda le vieillard. La sueur avait disparu de son front et il restait là, indifférent à ce qui se passait autour de lui.

De quoi avait-il eu peur ? Pourquoi avait-il retrouvé sa sérénité, ou plutôt son indifférence ? ... [...]
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Les lampes, qu’à la fin du dîner on avait dû allumer sous les arbres ; le feuillage qui était devenu d’un beau vert sombre, comme sur les anciennes tapisseries ; la buée blanchâtre qui montait de la surface mouvante de la Seine ; des rires, aux petites tables, et des voix rêveuses d’amoureux…
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Des cars déferlent dans Paris, bondés d’étrangers, tandis que les guides hurlent dans les haut-parleurs. Le thermomètre marque trente-cinq degrés à l’ombre et il n’y a plus moyen de plonger dans les piscines, tant les baigneurs y sont serrés les uns contre les autres.
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Une bourrasque balaie le boulevard des Batignolles, soulève des tourbillons de poussière jusqu’aux fenêtres du troisième étage, secoue le vélum des cafés et soudain une trombe d’eau s’abat, crépite, forme une mare mouvante sur les trottoirs tandis qu’on voit les passants courir en tous sens et que les taxis, avec leurs moustaches d’eau, jouent les canots automobiles.
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[...] ... Le passe-partout tourne dans la serrure. La porte s'ouvre.

- "Hein ? ... Qu'est-ce que vous faites là, vous ? ... Qui êtes-vous ?"

C'est presque comique à force d'être inattendu. Dans une petite cuisine bien propre, où ne traînent ni une assiette, ni un verre sale, ne découvre-t-on pas un vieillard qui attend, très digne, assis au bout de la table ?

- "Répondez ... Qu'est-ce que vous faites là ?"

Le vieux regarde avec stupeur ces hommes qui l'interpellent et il ne trouve rien à répondre. Le plus étrange, c'est qu'en plein mois d'août il est vêtu d'un pardessus verdâtre. Ses joues sont envahies par une barbe mal taillée. Son regard fuit, ses épaules se courbent.

- "Depuis quand êtes-vous dans cette cuisine ?"

Il fait un effort, comme s'il ne comprenait pas très bien, tire une montre en or de sa poche, en ouvre le boîtier.

- "Depuis quarante minutes," répond-il enfin.

- C'est à dire que vous étiez ici à cinq heures ?

- Je suis arrivé avant ...

- Vous avez assisté au crime ?

- Quel crime ?"

Il est dur d'oreille, penche la tête vers son interlocuteur à la façon des sourds.

- "Comment ? Vous ne savez pas que ..."

On découvre le cadavre. Le vieillard le contemple avec stupéfaction et reste figé. ... [...]
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