Toutes les routes partout mènent
au massacre
des joies au meurtre
des clartés candides
croyez-vous que je mente ?
regardez sous vos doigts
la ruine des caresses
et le débris des jours
où l'on buvait jadis l'été
à pleine gorge
mais l'homme est plus habile au cri
qu'à la douceur
mais l'homme occupé à sculpter
sa face de douleur
asservi à sa peur comme un malade
à sa fièvre
sa vérité l'étrangle toute pensée
est ronce
qui le tient arrêté à son sol
de souffrances
il met dans sa bouche la grimace
qui l'épouvante
demain la mort est fraîche
embrasse l'air l'arbre la maison
et nos lèvres
sa salive est sur nos bouches
et mouille les mots mêmes
la mort la vieille mort l'absence
impénétrable
luit dans tout langage
et bientôt le silence...
aimer serait alors trouver en l'autre
le rythme ignoré
il est temps de mettre à vif
le dur sentiment
c'est cela seul qui tient
dans la pensée mouvante
la peine première et la peine dernière
l'éternité des peines
et le jour de colère qui monte
comme un arbre
et le bonheur qui fend la mort
d'un coup de hache
avancez amis c'est l'heure de devancer
l'espoir même si
vous le sentez quelque obscure vérité colle
à vos semelles
une sentence de boue et d'herbes rouillées
indécrottable
mais c'est l'absence de l'autre que nous portons
dans le plein du cœur
aboli déjà aboli le bonheur
dans sa durée perdue
la poésie commence
où l'amour cogne au vide
là où tout manque se rue l'avalanche silencieuse
des larmes
serait-il le beau temps ce qui sauve
des larmes ? non
toute pensée peut-être naît du cri
silencieux
que chacun porte en lui sans le connaître
jamais
hôte en nous-mêmes muet
et malheureux
mendiant en vain qui mendie
notre oreille